Législatives françaises. Un "front républicain" se met en ordre de bataille contre le RN


Libé
Mardi 2 Juillet 2024

Après plus de 185 désistements déjà annoncés, la ligne de départ du deuxième tour des élections législatives devait être connue mardi soir et devrait bon an mal an confirmer la constitution d'un "front républicain" contre le Rassemblement national.

Souvent sans enthousiasme, les retraits de candidats macronistes ou de gauche ont lieu dans l'écrasante majorité des circonscriptions où au moins trois candidats étaient qualifiés et où le parti lepéniste est en mesure de l'emporter.
Toute la question sera de savoir dans quelle proportion les électeurs se reporteront sur ce front républicain.

L'objectif est d'empêcher le RN d'obtenir la majorité absolue de 289 députés. S'il était atteint, s'ouvrirait alors pour les opposants au parti d'extrême droite la tâche complexe de la formation d'une majorité ou d'un gouvernement alternatif en capacité de diriger la France.

De son côté, Jordan Bardella, prêt à entrer à Matignon, a dénoncé des "alliances du déshonneur" et appelé les électeurs à lui accorder une majorité absolue "face à la menace existentielle pour la nation française" que représente selon lui l'alliance de gauche Nouveau Front populaire.

Mardi midi, selon les constatations de l'AFP, plus de 185 candidats se sont désistés sur plus de 300 triangulaires possibles. Parmi ceux-ci, figurent pour l'instant une majorité de représentants du NFP mais aussi plusieurs ministres.
Le candidat LFI s'est ainsi retiré dans le Calvados pour favoriser l'élection d'Élisabeth Borne, que la gauche a pourtant vigoureusement combattue sur les réformes des retraites et de l'immigration.

Dans l'autre sens par exemple, en dépit du "ni RN, ni LFI" prôné par Edouard Philippe, un candidat Horizons en Seine-Maritime Laurent Bonnaterre s'est retiré, offrant ainsi la possibilité à une députée sortante LFI Alma Dufour de conserver son siège.

Les dirigeants de gauche ont cependant exprimé leur insatisfaction face aux hésitations de certains dans le camp présidentiel.
"Nous avons appliqué une règle claire (...) Nous souhaitons effectivement que le camp macroniste fasse preuve d'une même clarté", a déclaré le coordinateur des Insoumis Manuel Bompard.

Emmanuel Macron a affirmé à ses ministres que "pas une voix" ne devait "aller à l'extrême droite", rappelant que la gauche s'était mobilisée face au RN en 2017 et en 2022 permettant sa propre accession à l'Élysée.

Une manière de répondre à ceux qui, dans sa majorité comme Bruno Le Maire, renvoient dos-à-dos le RN et La France insoumise, accusée d'avoir flirté pendant la campagne européenne avec l'antisémitisme.

Et Gabriel Attal d'enfoncer le clou mardi. "Les seuls en capacité d'avoir une majorité absolue, c'est le Rassemblement national, il faut empêcher ça", a-t-il martelé, en soulignant que "désistement ne veut pas dire ralliement" lors d'un déplacement de campagne. "Je suis chef de la majorité", a-t-il rappelé au ministre des Finances.

Face à la pression de l'exécutif, les récalcitrants au désistement dans la majorité sortante rendaient les armes les uns après les autres, comme la ministre déléguée aux Collectivités locales Dominique Faure en Haute-Garonne.

Côté société civile, une intersyndicale composée de la CFDT, CGT, Unsa, FSU et Solidaires, a appelé à voter pour les candidats "les mieux placés pour battre l'extrême droite", tout comme un millier d'historiens dans une tribune dans Le Monde.
De son côté, le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) est resté sur sa ligne "ni RN, ni LFI".

Dimanche, la vague bleu marine a déferlé avec plus de 10,6 millions de voix, soit 33,1% des suffrages, un niveau historique - hors second tour de la présidentielle de 2022.
Lors du premier tour dimanche, le RN a fait élire 39 députés, à commencer par Marine Le Pen dans le Pas-de-Calais. Le parti à la flamme, allié à Eric Ciotti, s'est qualifié dans 443 des 577 circonscriptions et est en tête dans 296 d'entre elles.

Pour la première fois depuis la Deuxième Guerre mondiale, l'extrême droite pourrait gouverner la France. Et peu d'options s'offrent aux autres forces politiques pour l'en empêcher.

Jordan Bardella a déjà fait savoir qu'il refuserait le poste de Premier ministre s'il ne disposait pas d'une majorité absolue, soit 289 députés.
Mais, si le RN s'en approche, avec "par exemple 270 députés", Marine Le Pen a indiqué que son parti chercherait à attirer "des députés par exemple divers droite, divers gauche, LR, qui ont exprimé par le passé une proximité avec nous".

Si le RN ne pouvait gouverner, les macronistes, une partie de la gauche et certains LR pourraient essayer de former une "grande coalition", courante dans les pays européens mais étrangère aux traditions politiques françaises.

Gabriel Attal a ainsi souhaité que sorte des urnes une "Assemblée plurielle". "Il y a des forces républicaines de droite, du centre, de gauche, qui peuvent se retrouver sur un certain nombre de projets", a-t-il plaidé tandis que le président LR des Hauts-de-France Xavier Bertrand a plaidé pour un "gouvernement de sursaut national".
"Beaucoup de ceux qui hier étaient de manière acharnée dans l'opposition réfléchissent", a assuré François Bayrou.

Mais Manuel Bompard a exclu que LFI participe à une telle coalition. "Les Insoumis ne gouverneront que pour appliquer leur programme, rien que le programme mais tout le programme", a-t-il affirmé.


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