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Dans cet entretien, Driss Yazami nous livre, en tant que
présidant du CCME, son point de vue
sur la question des Marocains à
l’étranger, sur leurs attentes du conseil
et des pouvoirs publics et sur les questions politiques et culturelles.
Libé : Comment voyez-vous les 10 ans du règne de Mohammed VI surtout au niveau des droits de l’Homme et de la question des Marocains à l’étranger ?
Driss El Yazami : Concernant le premier volet, il me semble que les réformes menées ont porté sur trois problématiques centrales pour toute transition démocratique : le pluralisme ethnico-culturel, l’égalité des genres et enfin les violations des droits de l’Homme.
Pays musulman pluriel, avec notamment une composante amazighe centrale et juive qui remonte à des temps immémoriaux, le Maroc affirme aujourd’hui sans complexe son pluralisme avec notamment l’action opiniâtre de l’Institut Royal de la culture amazighe (IRCAM) qui mène entre autres activités un programme d’intégration de l’enseignement de l’amazigh dans le primaire qui touche aujourd’hui près d’un demi-million d’élèves sur une population scolaire de quatre millions. Le prochain lancement d’une chaîne de télévision, les nombreuses activités scientifiques et culturelles menées par l’IRCAM, le dynamisme des associations amazighes tracent progressivement les contours d’un pluralisme assumé et pacifié. La réforme du Code de la famille, réalisée en 2004 est la plus ample du monde musulman depuis l’action pionnière du président Bourguiba dans la Tunisie des années 1950. Mais tout autant que les dispositions du nouveau Code qui consacrent, à l’exception de l’héritage, l’égalité homme-femme, c’est le débat social qui a précédé son adoption qui me semble significatif de l’alchimie marocaine. Quatre ans durant, la société a vécu un débat d’une grande intensité entre partisans et opposants de la réforme, équivalent, pour prendre un ordre de grandeur, au débat franco-français sur l’école privée ou le foulard. Cette vaste délibération publique a touché toutes les couches sociales, l’intimité des familles et a connu son apogée en mars 2000 avec deux grandes manifestations, l’une à Casablanca et l’autre à Rabat.
Qu’est-ce que le politique, au sens moderne du terme, sinon laisser le champ libre au débat de société sur un sujet aussi sensible ? Qu’est-ce la démocratie, sinon garantir au fond et d’abord la confrontation pacifique des points de vue, la gestion des différends, des intérêts et des projets de société contradictoires ?
C’est aussi à une restauration du politique qu’a procédé au final la Commission marocaine pour la vérité, créée par Sa Majesté le Roi Mohammed VI en janvier 2004 et qui a rendu son rapport final en novembre 2005. Chargé d’établir la vérité sur les violations graves des droits de l’Homme intervenues entre 1956 et 1999, l’Instance Equité et Réconciliation (IER) a effectué un travail considérable consigné dans son rapport, rendu immédiatement public et qui fait maintenant partie du patrimoine universel de la justice transitionnelle. La mise en œuvre des recommandations émises pour garantir la non répétition desdites violations est aujourd’hui unanimement exigée, y compris par les plus farouches adversaires de l’expérience. Il y a eu l’indemnisation et la prise en charge sanitaire des victimes, un ambitieux programme de réparation communautaire qui prévoit notamment la transformation des anciens lieux de détention en centres socioculturels et de préservation de la mémoire au profit des populations locales, les auditions publiques des anciennes victimes diffusées dans les médias publics, … Mais il y a eu aussi, et c’est essentiel, un débat pluraliste et contradictoire qui a duré deux ans et qui perdure encore sur l’histoire du Maroc indépendant, ses crises politiques, les responsabilités collectives et les moyens d’en sortir définitivement. C’est pourquoi je considère que l’un des mérites importants de l’IER a été une réhabilitation du politique, au sens de la discussion publique et pluraliste, toujours en cours d’ailleurs, sur notre histoire collective. A cet égard, je pense que nous vivons un passage, complexe bien évidemment, de la mémoire à l’histoire. Pour reprendre une expression de l’historien Abdelahad Sebti, il nous faut nous remémorer les souffrances du passé, mais aussi comprendre. A cet égard, la mise en œuvre des recommandations sur l’histoire et les archives –notamment l’adoption d’une loi moderne sur les archives- est essentielle et le CCDH en a fait une de ses priorités.
