Hala Gamouh: Profitez de vos études pour enrichir votre culture et découvrir le monde


Youssef Lahlali
Mercredi 23 Août 2023

Les étudiants marocains ont réussi à obtenir 40 places sur les 60 dédiées aux étrangers au sein de l'Ecole polytechnique de Paris, un record relayé massivement par les médias. Plus de la moitié ont été formés dans des classes préparatoires aux grandes écoles au Maroc. Dans cet entretien, Hala Gamouh, élève polytechnicien à Paris, nous livre ses impressions.

Libé : Vous venez d’intégrer la toute dernière promotion du Cycle ingénieur polytechnicien avec plusieurs camarades marocains. De quoi s’agit-il exactement?

Hala Gamouh :
Pour vous présenter brièvement ma vision de l’X (Ecole polytechnique), c’est pour moi l’école d’excellence qui peut satisfaire la curiosité scientifique de ses élèves, l’école qui peut nous emmener aussi bien vers l’ingénierie que vers la recherche.

Pour moi, ce point est important car, actuellement, je ne sais pas vers quel domaine je veux me tourner plus tard. Mon objectif est donc de profiter de mes années d’études ici pour découvrir d’autres sciences, telles que les sciences économiques, les sciences sociales, la biologie, etc. Pour le moment, j’ai principalement été formée en mathématiques, en physique, en informatique et en chimie, mais j’ai hâte de découvrir la diversité scientifique que nous n’avons pas eu le temps d’approcher en classe préparatoire.

Pouvez-vous nous parler de votre parcours au Maroc avant de venir en France ?

Je suis une élève marocaine qui vient d’être admise à l’Ecole polytechnique après un parcours que je décrirais comme marqué par la rigueur et surtout l’exigence.

Mes parents ayant toujours suivi de près mon classement à l’école, j’étais une étudiante avec de très bonnes notes. J’ai d’ailleurs eu mention « très bien » au baccalauréat. Très curieuse et aimant découvrir de nouvelles choses, j’étais également très investie, parfois peut-être un peu trop, dans toutes les activités éducatives parascolaires. Jusqu’à la première année de lycée, j’ai probablement dû participer à tous les concours qui existent au Maroc …

Mon objectif étant l’X, j’ai voulu mettre toutes les chances de mon côté en intégrant le LYDEX par voie 2, dont la réputation d'excellence n'est plus à prouver. J’ai eu le privilège d’y avoir des professeurs aussi brillants qu’investis pour leurs élèves, et un environnement compétitif et stimulant. Même si cela m’a obligée à m’éloigner de ma famille, je suis très reconnaissante d’avoir eu l’opportunité d’y apprendre autant, et d’en sortir avec des connaissances pointues en sciences.

Après m’être inscrite aux classes préparatoires aux Grandes Ecoles, en filière Maths-Physique, j’ai tenté le concours de l’Ecole polytechnique en 2022. Lorsque j’ai su que j’étais admise, cela a résonné comme une consécration car c’était un rêve inatteignable de lycéenne qui se réalisait.

Pourquoi avez-vous choisi de participer au programme d’aide des jeunes lycéens ?

En première année, tous les élèves doivent effectuer une «Formation humaine» de 6 mois dans un organisme que nous choisissons parmi une sélection qui nous est présentée en septembre. Mon premier choix s’est tourné vers un programme qui s’appelle « Cordées de la réussite», un dispositif d'égalité des chances. L’objectif de ce programme est de dispenser des cours de tutorat scientifique à des élèves talentueux, sélectionnés sur des critères sociaux, mais également de faire du soutien scolaire auprès de l'ensemble des élèves de l'établissement.

Pour être parfaitement honnête, j’ai eu l’impression de me retrouver dans l’histoire de ces lycéens. Il y a encore 2-3 ans, j’étais moi aussi une étudiante pleine de curiosité, d’ambition mais également emplie de doutes : «Une classe préparatoire? Est-ce que cela ne va pas être trop difficile pour moi? », «La filière Sciences-Mathématiques? J’ai entendu dire que c’était trop difficile, il vaut mieux que je tente une autre filière», «L’X ? Vu le ratio places disponibles/candidatures, cela ne peut pas être pour moi !» etc.

A bien y réfléchir, participer à ce programme était une évidence. Dans ces périodes de doute où je me remettais énormément en question, j’ai eu la chance d’être très bien entourée. Mon beau-frère est entré dans ma vie à ce moment-là, étant lui-même ingénieur, il a su trouver les mots, il a su m’encourager pour que, même si ces doutes continuaient d’exister, j’ose. J’ose croire en moi, j’ose tenter d’accéder à mon objectif si lointain qu’était d’intégrer l’Ecole polytechnique. Et cela n’aurait pas été possible sans le soutien de ma famille.

Au vu de mon histoire personnelle, je sais l’importance que représente l’entourage. Sans mon beau-frère pour m’expliquer ce qu’est une classe préparatoire, je n’aurais probablement pas compris à temps l’intérêt que cela peut représenter d’en intégrer une.

Pour ces jeunes, j’avais pour ambition de reproduire avec eux ce que mon beau-frère et ma famille entière avaient fait pour moi : encourager ceux qui doutent de leurs compétences, informer au mieux tous mes élèves des choix qui s’offrent à eux, et ce quels que soient les domaines qui les intéressent (médecine, écoles de commerce etc), porter le message que l’excellence est accessible à tous mais qu’il faut déployer ses efforts pour atteindre son plein potentiel.

Quel conseil pouvez-vous donner aux jeunes Marocains qui espèrent rejoindre le Cycle ingénieur polytechnicien en France ?

En me basant sur mon expérience, j’aurais deux types de conseils pour les jeunes Marocains.
Le premier concerne les lycéens. J’aimerais leur dire de croire en eux et d’oser. Osez rêver, ne vous limitez pas.

En ce qui concerne les élèves en CPGE, je n’aurai qu’un mot : « Travaillez ». Même si vous allez passer par des moments d’incertitudes, souvenez-vous de la raison de votre présence en classe préparatoire. Rappelez-vous pourquoi vous travaillez sans pour autant vous oublier. Apprenez à gérer et organiser votre temps afin d’être le plus performant possible lorsque vous étudiez.

Un dernier point, qui peut surprendre et qui peut sembler contradictoire avec le précédent : profitez de vos études pour enrichir votre culture et découvrir le monde. Il faut savoir rester focalisé sur ces objectifs sans oublier d’être un bon vivant. Je sais que cela n’est pas facile car j’ai moi-même rencontré quelques difficultés à ce niveau-là, mais cela est très important pour votre construction personnelle.

Paris : Propos recueillis par Youssef Lahlali


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