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La rentrée universitaire 2023-2024 est marquée par plusieurs nouveautés et réformes visant à améliorer l'offre de formation, la qualité de l'enseignement et la compétitivité internationale des universités marocaines. Dans cette interview accordée à la MAP, le président de l'Université Hassan II de Casablanca, Pr. Houssine Azeddoug présente les contours des réformes en cours et les efforts visant une approche nouvelle de gouvernance de l'enseignement universitaire et de la recherche scientifique.
Quelles sont les principales nouveautés marquant l'année universitaire 2023/2024, la suppression de la licence professionnelle et les parcours d’excellence étant les sujets les plus commentés récemment dans ce sens ?
Effectivement, cette rentrée universitaire 2023-2024 est marquée par la mise en œuvre du pacte Esri 2030 (Plan d'accélération de la transformation de l'écosystème d'enseignement supérieur, de la recherche scientifique et de l'innovation). Dans le cadre de ce pacte, une réforme pédagogique a concerné l'ensemble du système LMD (Licence-Master-Doctorat) auquel notre pays a adhéré dès le début des années 2000. Mais cette année, il y a une refonte, une amélioration aussi bien au niveau de la licence, que du master et du doctorat.
Le système de l'enseignement supérieur au niveau de l'université marocaine comprend deux types d'établissements, des établissements à accès régulé (écoles d'ingénieurs, facultés de médecine,...) et des établissements à accès ouvert qui sont les facultés (de sciences juridiques, économiques et sociales, de lettres, entre autres). C'est au niveau de ces derniers qu'il y a une réforme assez profonde qui touche principalement la licence.
On avait deux types de licences: fondamentale et professionnelle. L'effort qui a été déployé, c'est notamment dans le sens de la multiplication des filières. Par rapport à ces licences, on peut dire que nous avons trois types de licence, dont le premier commence à partir du premier semestre et se termine avec le sixième.
Le deuxième type, qui est majoritaire, concerne un tronc commun national entre S1 et S4, les quatre premiers semestres. Dans le cas tronc commun, l'étudiant peut à tout moment se réorienter, c'est-à-dire choisir un autre parcours qui lui convienne le plus. La nouveauté, c'est qu'au terme de ce semestre 4, qui aboutit à un diplôme des études générales, l'étudiant choisit un parcours. Là, il y a vraiment une richesse, une diversité énorme, car c'est un début de spécialisation de l'étudiant qui va lui ouvrir des horizons pour poursuivre au niveau du master et du doctorat, ou intégrer le milieu socio-économique pour trouver un emploi.
Le 3e type le plus important est le parcours d'excellence. C'est un parcours différent des deux premiers types à accès ouvert, permettant à l'étudiant de choisir le parcours qui lui convient au niveau de toutes les facultés du pays. Il y aura en effet des comités qui vont aider l'étudiant à choisir le parcours qui lui convient à travers l'orientation. Le parcours d'excellence est sélectif dans le sens où ce sont les meilleurs qui peuvent s'y inscrire. Entre 100 et 400 étudiants par parcours d'excellence, selon l'établissement, les ressources humaines et des champs disciplinaires.
Pouvez-vous nous parler des mesures prises au Maroc, et au niveau de votre établissement en particulier pour étoffer l’offre pédagogique et consolider l’apprentissage des langues, qui reste selon certains l'un des principaux défis de l'université marocaine ?
Concernant la licence nouvelle génération, notamment à l'université Hassan II de Casablanca, il faut dire que dans le cadre de la réforme, l'université adhère à une amélioration en continu. D'ailleurs, toutes ces filières, aussi bien la licence, le master et le doctorat, sont régies par le CNPN (Cahier des normes pédagogiques nationales). La durée d'accréditation de ces filières est limitée au niveau de la licence à 5 ans, ce qui permet à l'équipe pédagogique d'améliorer le travail, au terme de chaque période de 5 années, grâce à une auto-évaluation continue. La nouveauté est que les semestres sont composés de sept modules chacun, dont deux permanents (Langues et soft-skills ou power-skills).
