Hommage à Brigitte Fournaud : Un indéfectible message d'humanité


Par Selma El Maadani El Kasri
Lundi 30 Janvier 2012

Hommage à Brigitte Fournaud : Un indéfectible message d'humanité
Jusqu'au jour de son inhumation au cimetière Achouhada à Rabat, elle a toujours réussi, cette si attachante petite dame, venue toute jeune, au Maroc, aux premières années de l'Indépendance, de son Franche-Comté natal,  à  réunir autour d'elle, dans un climat de franche convivialité, de sympathie spontanée et de réel partage, proches et amis des personnes de tout bord : intellectuels de cultures différentes, politiques ayant parfois des convictions idéologiques opposées, croyants de diverses confessions, agnostiques, laïcs… Cercles qui gravitaient autour d'elle, comme autour d'un aimant qui  prodigue  l'aménité et la concorde.
Au cimetière Achouhada, où Brigitte Al Aânbar avait choisi, depuis 1990, d'être inhumée “à côté de ses potes ”, comme le disait sa fille, Sonia Aboulkhatib, non sans émotion pudiquement dissimulée, sont venus spontanément aux funérailles, ses proches et amis, de l'Europe, du Proche-Orient, de plusieurs régions du Maroc. Musulmans, juifs, chrétiens et agnostiques, réunis, après la prière du défunt à la mosquée après 'Al Asr', autour de sa tombe. Son dernier vœu, nous disait Dominique Fournaud, sa sœur, était simple : “Que chacune des personnes présentes à l'enterrement, quelles que soient ses convictions politiques ou  religieuses ou autres, dépose une fleur sur son cercueil “.  Lucas, son petit-fils, se chargeait de planter ensuite une cinquantaine de fleurs, gerberas  et roses oranges, dans la terre de la tombe arrosée d'eau de rose.
Ambre, « Al Aanbar », c'était le nom qu'elle avait choisi après la profession de foi, par amour pour cette terre : le Maroc. Le choix n'est pas fortuit : une ambivalence du signe riche de significations : 'al aânbar', subtil, précieux et noble, est une allégorie de la pureté au Maroc (al aânbar al horr). C'était, par ailleurs, le nom que les riches  notables marocains donnaient autrefois à leur esclave, soit favorite, donc, signe d'amour, soit la nounou des enfants du maître (Dada Al Aânbar) : signe de confiance et d'affection, Brigitte connaissait bien les coutumes de la société marocaine, et n'ignorait pas cette ambivalence  de sentiments et de traitements : qu'Ambre fut un nom  réservé jadis aux esclaves, le choix est délibéré, car, Brigitte, femme libre et fière, était aussi d'une grande humilité. Un petit bout de femme menue dont la force était à la fois, une profonde et simple humanité, le caractère jovial et le franc parler.
Ses potes au cimetière marin Achouhada : entre autres : Mustapha El Kasri et son épouse  Fatima Zouiten, Houceine El Kasri, le poète Kamal Zebdi… En face de la mer, près des jardins des Oudaya et pas loin de Dinarjat, chez sa fidèle amie Halima, ni du pittoresque quartier Hassan où Roselyne, la rédactrice en chef du magazine : Vues sur mer, sa collaboratrice Sonia et l'équipe de rédaction ont élu domicile… « Rawdat Achouhada », un petit lieu modeste, serein et magique : havre de cette paix éternelle  à laquelle aspirait tout son être.
Ses potes: artistes, intellectuels, journalistes, responsables dans les administrations, Mustapha El Kasri, le grand Maho Berrada, et bien d'autres,  tous partageaient des souvenirs inoubliables  de moments forts de dur travail de création et de joies, à Casablanca aux premières années de l'Indépendance, à Rabat, puis plus tard, à Marrakech… Brigitte Fournaud avait participé à la construction du Maroc moderne dès les premières années de l'Indépendance, accompagnant, avec loyauté et rigueur, le premier travail de mise en marche  d'une administration marocaine moderne et indépendante.
Le courage d'écouter la voix du cœur et d'opter pour une nouvelle terre, sans couper les liens avec la terre natale ; la force et la constance de rester en bons termes, pour l'intérêt des enfants, avec ses deux ex-maris marocains et leurs familles, en dépit des  divergences, la résolution de choisir de retourner au Maroc, après près de 15 années de lourdes responsabilités en tant que chef de cabinet d'Edgar Faure en France, et d'investir sa pension de retraite pour créer l'agence “Résonances” à Rabat, dans des conditions matérielles  difficiles à gérer : une autre gageure qui a valu  un film sur l'Histoire du Maroc, des écrits encyclopédiques sur le Maroc, entre autres… Et en fin de parcours, le dévouement et l'abnégation : supporter péniblement la maladie, la douleur, les insomnies durant des années par amour pour ceux qu'elle chérissait : Alexandre Baroudi, Sonia et Mehdi Aboulkhatib...
Brigitte ne possédait rien et donnait tout : une générosité  sans fards ni fanfare, révélatrice  d'un mysticisme profond. En témoignent toutes celles et tous ceux qui l'avaient côtoyée et travaillé avec elle : Naïla Kilito, sa fidèle amie et collaboratrice à “Résonances”, les journalistes de TelQuel au lancement de la revue…
La vraie religion  de Brigitte Al Aânbar : ce qui était résolument sacré pour elle, c'étaient les rapports humains qu'elle tissait  patiemment, doucement, mais sûrement.
Brigitte Al Aânbar, tu es éternelle dès lors que des jeunes, du monde entier, retrouvent le repère humaniste à travers, entre autres, ton parcours, si simple en apparence, mais fort significatif et donc, porteur de sages enseignements dans l'immanence, à travers ton combat contre la bêtise humaine qui nous ronge, mené très discrètement, avec humilité, mais avec beaucoup de persévérance et de foi véritable, pas celle qui s'affuble de ridicules signes ostentatoires, et enfin, à travers ton ultime : «Dites-le avec des fleurs» effectif, fédérateur  et hautement symbolique.
Nous sommes des bénis de la Providence de t'avoir croisée durant ton court passage sur cette Terre.


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1.Posté par pacaud frederique le 13/02/2012 23:16
tout mon coeur avec toi mehdi bien sincerement tres affectueuses pensees

2.Posté par Jean-Marc JOULAUD le 18/03/2012 18:30
Cet article m'a piqué les yeux, elle était là; d'ailleurs, elle est toujours là !

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