Entretien avec Aguaï Dahi, président de l’association des portés disparus au polisario

“Nous avons décidé de poursuivre en justice les tortionnaires séparatistes”


Propos recueillis par Ahmadou El-Katab
Jeudi 13 Août 2009

Entretien avec Aguaï Dahi, président de l’association des portés disparus au polisario
Aguaï  Dahi est membre fondateur du polisario. Il a  rallié  la patrie au début des années 90. Incarcéré  pendant plusieurs années dans les geôles du polisario, il a fondé l’association des portés disparus au polisario pour, dit-il, dénoncer les souffrances de ses concitoyens dans les camps, en général et dans les mouroirs des environs de Rabouni et dans le désert du Sahara algérien.
A  l’occasion de la réunion informelle de Vienne entre la délégation marocaine conduite par le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération et des négociateurs du polisario, Libé a rencontré le rescapé des geôles de Lahmada, pour lui demander ce qu’il pense de cette réunion.

Libé : La réunion de Vienne a pris fin. Que peut-on en attendre et quels sont les échos que vous en avez eus?

Aguaï  Dahi : Ce ne sont pas les premières négociations qui réunissent des interlocuteurs des deux camps, de façon directe ou indirecte. En 1978, déjà des négociations indirectes avaient eu lieu entre les deux parties. La plupart de ces négociations ont souvent, été surveillées par l’ONU.
Les résultats n’ont jamais changé car chacun des protagonistes campe sur ses positions. Je ne vois pas ce qui pourrait changer aujourd’hui. 
Le polisario continue de jouir du soutien inconditionnel de l’Algérie pour nuire au frère ennemi qu’est le Maroc, d’une part, mais aussi et surtout pour détourner l’opinion publique algérienne et internationale des revendications et souffrances des Algériens, notamment des Touaregs et des Kabyles qui revendiquent leur autonomie. Ce que l’Algérie semble vouloir faire appliquer par le Maroc, elle punit sévèrement ceux qui osent seulement penser chez elle.
Pour en revenir aux négociations, en voyant la composition de la délégation du polisario et sachant que quel que soit le niveau des négociateurs que déléguerait le polisario, nous savons que le dernier mot revient à Alger, on ne peut rien espérer de la réunion de Vienne.

Même si le représentant permanent du secrétaire général a affirmé que les négociations se déroulaient dans un climat détendu, franc et sincère et qu’elles étaient prometteuses ?

Selon les informations que j’ai, les négociations auraient porté, uniquement sur des questions techniques, notamment sur l’échange des visites familiales qui devraient désormais, être par voie terrestre afin de créer un climat  plus cordial  et serein. Je ne vois pas ce qui pourrait changer quant à l’essentiel, à savoir le règlement définitif du problème, sachant que le polisario et à travers lui, l’Algérie reste inamovible sur la question de l’indépendance alors que la proposition marocaine d’autonomie  se veut des plus justes.
Nous autres Sahraouis qui sommes les premiers concernés, nous sommes majoritairement unionistes et attendons avec impatience l’autonomie qui, selon nous, reste le seul règlement de ce conflit et qui mettra les Sahraouis devant leurs responsabilités en leur donnant une position à défendre. Mais nous sommes conscients que l’Algérie fait de l’affaire du Sahara un moyen de pression sur le Maroc et une arme qu’elle brandit à tout bout de champ pour porter atteinte aux intérêts du Maroc et faire oublier autant que faire se peut, les nombreux problèmes qui constituent le lot quotidien des Algériens. A  penser à tout ceci,  l’on se rend compte que l’Algérie, par conséquent le polisario, reste loin de toute flexibilité sur la question.
Par ailleurs, si le Maroc a, à travers l’Instance Equité et Réconciliation, concédé des réparations, le polisario et l’Algérie restent sans la moindre réaction à l’égard des centaines de Sahraouis et autres portés disparus dans leurs geôles. Si le Maroc a, depuis cette dernière décennie, connu une grande ouverture démocratique caractérisée par des libertés individuelles et collectives, il n’en est pas de même pour l’Algérie et encore moins pour le polisario chez qui la répression et  les emprisonnements sont la règle courante. C’est cela l’objet de la lettre que notre association a adressée au représentant du secrétaire général, dénonçant la présence parmi la délégation du polisario de tortionnaires notoires  dont les crimes ont été reconnus par la justice espagnole, à travers le juge Carson.

Que pensez-vous des rumeurs selon lesquelles Bachir Moustafa Sayed serait mis en quarantaine ou en résidence surveillée par la direction du polisario qui lui reproche, dit-on, ses intentions de rejoindre le Maroc ?

Vous savez, cela  fait des années que l’on nous dit qu’un tel devait rejoindre le Maroc et qu’un autre est sur le point de le faire. C’est tout simplement de l’intoxication propagée par les services de renseignements d’Alger et du polisario. Et, d’ailleurs, qu’est-ce que cela pourrait changer ? Le problème ne sera pas pour autant résolu. Sachez que même si Abdelaziz et toute sa clique rejoignaient le Maroc, le problème demeurera car l’Algérie créera et financera d’autres Abdelaziz comme elle le fait avec celui-ci. Comme je vous l’ai dit, le problème n’est pas une question de personnes, c’est un problème algérien.
Si on nous parle de différends entre les dirigeants du polisario, on doit s’interroger sur les raisons de ces divergences. Si celles-ci concernent un changement en faveur de la thèse marocaine, nous devons soutenir celui qui le prône.
Mais comme il n’en est rien, nous sommes certains qu’il s’agit d’intoxication propagée par les services de renseignements. Par conséquent, nous ne devons pas tomber dans ce piège et devenir des porte-voix de la propagande algéro-polisarienne.

Nous savons que votre association a présenté un dossier à la justice espagnole lui demandant d’interroger certains responsables du polisario, les accusant de tortures et crimes contre l’humanité. Où en est ce dossier ?

Nous avons porté plainte contre les tortionnaires du polisario devant la justice espagnole.  Nous avons demandé à cette justice de poursuivre ces tortionnaires qui se trouvent, pour la plupart, en Europe où ils jouissent de l’immunité diplomatique du fait qu’ils sont porteurs de passeports diplomatiques algériens.
Nous avons aussi porté  cette affaire devant le TPI et  comme toute affaire en justice, elle suit son cours qui peut sans doute prendre des années.


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