L'autre nouveauté est l'instauration au niveau du CNPN, des crédits (Recours au système européen de transfert des crédits (ECTS)). Cela va permettre à l'étudiant d'acquérir des crédits, le nombre de crédits par semestre étant limité à 30 et le nombre de crédits pour avoir une licence étant de 180. Mais ce mécanisme va surtout permettre à l'étudiant d'assurer une mobilité vers d'autres universités, y compris à l'étranger.
Parmi les nouveautés figure aussi le principe des passerelles. L'étudiant dispose désormais de la possibilité d'accéder à une panoplie de filières et peut ainsi à tout moment, grâce à ces crédits à l'offre de formation très diversifiée, de choisir le parcours qui lui convient le plus. Aussi, au terme de son diplôme, l'étudiant est-il tenu d'avoir un certain niveau de langues correspondant au diplôme (licence, master, doctorat).
Ces modules ont été programmés pour accompagner l'étudiant tout au long du parcours, parce qu'on a remarqué des lacunes linguistiques et communicationnelles. Aujourd'hui, l'université Hassan II propose 150 parcours dans le cadre des licences nouvelle génération, dont 14 parcours d'excellence.
Quelle approche adoptez-vous pour renforcer la compétitivité de votre université et promouvoir la recherche scientifique ?
Notre université a un peu plus de 2300 enseignants-chercheurs. Nous avons quelque 5500 doctorants qui sont inscrits dans les 33 formations doctorales dont nous disposons. Pour améliorer cette performance scientifique, nous avons mis en place dix centres thématiques de recherche et d'innovation, dans le but de fédérer les différents laboratoires et équipes de recherche, mutualiser les moyens et matériels, permettre aux laboratoires de disposer du matériel lourd et hisser le niveau de la recherche et de publication. L'objectif est de répondre aux priorités nationales et régionales en termes de recherche scientifique et d'innovation.
Par ailleurs, pour promouvoir la production scientifique, nous avons créé des prix distinguant les meilleures publications.
Quel bilan dresserez-vous en matière des bourses universitaires et leur rôle dans la promotion de la recherche scientifique ?
Il y a trois types de bourses: une bourse dite sociale, qui est attribuée en fonction des revenus des parents de l'étudiant et une bourse d'excellence octroyée par le centre national de la recherche scientifique et technique (CNRST), et dont le nombre actuellement est de 300 bourses par an. Un chiffre promis à être augmenté. Il s'agit aussi du programme doctorants nouvelle génération, car le ministère travaille sur un projet pour les 1000 doctorants à qui est allouée une bourse consistante pour les aider à mener leurs recherches dans les meilleures conditions.
A quel point l’université marocaine est adaptée, dans ses cursus, spécialités et pédagogies, aux besoins du marché du travail ?
La principale mission des universités était de former des citoyens, d'assurer qu'ils aient des compétences dans des domaines particuliers. La question d'insertion dans le secteur socio-économique n'était pas alors posée, ni au Maroc ni ailleurs. Mais à un moment donné, l'employabilité au sein du secteur public était saturée et les universités au niveau mondial commencent à penser à autre chose, préparer les étudiants pour travailler dans d'autres secteurs. Au Maroc, cela a commencé déjà à la fin des années 90, avec la mise en place des licences d'application, et par la suite la création des licences professionnelles et des masters spécialisés pour faciliter l'insertion dans le marché d'emploi. Donc ce paramètre insertion est fondamental aujourd'hui, et d'ailleurs, au niveau de certains classements, on tient compte du taux d'insertion des lauréats dans le marché d'emploi. Je suis convaincu que cette réforme va encore améliorer ce taux d'insertion à travers cette offre de formation très importante et très diversifiée, mais aussi l'alternance de la formation entre l'université et l'entreprise.