Cette capacité endogène d’introspection et de lecture diversifiée de notre histoire a présidé aussi à l’établissement du rapport du cinquantenaire par des chercheurs de toutes disciplines sur un demi-siècle d’indépendance et qui fait un bilan sans complaisance des réalisations de ce demi-siècle, des impasses mais aussi des défis à moyen et à long termes. La publication simultanée des deux rapports est symbolique à plus d’un titre, me semble-t-il. D’abord, parce qu’ils sont d’une certaine manière complémentaires : les crises politiques qui ont occasionné des violations ne sont pas intervenues dans un ciel désincarné mais bien dans un contexte de politiques économiques et de mutations sociales éclairées par le rapport du cinquantenaire. Inversement, l’évolution socioéconomique du pays a été perturbée par une vie politique tourmentée. Ensuite, parce qu’il y a dans les deux rapports des matériaux pour une première lecture éclairée et sereine, de toutes les facettes de l’histoire, des éléments pour une délibération publique et pluraliste et des bases pour la pérennisation du processus de réforme. Sur la question des Marocains à l’étranger, vous aurez remarqué qu’il n’y a pas un discours Royal depuis dix ans qui n’ait pas traité de la question des Marocains installés à l’étranger. Il y a, à mon avis, une prise de conscience à tous les échelons des mutations essentielles de l’émigration et du processus de son enracinement, avec un ministère chargé de la communauté marocaine à l’étranger rattaché à la Primature assurant ainsi, du moins au niveau des principes, une action interministérielle transversale, une instance (le CCME) chargée d’évaluer les politiques publiques, un dynamisme certain de nombreux acteurs sur cette question et enfin un débat public sur les enjeux fondamentaux que soulève l’émigration.
Plus d’un an après la création du Conseil de la communauté marocaine à l’étranger, quel bilan faites-vous de l’action réalisée et de votre action en particulier ?
Il a fallu en premier lieu résoudre les deux questions centrales pour toute nouvelle institution : la constitution d’une équipe et le règlement des questions logistiques d’une part et l’établissement d’un programme de travail d’autre part. Le siège du Conseil et son équipe sont aujourd’hui fonctionnels et la plénière, tenue en juin 2008, a adopté un programme d’activités 2008/2009 et constitué six groupes de travail parmi les membres. En termes d’activités publiques, il y a eu la rencontre des « femmes marocaines d’ici et d’ailleurs» à Marrakech, la co-organisation du Festival du cinéma de l’immigration à Agadir, la signature de plus d’une dizaine de conventions de partenariat avec des universités et institutions, le soutien à toutes –je dis bien toutes- les activités académiques organisées au Maroc sur l’émigration, la tenue de la première réunion internationale des conseils de l’émigration, l’organisation de deux importants colloques sur l’islam dans l’émigration et d’un autre sur les retraités marocains, le soutien à de nombreuses activités associatives de l’émigration (en France, en Allemagne, au Canada, …), le sondage avec BVA, le soutien à la réunion des compétences marocaines engagées dans le projet de l’Université internationale de Rabat, etc. Mais l’essentiel à nos yeux est la philosophie de travail qui préside à l’organisation de ces activités publiques. Elles ont deux fonctions centrales : mettre en œuvre la démarche participative du CCME et mettre en discussion des thématiques centrales de l’émigration (c’est notre fonction prospective) ou des questions sur lesquelles nous travaillons comme institution consultative. Car il ne faut pas oublier ces deux missions premières de notre institution : ce n’est guère visible, mais les six groupes de travail du CCME réfléchissent aux projets d’avis que nous devons adopter lors de notre prochaine plénière et nous avons commencé à élaborer le premier rapport stratégique que nous devons présenter à Sa Majesté tous les deux ans.
J’ai eu l’occasion de suivre plusieurs activités du CCME dans différentes villes au Maroc et dans le pays d’accueil. Avez-vous des difficultés pour rendre plus visibles les actions réalisées par le CCME ?
Il y a d’évidence des efforts à faire et en permanence pour améliorer notre communication qui a une triple contrainte. Nous devons expliquer et réexpliquer la nature exacte de cette institution qui ne relève pas de l’Exécutif, nous adresser en même temps à des audiences très diversifiées (des communautés vivant dans des contextes d’intégration différents, des générations différentes, des aspirations multiples) et enfin expliquer notre action dans deux espaces : le Maroc et l’émigration.
Vous venez de finir une conférence internationale des Conseils de l’immigration à Rabat. Quel bilan faites-vous de cette rencontre ?
