Ghana : Forces et faiblesses du discours sur l’état de la nation


Jeudi 20 Mars 2014

Ghana : Forces et faiblesses  du discours sur l’état de la nation
Le président ghanéen, John Mahama, a prononcé dernièrement son deuxième discours sur l’état ​​des affaires de la nation. 
Cette obligation constitutionnelle (article 67 de la Constitution de 1992), exécutée annuellement par le chef de l’Etat  est l’une des rares plateformes par lesquelles il est obligé de communiquer avec les populations.
Avant toute analyse de ce discours, il faut peut-être en revoir les constituants et les raisons.
Education
Il convient préalablement de noter que l’initiative du gouvernement de remplacer les allocations autrefois données aux  enseignants en formation avec un prêt d’affectation spéciale est une action méritoire et la même chose doit être faite dans d’autres secteurs. Toutefois, le Président paraît vague sur la question du manque d’enseignants dans certaines régions du pays en ce qui concerne les stratégies de résolution de ce fléau. Les statistiques de l’actuel rapport sur le nombre d’enseignants par élèves dans les zones urbaines, périphériques et rurales devraient être présentées. L’absence de ces détails dans la présentation du chef de l’Etat  sur cette question donne cours  au manque de confiance dans les solutions proposées.
Le président  a critiqué les établissements d’enseignement supérieur privés pour avoir mis un grand accent sur le côté argent mais ont fait peu pour la pédagogie dans leur fonctionnement. En effet, « c’est une des causes de la croissance rapide du chômage des étudiants», non seulement au Ghana mais dans toute l’Afrique. Il y a des régulateurs, des agences gouvernementales qui sont payés à fournir des solutions efficaces à tous ces problèmes. De toute évidence, ils ne sont pas parvenus à les résoudre. De ce fait, si le président les a pointées du doigt, il devrait être donc responsable.
Jeunesse
Le président a présenté une liste des universités qui ont vu leurs effectifs augmenter au cours de ces dernières années. La croissance en effectif sans perspectives d’emploi est la preuve que l’augmentation du taux de scolarisation n’est pas la solution aux problèmes. En 2013 et 2014, le président a indiqué que des recherches seraient menées pour comprendre les exigences du marché de travail. Toutefois, le nombre d’effectif ne cesse d’augmenter et le chômage continue d’être un mal. Alors quelle solution du président ? L’initiative « Youth Enterprise Support (YES). Cela engendre beaucoup d’interrogations. Trouver une solution pour le chômage nécessite d’abord l’élaboration d’objectifs réalistes et réalisables pour le pays, d’identifier les ressources humaines nécessaires pour atteindre ces objectifs, et le renforcement de l’éducation par la suite dans ces domaines. Il faut donc poser la question de savoir : Quels sont les objectifs à long terme pour ce pays ?
Economie
Qualifier l’économie ghanéenne de dynamique et vibrante  est une erreur… pour de nombreux Ghanéens  qui ont perdu leurs emplois dans le secteur minier, et les innombrables jeunes chômeurs, ou les industries qui investissent dans 100 camions-citernes d’eau par jour afin de maintenir leurs entreprises à flot. En outre, le discours du président  manque de directions sur les stratégies à adopter pour permettre la transition du pays de l’actuel statut inferieur de revenu moyen vers le statut de revenu moyen – c’était un discours d’idées et non celui qui présente des stratégies de développement économique.  
Dans l’adresse de 2013 sur l’état des affaires de la nation, le président a promis aux Ghanéens que son gouvernement allait mettre en place une usine de karité à Buipe, une usine de traitement de riz à Nyankpala et une usine d’huile végétale à Tamale. D’autres promesses comprennent des plantations qui compteront 5 millions d’arbres dans les régions du Nord à l’aide du programme Sada et maintenir un taux de croissance moyen de 8%. Dans son discours de cette année, le président a négligé la mention des différentes usines agro-industrielles et le programme Sada. Nous ne pouvons que spéculer que c’était délibéré, à cause des révélations de corruption massive dans lesquelles était noyé le programme l’année dernière.
Agriculture
Le discours présidentiel de 2013 sur l’état des affaires de la nation a proposé la fourniture de 2000 nouveaux tracteurs (pour l’exécution des projets), la construction du barrage Sissili - Kulpawn & Pwalugu , la création d’un centre qui offrira des enseignements sur la pêcherie à Anomabo , et le paiement de 70 % du marché mondial du cacao aux agriculteurs comme des initiatives que son gouvernement avait l’intention de mettre en œuvre dans l’année 2013. Le président n’a pas donné de comptes-rendus sur ces promesses dans son discours de cette année.
Industrie et production
Le président a promis de revoir la structure fiscale du Ghana pour réduire les impôts payés par les industries, - de créer un fonds de développement industriel, - de fournir des  terrains à Takoradi, Tema, Kumasi et Tamale pour la mise en place et le développement des zones industrielles  – et d’achever les travaux sur ​​l’usine d’engrais à Nyankrom. Là encore, il a manqué de donner des comptes-rendus sur ces activités. Mais les discussions qu’a eues Imani avec les leaders industriels du secteur privé l’an dernier ont révélé que de nombreuses entreprises ont eu à payer un taux d’imposition de 35 % sur leurs revenus.