Notre université, et toutes les autres universités, sont prêtes justement pour réussir ensemble cette rentrée universitaire qui est placée sous le signe de la concrétisation du pacte ESRI.
Propos recueillis
par Khalid Attoubata (MAP)
Quelles sont les principales nouveautés marquant l'année universitaire 2023/2024, la suppression de la licence professionnelle et les parcours d’excellence étant les sujets les plus commentés récemment dans ce sens ?
Effectivement, cette rentrée universitaire 2023-2024 est marquée par la mise en œuvre du pacte Esri 2030 (Plan d'accélération de la transformation de l'écosystème d'enseignement supérieur, de la recherche scientifique et de l'innovation). Dans le cadre de ce pacte, une réforme pédagogique a concerné l'ensemble du système LMD (Licence-Master-Doctorat) auquel notre pays a adhéré dès le début des années 2000. Mais cette année, il y a une refonte, une amélioration aussi bien au niveau de la licence, que du master et du doctorat.
Le système de l'enseignement supérieur au niveau de l'université marocaine comprend deux types d'établissements, des établissements à accès régulé (écoles d'ingénieurs, facultés de médecine,...) et des établissements à accès ouvert qui sont les facultés (de sciences juridiques, économiques et sociales, de lettres, entre autres). C'est au niveau de ces derniers qu'il y a une réforme assez profonde qui touche principalement la licence.
On avait deux types de licences: fondamentale et professionnelle. L'effort qui a été déployé, c'est notamment dans le sens de la multiplication des filières. Par rapport à ces licences, on peut dire que nous avons trois types de licence, dont le premier commence à partir du premier semestre et se termine avec le sixième.
Le deuxième type, qui est majoritaire, concerne un tronc commun national entre S1 et S4, les quatre premiers semestres. Dans le cas tronc commun, l'étudiant peut à tout moment se réorienter, c'est-à-dire choisir un autre parcours qui lui convienne le plus. La nouveauté, c'est qu'au terme de ce semestre 4, qui aboutit à un diplôme des études générales, l'étudiant choisit un parcours. Là, il y a vraiment une richesse, une diversité énorme, car c'est un début de spécialisation de l'étudiant qui va lui ouvrir des horizons pour poursuivre au niveau du master et du doctorat, ou intégrer le milieu socio-économique pour trouver un emploi.
Le 3e type le plus important est le parcours d'excellence. C'est un parcours différent des deux premiers types à accès ouvert, permettant à l'étudiant de choisir le parcours qui lui convient au niveau de toutes les facultés du pays. Il y aura en effet des comités qui vont aider l'étudiant à choisir le parcours qui lui convient à travers l'orientation. Le parcours d'excellence est sélectif dans le sens où ce sont les meilleurs qui peuvent s'y inscrire. Entre 100 et 400 étudiants par parcours d'excellence, selon l'établissement, les ressources humaines et des champs disciplinaires.
Pouvez-vous nous parler des mesures prises au Maroc, et au niveau de votre établissement en particulier pour étoffer l’offre pédagogique et consolider l’apprentissage des langues, qui reste selon certains l'un des principaux défis de l'université marocaine ?
Concernant la licence nouvelle génération, notamment à l'université Hassan II de Casablanca, il faut dire que dans le cadre de la réforme, l'université adhère à une amélioration en continu. D'ailleurs, toutes ces filières, aussi bien la licence, le master et le doctorat, sont régies par le CNPN (Cahier des normes pédagogiques nationales). La durée d'accréditation de ces filières est limitée au niveau de la licence à 5 ans, ce qui permet à l'équipe pédagogique d'améliorer le travail, au terme de chaque période de 5 années, grâce à une auto-évaluation continue. La nouveauté est que les semestres sont composés de sept modules chacun, dont deux permanents (Langues et soft-skills ou power-skills).
