Face au Covid-19, une alimentation riche en polyphénols s’impose pour renforcer notre système immunitaire


Par le Professeur Saida Tahrouch *
Vendredi 1 Mai 2020

Face au Covid-19, une alimentation riche en polyphénols s’impose pour renforcer notre système immunitaire
En cette période de confinement inéluctable, exigée par notre gouvernement en vue de juguler la vague de progression de l’épidémie dans notre pays, nous devons prendre soin de notre santé par une alimentation variée. Le confinement qui coïncide avec le mois de Ramadan est aussi l’occasion de se remettre en question et de réfléchir à la manière dont on se nourrit. Ingérer un surplus de carbohydrates risque de porter préjudice à notre santé et pourrait même exacerber des symptômes défaillants de notre métabolisme.
Le Covid-19, à la base du confinement de quelque trois milliards de personnes de par le monde, est une véritable tectonique pour les Etats et l’humanité dans sa globalité. Cette pandémie va creuser profondément les failles qui existaient déjà entre les Etats, et notamment en matière de production locale et va mettre encore une fois la question de la sécurité alimentaire sur la sellette.
La politique agricole menée par notre pays depuis maintenant une soixantaine d’années a placé le Maroc dans les premiers rangs des pays producteurs de fruits et légumes. En conséquence, nos marchés foisonnent de toutes les variétés de fruits et légumes localement produits, ce qui présente une haute valeur ajoutée quant à notre sécurité alimentaire et nous procure tous les aliments dont on a besoin et surtout dont notre organisme a besoin. Donc à nous de choisir ce qui nous convient, mangeons ce qui doit renforcer notre système immunitaire et pas l’inverse. Privilégier des aliments riches en antioxydants s’impose et devient même une nécessité absolue.
« Que ton aliment soit ton seul médicament». 25 siècles après, la citation d’Hippocrate est toujours d’actualité. Que nos aliments soient nos alliés de santé, qu’ils soient ce que l’on appelle des nutraceutiques ou alicaments, c’est-à-dire des aliments médicaments. Les nutraceutiques constituent de nos jours une nouvelle médication qui consiste à faire un traitement préventif et non curatif. Le rôle joué dans ce sens par les antioxydants et notamment les polyphénols est d’importance capitale. Ces biométabolites ont connu ces dernières décennies un engouement spectaculaire parce qu’ils possèdent des atouts dignes d’intérêt et présentent un axe majeur de développement concernant l’utilisation de leurs propriétés antioxydantes.
De nombreuses recherches ont mis le point sur l’implication des polyphénols, comme antioxydants ou anti-radicaux libres, dans la prévention des effets néfastes de l’oxygène, à l’origine d’un grand nombre de maladies (cancers, maladies cardiovasculaires, maladies neurodégénératives, vieillissement cellulaire,...). La quantité de polyphénols ingérée par jour, estimée par certains chercheurs à environ 1g, est suffisamment importante pour que l'impact à long terme sur la santé soit envisagé.
Par ailleurs, des études épidémiologiques ont montré la corrélation très étroite entre les polyphénols et les maladies cardio-vasculaires et qu’une alimentation riche en polyphénols diminue le risque de mortalité par ces maladies.
Les polyphénols sont l’apanage du règne végétal, ce sont des molécules synthétisées exclusivement par les végétaux. Cette appellation générique désigne un vaste ensemble de substances aux structures variées qu’il est difficile de définir simplement. Les polyphénols font partie de ce qu’on appelle les métabolites secondaires (jargon scientifique) par opposition aux métabolites primaires (glucides, lipides, protéines et acides nucléiques). Cette nomination est due au fait qu’ils n’ont pas de fonction bien précise au sein de la plante comme c’est le cas pour les métabolites primaires. Chaque plante possède des métabolites secondaires qui la différencient des autres. Ces molécules marquent de manière originale chaque végétal et lui procure ainsi une certaine spécificité (identité). En outre, les métabolites secondaires déterminent la qualité organoleptique des produits que nous consommons (couleur, astringence, amertume…).
Les polyphénols et particulièrement une classe connue pour son effet antagoniste à l’égard de la production des radicaux libres, «les flavonoïdes», suscitent, depuis quelques décennies, l’intérêt des nutritionnistes, des épidémiologistes, des industriels de l’agroalimentaire et des consommateurs.
Les flavonoïdes, pigments piégeurs de radicaux libres (free radical scavenging) par excellence, sont présents dans tous les végétaux et dans tous les organes : racines, tiges, feuilles, fleurs, fruits, graines…. Ils se trouvent dans les légumes verts, rouges et même les légumes peu colorés comme les pommes de terre, certaines variétés de pommes (Golden delicious, Granny-Smith), les navets, les choux-fleurs… Les flavonoïdes participent aux qualités organoleptiques et nutritionnelles des produits alimentaires d'origine végétale (couleur, saveur, arôme,…).
En cette période de printemps, les fruits rouges (fraises, framboises, mûres, myrtilles, brugnons, pêches, pastèques…) riches en flavonoïdes (et notamment en anthocyanes) qui leur confèrent leur couleur caractéristique, sont sur les étalages des marchés ; il faut en tirer profit. Nos boissons de tous les jours : thé et café sont également riches en polyphénols. Les dattes, les figues, les amandes et tous les fruits secs contiennent des quantités non négligeables de polyphénols. Les épices (curcuma, cannelle, gingembre, cumin, clou de girofle, ...), certaines feuilles sèches (romarin, thym, laurier, origan, sauge, verveine, ...), les graines (sésame, anis, fenouil, nigelle, badiane, moutarde,...) sont également des sources naturelles d’antioxydants.
N’oublions pas nos fameux produits du terroir, bios (sensu stricto) et pas chers, anciennement très consommés par nos parents et grands-parents, comme le caroubier (Kharroube), le jujubier (Nbag), le cactus (Handya), les glands (Belloute), l’arbousier (Sassnou)…. Ces produits du terroir sont des mines d’antioxydants et notamment des flavonoïdes et des bétalaïnes dont le cactus est riche.
Mis à part les fruits du cactus, les autres fruits et notamment les arbouses (fruit de l’arbousier) et les glands, sont complètement négligés et la génération actuelle ne les connaît même pas. En revanche, le caroubier, particulièrement riche en polyphénols, suscite un regain d’intérêt et est très prisé par les Marocains d’une certaine génération. Le fruit du caroubier «la caroube», comestible car bien sucrée, présente une valeur énergétique importante et pourrait même constituer un substitut du chocolat (avec la migraine en moins). Riche en flavonoïdes, en mucilages, en sucre, en protéines…, la caroube, sollicitée dans les industries pharmaceutique, alimentaire et diététique, stabilise notre flore intestinale et permet de lutter contre l’obésité (fléau du siècle) grâce à sa teneur en mucilages.
Les polyphénols et particulièrement les flavonoïdes constituent le principe actif de plusieurs compléments alimentaires grâce aux nombreuses activités dont ils ont fait preuve (antioxydante, anti-inflammatoire, antibactérienne, antihistaminique, antivirale…). Néanmoins, ils n’ont pas encore acquis le statut de médicament, ils restent ce que l’on appelle des «nutraceutiques» même si leur importance pour notre santé est désormais confirmée.

* Phytochimiste
Laboratoire de biotechnologies végétales
Faculté des sciences,
Université Ibn Zohr, Agadir


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