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* Ambiguïtés sur les objectifs de la guerre
L’agression contre Gaza vise-t-elle vraiment à atteindre des objectifs bien précis? Se réduit-elle à faire cesser les tirs d’El-Kassam comme veut bien le faire admettre le gouvernement d’Olmert dont la démission annoncée accentue la compétition électorale entre prétendants à son remplacement, principalement Tzipi Livni et Ehud Barak ?
Aucun objectif clair n’est militairement fixé au conflit en cours. Les acolytes d’Israël, à leur tête les Etats-Unis, y voient un recours tout légitime à l’autodéfense contre les roquettes tirées de la Bande de Gaza. Après le siège qui durait alors que Hamas observait une trêve depuis juillet 2008, le motif avancé ne suffit pas à lui seul d’expliquer le carnage en cours. Mettre à genoux Hamas ou l’extirper carrément de Gaza est un objectif politique prémédité depuis le succès électoral, fin 2006, du plus puissant des mouvements islamistes palestiniens. L’intention de mettre à feu et à sang ce territoire palestinien est sans détour, mise en évidence par les déclarations faites ici ou là par des militaires israéliens. Il leur a été donné comme instruction de faire usage intensif de la force chaque fois qu’on leur signifiait « prenez garde ». La raison en tient aux effets négatifs sur la population israélienne des images rapportées pendant le déroulement de la guerre contre Hezbollah en juillet 2006 où le nombre de blessés et des pertes lui était insupportable. Peu importe donc pour Israël si le feu prend cette fois-ci dans ses tenailles un territoire et sa ville dont la densité est des plus élevées au monde. Ainsi, l’attaque par missile de l’école Al-Fakhura relevant de la mission de l’Agence des Nations unies chargée des réfugiés palestiniens et quoique arborant le drapeau onusien, est sans doute un vrai massacre puisque l’armée israélienne était informée des coordonnées de tels sites comme l’affirment des responsables de cette Agence opérant sur le terrain.
* La leçon non retenue
L’objectif confus de nettoyage à l’encontre de Hamas à Gaza ne peut, au vu de l’évolution des opérations sur le terrain, être considéré comme notablement atteint. Les cibles visés par les bombardements pendant les trois semaines de l’agression se comptent d’après le Tsahal par centaines sans pour autant que ces forces terrestres puissent pénétrer dans les zones peuplées de la Bande de Gaza. Les roquettes sous leurs différentes formes défient toujours l’agresseur et vont même à présent plus loin vers le sud d’Israël. La résistance y fait ses preuves et semble avoir plus d’une corde à son arc. On lui manifeste massivement un soutien de par le monde avec une tonalité plus vigoureuse cette fois-ci dans presque tous les pays arabes, en Turquie où la colère des masses indignées n’est pas moins expressive que celle du chef du gouvernement Recep Tayyip Erdogan, voire même au Venezuela d’où a retenti la décision prise par le Président Hugo Chavez de renvoyer l’ambassadeur d’Israël. Le geste de Chavez est par ailleurs hautement salué et apprécié par les cortèges des manifestants arabes comme acte faisant preuve de courage non osé par les dirigeants de leurs pays, surtout ceux qui entretiennent des relations diplomatiques et/ou commerciales avec l’Etat hébreu. Il en est jusque de cette réaction de la part d’un responsable du Vatican, le Cardinal Renato Martino, comparant la vie à Gaza à celle d’un «immense camp de concentration», ce qui attisa l’ire d’Israël comme si l’icône n’appartenait qu’au passé et devait rester ainsi sacralisée même si le sionisme est fondé sur le rejet et la marginalisation de l’Autre, le Palestinien, l’Arabe.
Quel sort de la décision du Conseil de sécurité ?