C’est à l’honneur du Maroc d’avoir pris l’initiative d’organiser une telle réunion, qui n’avait jamais eu lieu auparavant et d’avoir à cette occasion mis sur pied l’ébauche d’un réseau international de ce genre de conseils. La deuxième réunion devrait se tenir au premier semestre 2010 sous la présidence espagnole de l’Union européenne. Le deuxième objectif était de nous familiariser avec l’expérience des conseils qui nous ont précédés et aussi, pourquoi pas, d’apprendre auprès d’eux. Cela peut nous aider à l’élaboration de deux avis qui sont attendus : la composition du futur conseil et la participation à la vie civique.
Ce réseau de conseils peut aussi servir de plate-forme d’entraide mutuelle. Ils sont tous constitués de personnalités qui ont connu ce qu’est l’émigration, la complexité des processus d’intégration : chacun d’entre eux peut à certaines occasions nous aider à expliquer à l’opinion publique nationale les difficultés de nos communautés.
Une troisième fonction que j’ai rappelée dans les conclusions est que ce réseau peut jouer un rôle important dans le débat international sur la gouvernance mondiale de l’immigration. Dans le débat de haut niveau enclenché par Kofi Annan et impulsé par un rapport d’experts internationaux auquel avait participé notre amie Mme Aïcha Belarbi, ces conseils peuvent jouer une fonction de rationalisation du débat et d’atténuation de la dimension polémique qui entoure trop souvent les questions de l’émigration.
Il y a aussi le problème de tous les pays d’accueil, surtout les pays occidentaux, qui n’ont pas ratifié l’accord international sur la question de la protection des droits des immigrés et de leur famille. Est-ce que ce réseau peut jouer un rôle dans ce sens ?
Comme vous le rappelez, aucun grand pays démocratique d’immigration n’a signé ni ratifié la Convention sur les droits des migrants et de leur famille. J’ai rappelé cette situation dans les conclusions de la conférence internationale des conseils et je constate un frémissement dans ce sens auprès de quelques pays. Le Comité des droits des migrants, groupe d’experts indépendants institué par les Nations Unies en vertu de la Convention et présidé par Abdelhamid El Jamri, membre de notre Conseil, agit aussi activement dans ce sens.
A suivre
présidant du CCME, son point de vue
sur la question des Marocains à
l’étranger, sur leurs attentes du conseil
et des pouvoirs publics et sur les questions politiques et culturelles.
Libé : Comment voyez-vous les 10 ans du règne de Mohammed VI surtout au niveau des droits de l’Homme et de la question des Marocains à l’étranger ?
Driss El Yazami : Concernant le premier volet, il me semble que les réformes menées ont porté sur trois problématiques centrales pour toute transition démocratique : le pluralisme ethnico-culturel, l’égalité des genres et enfin les violations des droits de l’Homme.
Pays musulman pluriel, avec notamment une composante amazighe centrale et juive qui remonte à des temps immémoriaux, le Maroc affirme aujourd’hui sans complexe son pluralisme avec notamment l’action opiniâtre de l’Institut Royal de la culture amazighe (IRCAM) qui mène entre autres activités un programme d’intégration de l’enseignement de l’amazigh dans le primaire qui touche aujourd’hui près d’un demi-million d’élèves sur une population scolaire de quatre millions. Le prochain lancement d’une chaîne de télévision, les nombreuses activités scientifiques et culturelles menées par l’IRCAM, le dynamisme des associations amazighes tracent progressivement les contours d’un pluralisme assumé et pacifié. La réforme du Code de la famille, réalisée en 2004 est la plus ample du monde musulman depuis l’action pionnière du président Bourguiba dans la Tunisie des années 1950. Mais tout autant que les dispositions du nouveau Code qui consacrent, à l’exception de l’héritage, l’égalité homme-femme, c’est le débat social qui a précédé son adoption qui me semble significatif de l’alchimie marocaine. Quatre ans durant, la société a vécu un débat d’une grande intensité entre partisans et opposants de la réforme, équivalent, pour prendre un ordre de grandeur, au débat franco-français sur l’école privée ou le foulard. Cette vaste délibération publique a touché toutes les couches sociales, l’intimité des familles et a connu son apogée en mars 2000 avec deux grandes manifestations, l’une à Casablanca et l’autre à Rabat.