Sur la question du renforcement de la valeur du cedi ghanéen, l’augmentation des exportations et la diminution des importations ont été une préoccupation majeure pour le pays. Une des stratégies énoncées par le président était de commencer la production de sacs de jute dans le pays.   
Les populations ghanéennes s’attendent à ce que le gouvernement accorde une valeur à l’argent des contribuables. Il faut donc limiter les dépenses du gouvernement. Ainsi, il est important que les systèmes nécessaires soient mise en place pour encourager la consommation des produits manufacturés au Ghana. Le problème de l’industrie ghanéenne est l’absence d’un environnement favorable pour être en mesure de produire et de fabriquer à la concurrence nationale et internationale. Il faut vraiment éviter de « tremper les mains dans n’importe quel pot » sous prétexte de stimuler la concurrence industrielle. Ce qu’il faut faire, c’est de développer et d’optimiser les domaines déjà existants … des domaines qui donneront au pays un avantage concurrentiel.
Infrastructures
Le Ghana fait actuellement face à un problème d’approvisionnement régulier d’eau. Le président a manqué d’assurer que les localités telles que Adenta, Haatso et Madina auraient bientôt un approvisionnement régulier d’eau. Dans un autre domaine de l’infrastructure, cette année,  d’ailleurs comme l’année précédente, le président a manqué de donner les avancées sur le projet de construction des routes. 
Dans le secteur de l’énergie, le président a promis lors de son discours de 2013  la création d’un centre de développement des entreprises dans la région de l’Ouest et la réorganisation de la compagnie de stockage des produits pétroliers (Bulk Oil Storage Company) en vue de bien jouer son rôle stratégique dans le stockage et la distribution des produits pétroliers dans le pays. Le président n’a pas fourni des comptes-rendus sur les progrès sur cette question. Toutefois, il a commenté sur les avancées  de la capacité de production électrique du pays. Un ajout de 534 MW à la capacité de production électrique, ce qui fait un total de 2845 MW en 2013. Il a procédé avec l’énumération de quelques projets actuellement en cours qui ont pour but de générer 5000MW en ajout à la présente capacité de génération. Il faut devoir revoir les systèmes ineptes et mener des réformes qui permettront au Ghana de sortir de l’actuelle crise énergétique… 
Transparence et responsabilité
Lors de son discours de 2013 sur l’état des affaires de la nation, le président a promis de mettre en fonction des mécanismes de suivi et d’évaluation des politiques publiques et programmes , de fournir aux députés des ordinateurs portables pour leur permettre de se connecter à leurs électeurs et d’établir un Fonds pour la démocratie en vu de fournir un financement durable au Parlement et d’autres institutions de gouvernance indépendantes –une fois encore pas de comptes-rendus sur le progrès de ces initiatives. L’année 2013 s’est achevée par une série d’allégations de corruption. Ces scandales qui ont coûté très cher au pays – et pas  de mécanismes pour récupérer les sommes colossales perdues.
Dans l’ensemble, le président a réitéré  que les «fondamentaux économiques » pour la nation restent solides pour l’année 2014 et les objectifs à moyen terme sont prometteurs. Cette déclaration est une distorsion de la situation actuelle, à moins que le président ait fait allusion à un moment dans le passé. 
Des informations sur la transparence et la gouvernance font défaut dans la profondeur. 
Par ailleurs, le président a prié le procureur général de « défendre vigoureusement toutes les actions intentées contre l’Etat». Cette déclaration suggère aux populations ghanéennes que le procureur général n’est pas clair sur la description de son travail. 
Le président a souligné que le Code de déontologie des travailleurs de service public a été achevé et est déjà en vigueur…
En outre, le président a souligné le Plan d’action et de stratégie nationale de lutte contre la corruption, y compris la lutte contre le blanchiment d’argent, la conduite des personnels de service public, entre autres.
C’est ironique, ou plutôt regrettable que la partie de l’adresse consacrée à la question de décentralisation serait intitulée  «Approfondir la centralisation». Ceci est révélateur du fait que le gouvernement n’a pas l’intention claire sur l’expansion du programme de décentralisation dans le pays. Le président n’a pas parlé de la démocratisation de la plupart des pouvoirs qu’il exerce actuellement : la démocratie ghanéenne à l’épreuve…
 Il serait avantageux d’exhiber davantage d’engagements, plus concrets au sujet de transparence et de gouvernance, en vue d’améliorer la situation ghanéenne. 
Conclusion
En 2014, les Ghanéens peuvent s’attendre à l’ouverture de grands projets. Alors que ce n’est pas en principe une mauvaise chose, très peu est à dire des projets existants ; c’est à cause du mauvais état de gouvernance dans le pays. L’absence d’un environnement favorable, comme l’approvisionnement régulier d’eau, l’électricité interrompue entre autres, ne permet pas d’obtenir le plein potentiel de ces services ... Le discours n’est pas unique dans son approche de la résolution des problèmes dans le pays. Le discours du président non seulement manque de profondeur et de logique, mais il a également été mal fait comme il a été ponctué par plusieurs fous rires et de blagues. Il faut que les Ghanéens luttent pour atteindre la plus haute forme de  liberté économique - c’est-à-dire ne pas tout attendre du gouvernement… 
 
Article publié en collaboration avec le think tank Imani 
 


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