Finance participative au Maroc : Vers un système fiscal clair et adapté


​Par Ayoub Haddi *
Mardi 19 Mai 2020

Finance participative au Maroc  : Vers un système fiscal clair et adapté
Depuis son introduction en tant qu'instrument alternatif à la finance conventionnelle, la finance participative est devenue la nouvelle tendance au Maroc.
Résistant à la crise de 2008, ce choix trouve sa légitimité dans sa logique éthique fondée sur le droit musulman. Le partage des gains et des pertes, l’interdiction des intérêts débiteurs et créditeurs, la sincérité et la transparence sont les principes fondamentaux de la finance participative.
Ce nouveau mode de financement a été confronté à plusieurs contraintes : outre celles de liquidité, l’inexistence d'un cadre fiscal adapté qui respecte ses spécificités.
A travers les lois de Finances 2017, 2018, 2019 et 2020, le législateur marocain a mis en place un dispositif fiscal adapté en vue de pallier les lacunes (double imposition impactant le prix de commercialisation, absence de texte pour certains produits, etc.)
Partant de ce constat, on peut dire que la fiscalité était la dernière carte à jouer en vue de boucler la mise en place d’un système financier participatif au Maroc.
A l'instar des autres banques, les résultats des banques participatives sont soumis à l'impôt sur les sociétés qui n'est que le résultat comptable majoré des charges non déductibles, minoré des produits non imposables fiscalement et du déficit des années antérieures dans la limite de quatre (4) ans multipliés par 37% (bien entendu, si IS théorique > Cotisation minimale). Un tel taux s’explique en fait par la marge bénéficiaire importante dégagée et l'insignifiance des charges subies comparativement à celles du secteur secondaire à titre d'exemple.
Quant aux revenus des certificats de Sukuk des personnes morales, ils sont considérés comme des revenus de placement et sont donc soumis à la retenue à la source qui s’élève à 20 %. En outre, l’article 6 du code général des impôts exonère les produits financiers provenant des certificats de Sukuk (exonération en matière d’impôt retenu à la source). Pour ce qui est des personnes physiques, la loi fiscale est aujourd’hui claire. Lesdits revenus sont considérés comme des revenus de capitaux mobiliers et sont soumis à la retenue à la source qui se chiffre à 30 % (à l’exclusion des personnes ayant le RNR/RNS). Il est à signaler qu’avant, les spécialistes en la matière avaient du mal à les apprécier. En fait, ils avaient deux hypothèses : la première les considère comme professionnels et la deuxième comme capitaux mobiliers. Concernant la TVA, le législateur est lucide : Aux termes de l’article 91 du CGI 2020, les produits provenant des opérations de titrisation pour l’émission des certificats de Sukuk par les fonds de placement collectif en titrisation sont exonérés sans droit à déduction.
En outre, les banques sujettes sont dans l’obligation d’envoyer une lettre recommandée dans les mêmes règles de l’art des banques conventionnelles à l’inspecteur de l’impôt contenant les revenus des certificats de Sukuk versés ainsi que les autres produits de placement à revenu fixe avant le 1er avril de chaque année. Une telle obligation s’explique par la volonté de l’administration fiscale de déceler les contribuables ayant la mauvaise foi.
Par ailleurs, l’article 159 du code général stipule que la retenue à la source est imputable et donne droit à restitution nonobstant la nature du contribuable (personne physique ou morale). Le même article prévoit l’obligation d’opérer la retenue à la source au profit du TGR. (principe de la séparation des ordonnateurs et des comptables publics).
Au-delà des Sukuk, le CGI encadre même les produits Mourabaha et Ijara. Dans ce sens, la rémunération de la Mourabaha et la marge locative de l’Ijara sont déductibles dans la limite de 10 % du revenu global imposable (comme le cas des intérêts). La même rémunération et marge s’incorporent dans le coût d’acquisition dans le cas de la détermination du profit foncier net. En outre, ces opérations bénéficient du taux réduit de la TVA de 10 % qui se base sur le montant de la marge locative pour le produit Ijara et la rémunération pour le produit Mourabaha (même imposition pour Salam et Istisna). Les produits en question n’ouvrent pas le droit aux banques de récupérer la TVA. Le droit de déduction est transféré à l’acquéreur pour ne pas fausser le jeu de la TVA (Article 105). En matière de droits d’enregistrement, les opérations sont soumises aux taux de 4 % voire 5 % selon la nature de l’opération commerciale ou financière.
Comme toute autre compagnie d’assurance, les bénéfices fiscaux des assurances Takaful sont soumis aux taux de 37 %, abstraction faite donc du concept de « la Faculté contributive ». En outre, leurs contrats ne sont pas soumis au fisc : ils font l’objet d’une imposition au taux de 14 % au titre de la taxe des contrats d’assurances intégrée dans le livre III du code général des impôts en 2019, idem pour la TSAV.
In fine, les banques participatives au Maroc doivent profiter d’une fiscalité allégée avec des taux préférentiels comme c’est le cas du secteur hôtelier ou encore industriel pour qu’elles soient un levier de croissance, un élan pour le modèle du développement qui s’est essoufflé et une locomotive de la régionalisation avancée impulsée par le Souverain. 


 * Etudiant chercheur en système 
fiscal marocain
Master MSTCF
ENCG de Settat - 
Université Hassan 1er

 


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