Qu’est-ce que le politique, au sens moderne du terme, sinon laisser le champ libre au débat de société sur un sujet aussi sensible ? Qu’est-ce la démocratie, sinon garantir au fond et d’abord la confrontation pacifique des points de vue, la gestion des différends, des intérêts et des projets de société contradictoires ?
C’est aussi à une restauration du politique qu’a procédé au final la Commission marocaine pour la vérité, créée par Sa Majesté le Roi Mohammed VI en janvier 2004 et qui a rendu son rapport final en novembre 2005. Chargé d’établir la vérité sur les violations graves des droits de l’Homme intervenues entre 1956 et 1999, l’Instance Equité et Réconciliation (IER) a effectué un travail considérable consigné dans son rapport, rendu immédiatement public et qui fait maintenant partie du patrimoine universel de la justice transitionnelle. La mise en œuvre des recommandations émises pour garantir la non répétition desdites violations est aujourd’hui unanimement exigée, y compris par les plus farouches adversaires de l’expérience. Il y a eu l’indemnisation et la prise en charge sanitaire des victimes, un ambitieux programme de réparation communautaire qui prévoit notamment la transformation des anciens lieux de détention en centres socioculturels et de préservation de la mémoire au profit des populations locales, les auditions publiques des anciennes victimes diffusées dans les médias publics, … Mais il y a eu aussi, et c’est essentiel, un débat pluraliste et contradictoire qui a duré deux ans et qui perdure encore sur l’histoire du Maroc indépendant, ses crises politiques, les responsabilités collectives et les moyens d’en sortir définitivement. C’est pourquoi je considère que l’un des mérites importants de l’IER a été une réhabilitation du politique, au sens de la discussion publique et pluraliste, toujours en cours d’ailleurs, sur notre histoire collective. A cet égard, je pense que nous vivons un passage, complexe bien évidemment, de la mémoire à l’histoire. Pour reprendre une expression de l’historien Abdelahad Sebti, il nous faut nous remémorer les souffrances du passé, mais aussi comprendre. A cet égard, la mise en œuvre des recommandations sur l’histoire et les archives –notamment l’adoption d’une loi moderne sur les archives- est essentielle et le CCDH en a fait une de ses priorités.
Cette capacité endogène d’introspection et de lecture diversifiée de notre histoire a présidé aussi à l’établissement du rapport du cinquantenaire par des chercheurs de toutes disciplines sur un demi-siècle d’indépendance et qui fait un bilan sans complaisance des réalisations de ce demi-siècle, des impasses mais aussi des défis à moyen et à long termes. La publication simultanée des deux rapports est symbolique à plus d’un titre, me semble-t-il. D’abord, parce qu’ils sont d’une certaine manière complémentaires : les crises politiques qui ont occasionné des violations ne sont pas intervenues dans un ciel désincarné mais bien dans un contexte de politiques économiques et de mutations sociales éclairées par le rapport du cinquantenaire. Inversement, l’évolution socioéconomique du pays a été perturbée par une vie politique tourmentée. Ensuite, parce qu’il y a dans les deux rapports des matériaux pour une première lecture éclairée et sereine, de toutes les facettes de l’histoire, des éléments pour une délibération publique et pluraliste et des bases pour la pérennisation du processus de réforme. Sur la question des Marocains à l’étranger, vous aurez remarqué qu’il n’y a pas un discours Royal depuis dix ans qui n’ait pas traité de la question des Marocains installés à l’étranger. Il y a, à mon avis, une prise de conscience à tous les échelons des mutations essentielles de l’émigration et du processus de son enracinement, avec un ministère chargé de la communauté marocaine à l’étranger rattaché à la Primature assurant ainsi, du moins au niveau des principes, une action interministérielle transversale, une instance (le CCME) chargée d’évaluer les politiques publiques, un dynamisme certain de nombreux acteurs sur cette question et enfin un débat public sur les enjeux fondamentaux que soulève l’émigration.
Plus d’un an après la création du Conseil de la communauté marocaine à l’étranger, quel bilan faites-vous de l’action réalisée et de votre action en particulier ?
