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Evènements du monde arabe : Répression sanglante en Libye et appel à la grève à Bahreïn


Agences
Lundi 21 Février 2011

Evènements du monde arabe : Répression sanglante en Libye et appel à la grève à Bahreïn
Les émeutes ont continué hier de secouer des régimes autoritaires du monde arabe, avec des dizaines de morts dans la répression policière en Libye, l'occupation par des milliers de Bahreïnis du centre de la capitale et des manifestations violentes au Yémen et à Djibouti.
La contestation a également frappé la Mauritanie et l'Algérie, deux pays du Maghreb où est né le mouvement de révolte qui a chassé du pouvoir le président Zine El Abidine Ben Ali, le 14 janvier en Tunisie, et Hosni Moubarak, le 11 février en Egypte.
Le chef de la diplomatie britannique, William Hague, s'est dit «profondément inquiet» des informations «sur la violence inacceptable utilisée contre les manifestants en Libye, à Bahreïn et au Yémen» et a qualifié d'«effroyables» les violences en Libye. Dans ce pays, gouverné par le colonel Mouammar Kadhafi depuis 42 ans, il y a au moins 104 morts depuis le début de la contestation, a affirmé hier à l'AFP l'organisation de défense des droits de l'Homme Human Rights Watch, citant des sources médicales et des témoins.
«Notre source en Libye nous a confirmé qu'il y avait au moins 104 morts», a déclaré le directeur du bureau de HRW à Londres, Tom Porteous, joint par téléphone.
«Mais c'est une photographie incomplète de la situation car les communications avec la Libye sont très difficiles. Nous avons de fortes inquiétudes (...) qu'une catastrophe soit en cours en matière de droits de l'Homme», a-t-il ajouté.
Selon un décompte de l'AFP établi à partir de différentes sources libyennes, le bilan de cinq jours de contestation contre le régime du colonel Kadhafi, au pouvoir depuis plus de 40 ans s'élevait à au moins 77 morts, la plupart à Benghazi (est), deuxième ville du pays et bastion de l'opposition.
«La majorité des blessés présentaient des blessures par balles à la tête, au cou et aux épaules», a-t-il ajouté.
«Le gouvernement a coupé toutes les communications internet dans le pays et interfère dans les liaisons téléphoniques, à la fois mobiles et fixes, ce qui rend très difficile la collecte d'informations», a expliqué M. Porteous.

Insurrection à Benghazi
La contestation semble se transformer en insurrection dans l'est, surtout à Benghazi, bastion des opposants à 1.000 km à l'est de Tripoli, où samedi 12 personnes au moins ont été tuées et de nombreuses autres blessées quand l'armée a repoussé à balles réelles les manifestants qui prenaient d'assaut une caserne, selon le journal Quryna proche du réformiste Seïf el-Islam, fils de Mouammar Kadhafi.
Les protestataires ont notamment lancé des cocktails molotov contre cette caserne, déjà attaquée trois fois depuis mardi, selon la même source. Vingt-quatre personnes avaient péri vendredi dans les heurts avec la police à Benghazi, selon des sources hospitalières et le journal Quryna.
L'organisation de défense des droits de l'Homme Human Rights Watch (HRW) a, quant à elle, fait état d'un bilan global de 84 morts, dont 55 à Benghazi. L'agence de presse officielle Jana, citant des sources «sûres», a annoncé samedi l'arrestation d'un «réseau» de dizaines de personnes, «entraînée pour nuire à la stabilité de la Libye, à la sécurité de ses citoyens et à leur unité nationale» qui seraient «de nationalités tunisienne, égyptienne, soudanaise, palestinienne et syrienne», ainsi que «turque». Elles ont été «chargées d'inciter à des actes de pillage, de sabotage, comme d'incendier des hôpitaux, des banques, des tribunaux, des prisons, des commissariats de la police et de la police militaire, ainsi que d'autres bâtiments publics et des propriétés privées», a ajouté Jana.
Bravant la sanglante répression menée par les forces de sécurité libyennes, des manifestants se sont de nouveau rassemblés hier devant un tribunal de Benghazi dans l'est de la Libye. Au moins 200 manifestants ont été tués ces derniers jours dans cette ville au cœur de la contestation contre le régime de Mouammar Kadhafi, selon une source médicale.
D'après ce médecin, qui a requis l'anonymat hier par crainte de représailles, les corps de quelque 200 manifestants tués par les forces de sécurité libyennes ont été transportés ces derniers jours dans son hôpital.
Des centaines de personnes sont revenues hier matin sur une place devant le tribunal de Benghazi, deuxième ville du pays, au lendemain d'une journée meurtrière au cours de laquelle les forces de l'ordre ont ouvert le feu sur des personnes qui venaient d'assister aux funérailles de manifestants.
Dans les heures qui ont suivi cette attaque, une source médicale a fait état d'au moins quinze morts. Mais selon Mohammed Abdallah, un membre du Front national pour le salut de la Libye basé à Dubaï, le bilan pourrait être beaucoup plus élevé. Il a cité des responsables hospitaliers selon lesquels il pourrait atteindre 300 morts.
D'après des témoignages, les manifestants ont été attaqués par des forces composées d'un mélange de commandos spéciaux de mercenaires étrangers et de partisans du colonel Kadhafi armés de couteaux, de Kalachnikovs, et même de missiles anti-aériens.
Retour des Bahreïnis sur la place de la Perle
Dans le Golfe, le petit royaume de Bahreïn, des centaines de protestataires ont passé une nuit sans encombre sur la place de la Perle, dans le centre de Manama, reconquise après le retrait samedi de l'armée et de la police.
«La nuit s'est passée sans problème», déclare Tahar, un étudiant qui dit n'avoir pas dormi pour monter la garde, avec des dizaines d'autres jeunes, sur cette place devenue le symbole de la contestation populaire entamée le 14 février.
«Nous avons peur de voir les forces de sécurité nous attaquer par surprise comme elles l'avaient fait jeudi» lorsque la police a donné l'assaut contre les protestataires en plein sommeil, faisant 4 tués, ajoute-t-il.
Dans les nombreuses tentes dressées à la hâte samedi soir sur la place, certains dorment encore en milieu de matinée alors que d'autres somnolent. Sur un comptoir de fortune installé dans un coin de la place, un petit déjeuner est proposé: du pain, des dattes, du fromage, de l'eau... Un jeune s'affaire à préparer du thé.
Les protestataires semblent bien organisés: un service d'ordre règle la circulation autour de la place de la Perle, des jeunes nettoient les lieux, sacs poubelle à la main, et des orateurs se chargent de maintenir la mobilisation de la foule.
«Cette place est celle des martyrs. Nous ne la quitterons pas avant que nos revendications soient satisfaites. Le régime finira par tomber», lance l'un des orateurs dont le message est diffusé par haut-parleurs installés autour de la place.

