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Géopolitique du football

Jeudi 8 Juillet 2010

Géopolitique du football
Vendredi, 11 juin, a été  donné le coup d'envoi à la fête du foot. Ce sera le plus fastueux spectacle dans le continent le plus pauvre du monde. L'ancien président sud-africain, Mbeki, s'est battu pour que cette Coupe mondiale du foot soit organisée dans son pays, dans l'espoir, je le cite, "que les historiens se souviendront de la Coupe du monde de 2010 comme du moment où l'Afrique s'est redressée". Je voudrais tant partager cet optimisme de bon aloi, mais il y a "loin de la coupe aux lèvres". Et je crains que cet espoir légitime d'effacer, par le spectacle du foot -sans doute le plus regardé et  le plus lucratif- "des siècles de misère et de conflits" (je le cite) ne débouche sur un vœu pieux.
Qu'a-t-on donc voulu mettre à l'honneur par ce Mondial du foot ? Le football africain ? L'Afrique toute entière ? Ou l'Afrique du Sud ?
Le football africain ? Parlons-en. Si le foot a été et demeure le passe-temps favori de tous les gosses africains, le football professionnel a l'âge de l'indépendance. Il est donc très jeune. Lors de la Coupe du monde de 1974, seule l'équipe du Zaïre (à l'époque) a pu prendre part aux phases finales. Il a fallu attendre 1990, pour voir la belle équipe du Cameroun tenir tête aux grandes équipes : elle a même failli faire mordre la poussière à la fière Angleterre, en quarts de finale. C'était sans doute la meilleure performance africaine. Certes, en 2010, il n'y a pas moins de 6 équipes africaines en lice, mais seul le Ghana a pu atteindre les quarts de finale.
Si l'Afrique  n'a pas encore brillé par la performance de ses équipes, elle rayonne, à l'extérieur, par ses footballeurs. Car l'Afrique est devenue le principal vivier du football européen avec des dizaines de joueurs qui irriguent de leurs talents aussi bien les équipes de Roumanie ou d'Ukraine que celle de France et d'Angleterre. Ce mondial est donc un hommage à ces footballeurs africains qui sont sortis de ces petites écoles qui ont fleuri sur tout le continent et qui, aujourd'hui, se trouvent disséminés aux quatre coins de l'univers.
L'Afrique du Sud, qui a consenti de gros sacrifices financiers, attend beaucoup de cette compétition. Généralement, les spécialistes de la géopolitique du football, comme Pascal Boniface, toujours polyvalent, énumère plusieurs dividendes attendus:
- La connaissance du pays ;
- L'amélioration de son image et l'affirmation de sa stature internationale ;
- L'afflux des touristes ;
- L'accroissement du commerce.
La connaissance du pays, cela va de soi: la Coupe du monde est d'abord une leçon de géographie, d'économie et de géopolitique. Moi-même qui pourtant me flatte de connaître un peu le continent africain et particulièrement l'histoire du pays de l'ex-apartheid, j'ai dû fouiner dans les atlas géographiques, géopolitiques et économiques pour mieux me familiariser avec le pays. C'est comme cela que j'ai appris que la superficie de l'Afrique du Sud (plus de 1.222.000 km2 ) était trois fois plus grande que celle du Maroc et deux fois et demie celle de l'Espagne, mais que sa population ne dépassait guère les 47 millions d'habitants , soit à peine, un peu plus que celle de l'Espagne. L'Atlas de la santé m'a alarmé : le sida touche 11 % de la population. L'Atlas économique m'a appris qu'il y aurait un taux de chômage de 40 %. Tandis que d'autres sources signalent un taux de criminalité inégalé sinon dans certaines villes d'Amérique latine.  Je ne sais pas si tous ceux qui vont voir les matchs sur les écrans de TV éplucheront les Atlas comme je viens de le faire, mais une chose est sûre : tout le monde saura placer l'Afrique du Sud sur une carte géographique.
L'autre dividende possible est lié à l'image du pays à l'extérieur. Si tout se déroule comme je le souhaite dans d'excellentes conditions  de sécurité et d'organisation, nulle doute que le pays va récolter  d'excellents résultats en termes d'autoreprésentation à l'intérieur et de visibilité à l'extérieur. A l'intérieur, l'Afrique du Sud cherchera à souder une nation inégalitaire, à accroître sa  confiance en elle-même, à rendre hommage à la victoire contre l'Apartheid, à instiller une dose de fierté dans le cœur de millions d'Africains qui se voient comme d'éternels perdants, et leur donner de nouvelles raisons d'espérer. A l'extérieur, l'Afrique du Sud voudra consacrer son statut de pays émergent.
Faut-il espérer un dividende en termes de flux touristiques? Les conclusions des études faites par les spécialistes sur les retombées touristiques des Jeux Olympiques ou des Coupes du foot donnent des résultats contrastés : cela dépend du pays, du contexte, et même de la saison. Les Jeux Olympiques d'Athènes, en plein été 2004, ont découragé les touristes : moins 32 %. Ceux de Sydney en 2000 ont drainé une foule considérable de visiteurs (plus de 40%) (étude d'un professeur de l'Université de Stellenbosch, citée par Courrier international, du 10 au 16 juin 2010).
Dans le cas de l'Afrique du Sud, il y a certainement un afflux de touristes, mais pas de raz-de-marée. Les effets de la récession se feront sentir et il ne sera pas facile de convaincre les touristes et les fans de se déplacer, si loin, vers un pays qui de l'avis même de l'écrivain sud-africain, Rian Malan, pâtit d'une criminalité record.
Qu'en est-il de l'effet de la Coupe sur le commerce ? Encore une fois, si tout se passe bien, le pays pourra récolter quelques avantages commerciaux, moins en faisant connaître ses produits, qu'en imposant une image d'un pays efficace et fiable. Mais sur le plan économique général, je suis réticent à croire à cette fable qui veut que la Coupe soit créatrice d'emplois. Les travailleurs qui ont modernisé les vieux stades et qui ont construit de nouveaux risquent fort bien de retourner, une fois le rideau tiré, dans leurs misérables bidonvilles, en marmonnant que, peut-être, il aurait mieux valu utiliser l'argent pour raser certains bidonvilles et construire 1.300.000 logements (l'équivalent du coût de modernisation et de construction des stades) que de se lancer dans ce concours de beauté , aux effets éphémères.
Rendons hommage malgré tout à l'Afrique du Sud : elle veut croire dans son destin et vaincre tous les Cassandre.  Or comme dit le proverbe : qui veut vaincre est déjà bien près de la victoire.