Il a fallu en premier lieu résoudre les deux questions centrales pour toute nouvelle institution : la constitution d’une équipe et le règlement des questions logistiques d’une part et l’établissement d’un programme de travail d’autre part. Le siège du Conseil et son équipe sont aujourd’hui fonctionnels et la plénière, tenue en juin 2008, a adopté un programme d’activités 2008/2009 et constitué six groupes de travail parmi les membres. En termes d’activités publiques, il y a eu la rencontre des « femmes marocaines d’ici et d’ailleurs» à Marrakech, la co-organisation du Festival du cinéma de l’immigration à Agadir, la signature de plus d’une dizaine de conventions de partenariat avec des universités et institutions, le soutien à toutes –je dis bien toutes- les activités académiques organisées au Maroc sur l’émigration, la tenue de la première réunion internationale des conseils de l’émigration, l’organisation de deux importants colloques sur l’islam dans l’émigration et d’un autre sur les retraités marocains, le soutien à de nombreuses activités associatives de l’émigration (en France, en Allemagne, au Canada, …), le sondage avec BVA, le soutien à la réunion des compétences marocaines engagées dans le projet de l’Université internationale de Rabat, etc. Mais l’essentiel à nos yeux est la philosophie de travail qui préside à l’organisation de ces activités publiques. Elles ont deux fonctions centrales : mettre en œuvre la démarche participative du CCME et mettre en discussion des thématiques centrales de l’émigration (c’est notre fonction prospective) ou des questions sur lesquelles nous travaillons comme institution consultative. Car il ne faut pas oublier ces deux missions premières de notre institution : ce n’est guère visible, mais les six groupes de travail du CCME réfléchissent aux projets d’avis que nous devons adopter lors de notre prochaine plénière et nous avons commencé à élaborer le premier rapport stratégique que nous devons présenter à Sa Majesté tous les deux ans.
J’ai eu l’occasion de suivre plusieurs activités du CCME dans différentes villes au Maroc et dans le pays d’accueil. Avez-vous des difficultés pour rendre plus visibles les actions réalisées par le CCME ?
Il y a d’évidence des efforts à faire et en permanence pour améliorer notre communication qui a une triple contrainte. Nous devons expliquer et réexpliquer la nature exacte de cette institution qui ne relève pas de l’Exécutif, nous adresser en même temps à des audiences très diversifiées (des communautés vivant dans des contextes d’intégration différents, des générations différentes, des aspirations multiples) et enfin expliquer notre action dans deux espaces : le Maroc et l’émigration.
Vous venez de finir une conférence internationale des Conseils de l’immigration à Rabat. Quel bilan faites-vous de cette rencontre ?
C’est à l’honneur du Maroc d’avoir pris l’initiative d’organiser une telle réunion, qui n’avait jamais eu lieu auparavant et d’avoir à cette occasion mis sur pied l’ébauche d’un réseau international de ce genre de conseils. La deuxième réunion devrait se tenir au premier semestre 2010 sous la présidence espagnole de l’Union européenne. Le deuxième objectif était de nous familiariser avec l’expérience des conseils qui nous ont précédés et aussi, pourquoi pas, d’apprendre auprès d’eux. Cela peut nous aider à l’élaboration de deux avis qui sont attendus : la composition du futur conseil et la participation à la vie civique.
Ce réseau de conseils peut aussi servir de plate-forme d’entraide mutuelle. Ils sont tous constitués de personnalités qui ont connu ce qu’est l’émigration, la complexité des processus d’intégration : chacun d’entre eux peut à certaines occasions nous aider à expliquer à l’opinion publique nationale les difficultés de nos communautés.
Une troisième fonction que j’ai rappelée dans les conclusions est que ce réseau peut jouer un rôle important dans le débat international sur la gouvernance mondiale de l’immigration. Dans le débat de haut niveau enclenché par Kofi Annan et impulsé par un rapport d’experts internationaux auquel avait participé notre amie Mme Aïcha Belarbi, ces conseils peuvent jouer une fonction de rationalisation du débat et d’atténuation de la dimension polémique qui entoure trop souvent les questions de l’émigration.
Il y a aussi le problème de tous les pays d’accueil, surtout les pays occidentaux, qui n’ont pas ratifié l’accord international sur la question de la protection des droits des immigrés et de leur famille. Est-ce que ce réseau peut jouer un rôle dans ce sens ?
Comme vous le rappelez, aucun grand pays démocratique d’immigration n’a signé ni ratifié la Convention sur les droits des migrants et de leur famille. J’ai rappelé cette situation dans les conclusions de la conférence internationale des conseils et je constate un frémissement dans ce sens auprès de quelques pays. Le Comité des droits des migrants, groupe d’experts indépendants institué par les Nations Unies en vertu de la Convention et présidé par Abdelhamid El Jamri, membre de notre Conseil, agit aussi activement dans ce sens.
A suivre