L'opposition chiite lie
le dialogue à la démission du gouvernement
Un haut responsable de l'opposition chiite bahreïnie a annoncé hier que l'amorce du dialogue politique avec le pouvoir était tributaire de la démission du gouvernement, responsable selon lui de la répression sanglante du mouvement de la contestation populaire.
«Le gouvernement qui n'a pas pu protéger son peuple doit démissionner et les responsables du massacre doivent être jugés», a déclaré à l'AFP Abdel Jalil Khalil Ibrahim, chef du bloc parlementaire du Wefaq, principal mouvement de l'opposition chiite.
«L'opposition ne refuse pas le dialogue» proposé par le prince héritier cheikh Salman Ben Hamad Al-Khalifa, «mais réclame une plate-forme qui favorise le dialogue», a-t-il ajouté.
Le prince héritier a proposé le dialogue à l'opposition après la mort de six protestataires, tués cette semaine par la police, puis il a ordonné à l'armée de se retirer de Manama et aux forces anti-émeutes de ne pas s'opposer aux manifestants, accédant à deux des revendications de l'opposition, outre la démission du gouvernement.
«Nous demandons aussi aux autorités de décréter un deuil national à la mémoire des martyrs» de la répression, a déclaré M. Ibrahim, ajoutant que la satisfaction de ces revendications témoignerait «du sérieux de l'offre de dialogue».
Hier, l'Union générale des syndicats de Bahreïn a annoncé avoir levé son mot d'ordre de grève générale, estimant que ses demandes d'un retrait de l'armée de Manama et du droit de manifester ont été satisfaites.
«A la suite des derniers développements et en raison du retrait de l'armée et du respect du droit de manifester pacifiquement, l'union a décidé de lever son mot d'ordre de grève générale et d'appeler à la reprise du travail à partir de lundi», a indiqué la centrale syndicale dans un communiqué.
L'Union a assuré que la grève avait été «plus ou moins suivie» hier et que de nombreux ouvriers participaient au rassemblement place de la Perle à Manama de manifestants exigeant des réformes politiques.
L'Union avait appelé samedi à une grève générale illimitée à partir d’hier pour exiger notamment la liberté de manifester pacifiquement, sans intervention des forces de l'ordre.
L'Union est l'un des plus vieux syndicats des pays arabes du Golfe. Il compte de nombreuses sections qui sont implantées dans les principales entreprises du pays, comme les raffineries, l'industrie de l'aluminium et de réparation maritime.