Zuma : "De bons retours sur investissement"

Le président sud-africain Jacob Zuma a estimé mardi au Cap que les investissements consentis par le pays pour accueillir la Coupe du monde de football étaient "un succès économique".
"Nous pouvons sans problème dire que nous avons de bons retours sur nos investissements", a-t-il déclaré en référence aux près de 4 milliards d'euros dépensés avant le coup d'envoi.
"L'investissement dans les stades a créé environ 66.000 nouveaux emplois dans le bâtiment. Les 1,3 milliard de rands dépensé pour la sécurité ont permis de recruter 40.000 nouveaux policiers et policières", a-t-il ajouté lors d'une conférence sur les investissements au Cap (sud-ouest).
Jacob Zuma a également fait l'éloge du sentiment d'unité nationale nourri par la compétition, qui a amené des supporteurs de toutes les races dans les stades, 16 ans après la chute du régime d'apartheid et les premières élections multiraciales d'Afrique du Sud.
"Les bénéfices sociaux sont inestimables. Nous avons vu une unité remarquable, un patriotisme et une solidarité entre les Sud-Africains comme jamais auparavant", s'est réjoui le chef de l'Etat.
"C'est de bon augure pour la consolidation de la réconciliation et de l'amitié de cette jeune nation. Nous avons l'intention de construire sur cette réussite", a-t-il ajouté.

Par Khader Bichara

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