Ses amis lui donnent le surnom de «Florentin» en référence à l'art de l'esquive pratiqué par des gens de la Renaissance comme Laurent le Magnifique ou Machiavel. Nonobstant son action politique, François Mitterrand demeure un personnage romanesque des plus passionnants. Les journalistes Catherine Nay, Jean Montaldo et Pierre Péan ont révélé par touches successives les différentes facettes de son itinéraire.
En 1942, s'étant enfui d'un camp de prisonniers, François Mitterrand renonce à la sécurité au sein de sa famille installée sur la côte méditerranéenne et prend le train pour... Vichy. Comme beaucoup de jeunes ambitieux de sa génération, il entre au service du maréchal Pétain. Il assure un emploi modeste dans un service qui s'occupe de la réinsertion des prisonniers. Le 16 août 1943, il reçoit la Francisque des mains du Maréchal. Il obtient le n°2202 de cette prestigieuse décoration qui a été remise à 3.000 personnes au total.
Début 1943, prévoyant la faillite du nazisme après la défaite de Stalingrad, François Mitterrand met un pied dans la Résistance. Il mène diverses opérations clandestines sous le surnom de Morland. Il bénéficie entre autres de la complicité d'un haut fonctionnaire de la Police, un certain Jean-Paul Martin. Après la guerre, celui-ci le met en relation avec René Bousquet, secrétaire général de la Police sous l'Occupation et principal organisateur de la rafle du Vél d'Hiv, suite à laquelle de nombreux juifs ont été envoyés dans les chambres à gaz.
Pour des raisons obscures, Bousquet est blanchi à la Libération par un tribunal d'exception. Reconverti dans les milieux d'affaires, il va dès lors rendre des services importants à son nouvel ami, François Mitterrand, en finançant une partie de ses campagnes électorales (ainsi Pierre Bergé, ami personnel de l'ancien président et auteur d'une biographie, explique-t-il le lien entre les deux hommes).
À la Libération, François Mitterrand, à peine âgé de 28 ans, devient ministre des Anciens combattants, puis ministre de la France d'outre-mer et ministre de l'Intérieur dans le cabinet de Mendès France en 1954, quand débute la guerre d'Algérie. Il est ministre de la Justice sous le gouvernement de Guy Mollet, lorsque les militaires reçoivent les pleins pouvoirs à Alger pour mettre fin au terrorisme par tous les moyens.
Le brillant ministre ne cache pas son espoir d'accéder à la Présidence du Conseil, le poste le plus important sous la IVe République, avant l'âge de 40 ans ! Mais le retour du général de Gaulle aux affaires, en 1958, l'oblige à rentrer dans l'anonymat. En 1959, il organise maladroitement un faux attentat contre sa voiture, avenue de l'Observatoire, à Paris, dans l'espoir de regagner les faveurs de l'opinion publique. L'affaire est heureusement étouffée.
Candidat contre le général de Gaulle aux élection présidentielles de décembre 1965, François Mitterrand se présente comme le champion de l'alternance au gaullisme. C'est ainsi qu'il réunit les partis de gauche autour de son nom, sous l'étiquette de la FGDS (Fédération de la gauche démocrate et socialiste). Il réussit à mettre le Général en ballotage et échoue au second tour avec un résultat honorable d'environ 45% des bulletins.
Ce relatif succès le conduit à fonder le 12 juin 1971, au congrès d'Épinay-sur-Seine, un nouveau parti socialiste sur les ruines de l'ancienne SFIO (Section française de l'Internationale socialiste) de Jean Jaurès et Jules Guesde, discréditée par l'engagement de Guy Mollet dans les guerres coloniales.
François Mitterrand incarne désormais tous les espoirs de la gauche non communiste. Après un échec de justesse aux élections présidentielles de 1974 face à Valéry Giscard d'Estaing, il gagne les élections présidentielles le 10 mai 1981, tirant parti de l'impopularité du président Valéry Giscard d'Estaing et de son lâchage par Jacques Chirac, le chef du parti néogaulliste.
(A suivre)