L'autre nouveauté est l'instauration au niveau du CNPN, des crédits (Recours au système européen de transfert des crédits (ECTS)). Cela va permettre à l'étudiant d'acquérir des crédits, le nombre de crédits par semestre étant limité à 30 et le nombre de crédits pour avoir une licence étant de 180. Mais ce mécanisme va surtout permettre à l'étudiant d'assurer une mobilité vers d'autres universités, y compris à l'étranger.
Parmi les nouveautés figure aussi le principe des passerelles. L'étudiant dispose désormais de la possibilité d'accéder à une panoplie de filières et peut ainsi à tout moment, grâce à ces crédits à l'offre de formation très diversifiée, de choisir le parcours qui lui convient le plus. Aussi, au terme de son diplôme, l'étudiant est-il tenu d'avoir un certain niveau de langues correspondant au diplôme (licence, master, doctorat).
Ces modules ont été programmés pour accompagner l'étudiant tout au long du parcours, parce qu'on a remarqué des lacunes linguistiques et communicationnelles. Aujourd'hui, l'université Hassan II propose 150 parcours dans le cadre des licences nouvelle génération, dont 14 parcours d'excellence.
Quelle approche adoptez-vous pour renforcer la compétitivité de votre université et promouvoir la recherche scientifique ?
Notre université a un peu plus de 2300 enseignants-chercheurs. Nous avons quelque 5500 doctorants qui sont inscrits dans les 33 formations doctorales dont nous disposons. Pour améliorer cette performance scientifique, nous avons mis en place dix centres thématiques de recherche et d'innovation, dans le but de fédérer les différents laboratoires et équipes de recherche, mutualiser les moyens et matériels, permettre aux laboratoires de disposer du matériel lourd et hisser le niveau de la recherche et de publication. L'objectif est de répondre aux priorités nationales et régionales en termes de recherche scientifique et d'innovation.
Par ailleurs, pour promouvoir la production scientifique, nous avons créé des prix distinguant les meilleures publications.
Quel bilan dresserez-vous en matière des bourses universitaires et leur rôle dans la promotion de la recherche scientifique ?
Il y a trois types de bourses: une bourse dite sociale, qui est attribuée en fonction des revenus des parents de l'étudiant et une bourse d'excellence octroyée par le centre national de la recherche scientifique et technique (CNRST), et dont le nombre actuellement est de 300 bourses par an. Un chiffre promis à être augmenté. Il s'agit aussi du programme doctorants nouvelle génération, car le ministère travaille sur un projet pour les 1000 doctorants à qui est allouée une bourse consistante pour les aider à mener leurs recherches dans les meilleures conditions.
A quel point l’université marocaine est adaptée, dans ses cursus, spécialités et pédagogies, aux besoins du marché du travail ?
La principale mission des universités était de former des citoyens, d'assurer qu'ils aient des compétences dans des domaines particuliers. La question d'insertion dans le secteur socio-économique n'était pas alors posée, ni au Maroc ni ailleurs. Mais à un moment donné, l'employabilité au sein du secteur public était saturée et les universités au niveau mondial commencent à penser à autre chose, préparer les étudiants pour travailler dans d'autres secteurs. Au Maroc, cela a commencé déjà à la fin des années 90, avec la mise en place des licences d'application, et par la suite la création des licences professionnelles et des masters spécialisés pour faciliter l'insertion dans le marché d'emploi. Donc ce paramètre insertion est fondamental aujourd'hui, et d'ailleurs, au niveau de certains classements, on tient compte du taux d'insertion des lauréats dans le marché d'emploi. Je suis convaincu que cette réforme va encore améliorer ce taux d'insertion à travers cette offre de formation très importante et très diversifiée, mais aussi l'alternance de la formation entre l'université et l'entreprise.
Notre université, et toutes les autres universités, sont prêtes justement pour réussir ensemble cette rentrée universitaire qui est placée sous le signe de la concrétisation du pacte ESRI.
Propos recueillis
par Khalid Attoubata (MAP)