Heurts violents
au Yémen
Au Yémen, des heurts entre opposants et partisans du président Ali Abdallah Saleh, au pouvoir depuis 32 ans et allié des Etats-Unis dans la lutte contre Al-Qaïda, ont tourné à la bataille rangée dans la capitale, Sanaa. Ils ont éclaté après que des partisans du régime ont tenté de prendre d'assaut le campus de l'Université. «Le peuple veut la chute du régime», scandaient les étudiants.
Un journaliste de l'AFP a vu un étudiant s'effondrer, atteint d'une balle au cou et noyé dans son sang, et ses compagnons criant: «Il est mort». Selon le ministère de l'Intérieur, cependant, «un certain nombre de manifestants ont été blessés» mais «il n'y a pas eu de mort».
Hassan Baoum, principale figure de la contestation sudiste au Yémen, a été arrêté hier après son arrivée à Aden pour participer aux manifestations contre le régime du président Ali Abdallah Saleh, a annoncé son fils Fadi.
M. Baoum a été arrêté avec un autre de ses fils, Fawaz, à l'hôpital Naqib, où il subissait des examens médicaux, et a été conduit par les forces de sécurité vers une destination inconnue, a précisé Fadi Baoum. Selon lui, M. Baoum était arrivé quelques heures plus tôt à Aden en provenance de Laheh, plus au nord, avec l'intention de participer aux manifestations qui ont pris une tournure violente dans la principale ville du sud du Yémen.
Pour la quatrième soirée consécutive, des milliers de personnes ont participé à des manifestations dans plusieurs quartiers d'Aden, scandant «Le peuple veut la chute du régime», malgré un important déploiement des forces de sécurité, selon le correspondant de l'AFP sur place.
«Ni Nord ni Sud, notre révolution est celle des jeunes», répétaient également les manifestants, semblant se démarquer du Mouvement séparatiste sudiste. Le sud-Yémen était un Etat indépendant jusqu'en 1990. La police a tenté de disperser les marches à coups de grenades lacrymogènes et en tirant à balles réelles, faisant 11 blessés, dont deux fillettes de 9 et 11 ans, dans le quartier de Cheikh Osmane, selon des sources médicales. Des tirs nourris y étaient entendus tard le soir.
Hier, plusieurs centaines d'étudiants yéménites ont manifesté devant le campus de l'université de Sanaa sans être inquiétés par les partisans du pouvoir tenus à l'écart par la police, selon un correspondant de l'AFP.
Les étudiants ont scandé des slogans contre le régime du président Ali Abdallah Saleh, au pouvoir depuis 32 ans.
Une centaine de partisans du régime se tenaient à une centaine de mètres des manifestants, dont ils étaient séparés par des cordons de policiers.
A Aden, dans le sud, les protestations ont continué après une nuit d'émeutes. Un adolescent a été tué par une balle perdue, selon une source hospitalière. Trois personnes ont été blessées, dont deux filles de 9 et 11 ans, quand la police a ouvert le feu pour disperser un rassemblement de plusieurs centaines de personnes, selon des témoins et des sources médicales. Douze personnes ont été tuées au Yémen, dont 10 à Aden, depuis le début de la semaine.
Les autres pays ne sont pas en reste
En Algérie, des centaines de personnes ont tenté de se rassembler dans la capitale aux cris de «Algérie libre et démocratique», «Pouvoir assassin», «Le peuple veut la chute du régime», et ont été repoussées par d'importantes forces de sécurité.
En tout, «il y a eu une dizaine de blessés, dont deux grièvement» a déclaré à l'AFP Khalil Moumène, membre de la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD), qui avait appelé à cette manifestation.
Outre le député blessé, Tahar Besbas, «un manifestant a été frappé au visage par un policier», a-t-il précisé. Selon le docteur Rafik Hassani, médecin-réanimateur et député du RCD, M. Besbas a été «réellement tabassé par les policiers. Il a reçu un coup de matraque dans le plexus et est tombé à terre», a-t-il expliqué. «Là, il a été roué de coups de pieds par les policiers». M. Besbas souffre «d'un traumatisme crânien avec perte de connaissance et d'un polytraumatisme».
En Mauritanie, des manifestations contre le manque d'eau et la hausse des prix dans une ville du sud-est, Vassala, ont été sévèrement réprimées vendredi, a annoncé samedi l'opposition qui a fait état de blessés et d'arrestations.
A Djibouti, un policier et un manifestant ont été tués vendredi lors de heurts après un rassemblement de l'opposition qui réclame la fin du régime du président Ismaël Omar Guelleh. Trois chefs de l'opposition ont été arrêtés samedi. Deux d'entre eux ont été libérés dans la soirée, selon la télévision d'Etat.
«Aden Robleh Awaleh, Ismaël Guedi Hared et Mohamed Daoud Chehem ont été placés samedi en garde à vue à la suite des violents heurts survenus vendredi soir à Djibouti entre forces de l'ordre et manifestants», a indiqué M. Souleiman dans une déclaration à la presse.
Tous trois sont respectivement présidents du Parti national démocratique (PND), de l'Union pour la justice et la démocratie (UDJ) et du Parti.


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