Plus l’objectif politique visé par Israël n’est pas militairement facilité, plus son embarras augmente vis-à-vis de sa propre opinion intérieure beaucoup plus qu’à l’égard de la communauté internationale dont les réactions sont souvent peu prises en considération par Tel-Aviv. Ce jeu est devenu évident lors de la discussion et l’adoption par le Conseil de sécurité de la décision 1860 appelant à un cessez-le-feu immédiat. Israël se montre réticent à se conformer à cette décision vis-à-vis de laquelle les Etats-Unis se sont abstenus plus du prétexte que l’initiative dite égyptienne, plutôt franco-égyptienne, comporte des points de garantie pour la sécurisation des passages vers Gaza. L’enjeu étant de mettre sous l’emprise les sources vitales à la survie de la résistance et ce rôle sera rempli par une force internationale d’interposition qu’Israël suggérerait qu’elle soit non seulement postée du côté de Gaza mais aussi sur le territoire égyptien jouxtant. Quant au retrait du Tsahal et l’intention de mettre un terme à l’occupation, aucun mot n’est soufflé sur la décision adoptée dont l’implémentation pourrait se reposer sur l’initiative égyptienne comme étape devant déboucher par la suite sur « une solution » à définir. Cependant, l’initiative égyptienne suscite une opposition de Hamas et des autres mouvements de résistance alliés qui voudront l’amender en ajoutant des propositions avancées par le chef du gouvernement turc au sujet de la question des passages.
En fait, le rôle joué jusqu’ici par la Turquie aussi bien sur le plan officiel qu’au niveau populaire dénote à dire vrai d’une ouverture plus significative de sa part sur le conflit israélo-arabe. En plus de son parrainage depuis quelque temps des négociations indirectes à Ankara entre Syriens et Israéliens, son rapprochement diplomatique actuel avec l’Egypte en vue d’œuvrer dans le sens de l’unification des rangs palestiniens et avoir son mot sur le conflit en cours est l’expression de la volonté d’occuper activement une place sur l’échiquier politico-diplomatique proche-oriental. Les ambiguïtés et les erreurs d’appréciation dans la position arabe officielle conjuguées à la crainte partagée entre pays de la région quant à la montée en puissance de l’Iran sont autant de facteurs pour comprendre l’activité diplomatique turque. De plus, la Turquie est membre de l’OTAN et candidat à l’entrée dans l’Union européenne, ce qui ne va pas sans quelques risques réels non du genre de ceux évoqués au sujet de l’ouverture, sollicitée pour raison d’urgence humanitaire, du passage de Rafah eu égard à l’accord établi à cet effet entre l’Egypte et Israël. Erdogan, dépité lors de son récent déplacement dans les territoires occupés par le manque de tact manifesté à son égard par les soldats israéliens au niveau d’un passage vers Ramallah, s’est adressé au parlement de son pays en déclarant que ce qui lui est arrivé démontre les avanies quotidiennes subies par la population palestinienne, ce qui en dit long sur la trompeuse démocratie israélienne.
* Pour le jugement des crimes de guerre
La décision votée au Conseil de sécurité en vue d’obtenir un cessez-le-feu immédiat ne définit pas les mécanismes, ni les parties devant permettre son application. Dans ce contexte, Gaza forge par sa résistance son propre destin en même temps que celui du peuple palestinien, et ce en contraste avec l’absence d’un accord entre pays arabes sur l’opportunité de la tenue d’un sommet extraordinaire au sujet de la suite à donner à cette décision et aux autres efforts diplomatiques comme celle d’ailleurs de toute initiative d’entente entre Fath et Hamas.
Israël ne peut supporter longtemps d’assiéger une population s’élevant à 1,5 million d’habitants ainsi que le lourd bilan de tués et blessés parmi les civils palestiniens avec, de surcroît, les crimes de guerre dont Human Rights Watch indique déjà celui de l’usage, dans des conditions prohibées, des bombes en phosphore blanc. Là-dessus, il y a, à tout le moins, une raison pour l’unité de l’action officielle arabe au nom de ce qui reste de la dignité et du respect vis-à-vis des centaines de victimes de cette agression barbare ainsi que de cette colère grondante des peuples arabes et a fortiori celle exprimée à travers le monde.