En attendant la mise sur pied du projet PAT : Imilchil peine à attirer les touristes

Imilchil ne fait plus recette. Les vents de la crise économique mondiale ont soufflé par là. La région est boudée par les touristes et les agences de voyages ont abandonné les lieux.  La crise n'a fait qu'accentuer une tendance déjà ressentie, il y a quelques années. Pourtant, cette bourgade montagneuse a tout le potentiel  pour devenir une plaque tournante du tourisme innovant mondial, mais le secteur manque d'infrastructures et de vision globale.   
Situé au Haut Atlas oriental à 2.150 m d'altitude, Imilchil fait partie des circuits innovants qui disposent d'un haut et riche potentiel touristique, d'une richesse ethnique et culturelle importante et d'une biodiversité floristique et faunistique remarquable. Elle regorge de circuits vierges, lacs (Izlit et Tazlyt), grottes,  gorges et grainiers. La région est connue aussi par son Moussem des fiançailles et son Festival de la musique des cimes ainsi que par ses habitants d'Ait Hdidou réputés être l'une des tribus les plus traditionnelles du Maroc.
Chaque année, la région accueille des milliers de touristes. Ils sont selon certaines estimations entre 2.000 et 5.000 personnes. A leur tête viennent les Français, suivis des Espagnols et ceux des Pays Scandinaves. Les touristes marocains sont rares et ne dépassent pas les 5%. Une grande majorité d'entre eux sont des MRE, natifs de la région.
Pour Mohamed Boudrik, fonctionnaire communal et ancien guide de montagne, l'intérêt touristique pour Imilchil est né dans les années quatre-vingts, avec la création du Centre de formation des moniteurs de montagnes (CFMM) à Ait Boughmaz. Ce Centre a permis la formation de qualité d'un grand nombre de guides de sentiers du Haut Atlas central et Toubkal. " Et c'est cette génération qui va développer vers la fin de ces années quatre-vingts,  le tourisme de montagne, grâce à la collaboration des agences de voyages qui ont choisi la spécialité de guide en montagne et le désert ". M. Boudrik a indiqué que cette époque a connu l'affluence des touristes étrangers attirés par le circuit à travers  l'Atlas marocain (Midelt, Imilchil, Tabant, Talouat).
Mais aujourd'hui, Imilchil n'attire plus les touristes comme auparavant. Elle est devenue un simple point de passage et beaucoup d'agences de voyages ont quitté les lieux car la région manque de tout : infrastructures touristiques et routières, professionnels de tourisme, etc .
En effet, Imilchil ne dispose que de trois auberges, de quelques gîtes d'étape en mauvais état et de deux maisons d'hôtes construites illégalement. Côté café, restaurants et lieux de divertissement, la carence est flagrante et la qualité des services laisse à désirer.
La bourgade endure aussi son désenclavement, notamment en hiver.
La région reste  relativement accessible malgré la construction de routes goudronnées en direction de Khénifra ou de Beni Mellal par Aghbala au nord, ou vers Errachidia par Rich à l'est. La voie de liaison avec Tinghir est en cours de réalisation et celle en direction de Midelt par Tilmi est encore à l'état de pistes
Pour Mohamed Damatti, gérant du complexe Collier d'ambre à Imilchil, le secteur du tourisme meurt à petit feu. Il  se caractérise par l'anarchie et l'intrusion de plusieurs étrangères au métier. Il souffre de manque d'organisation et de structuration. "Beaucoup de gens ont fait leur entrée dans le secteur sans des connaissances préalables, ni savoir-faire. Toute personne disposant d'un peu de  moyens financiers construit un hôtel ou une auberge. L'anarchie est telle que l'offre a dépassé la demande, ce qui a provoqué une concurrence déloyale qui impacte durement les prestations et les services fournis aux touristes, sans oublier les recettes", a-t-il constaté, et ce n'est pas tous, le manque de compétences qualifiées, la complexité et la lenteur des procédures administratives, le conflit d'intérêts et l'accès au foncier (les terres collectives) participent aussi à noircir le tableau du tourisme à Imilchil.
M. Damatti pense que les autorités locales et la délégation du ministère du Tourisme détiennent une part non négligeable de responsabilité. Il a expliqué que la commune rurale distribue à bras ouverts aux amis et proches des autorisations et met des bâtons dans les roues pour les investisseurs étrangers. Quant au ministère du Tourisme, il déplore son absence totale dans la région malgré les effets d'annonce réitérés comme le fameux programme intitulé "Pays d'accueil touristique" (PAT) qui vise la promotion des atouts touristiques d'Imilchil, signé en 2009 mais qui tarde à voir le jour.  
Il s'agit d'un concept emprunté  et qui pour vocation d'amener les touristes à découvrir les zones rurales du Maroc à travers des itinéraires pour la rencontre des populations et leur mode de vie  hors les circuits connus. Le ministère du Tourisme a déjà mis en place trois PAT pilotes à Chefchaouen, Ifrane, Immouzer Ida Outanane. Le PAT est défini comme étant une zone géographique clairement définie, qui se distingue par des spécificités naturelles, culturelles et humaines et dispose des équipements et aménagements nécessaires (hébergement, restauration et signalétique). Ces PAT sont gérés par les Conseils provinciaux du Tourisme.
M Damatti, comme d'ailleurs les professionnels du secteur, reproche au département de tutelle, le manque de vision globale et l'absence de dialogue sur l'avenir touristique de la région. " On se sent marginalisés et exclus. Les décisions relatives au secteur viennent toujours d'en haut. Les potentialités locales sont évincées, comme  lors des préparatifs du Moussem des fiançailles ou le Festival de la musique des cimes", a-t-il déploré en ajoutant  que le PAT est condamné à l'échec du fait qu'il était concocté ailleurs.
A Imilchil, les professionnels du secteur tirent la sonnette d'alarme et demandent aux autorités compétentes de réagir vite, car nombre d'entre eux ont fermé boutique et se sont convertis dans d'autres activités.  " Le nombre de  touristes est en chute libre et les recettes aussi. On arrive difficilement à sortir la tête de l'eau", a confié Bassou,  un aubergiste. Il pense qu'Imilchil dispose d'énormes atouts, mais manque de campagnes de publicité, de stratégies de marketing et de volonté. " La région peut développer une offre touristique tout au long de l'année, mais rien n'est fait pour atteindre cet objectif. Si  l'on peut  l'exemple du tourisme d'hiver à  Imilchil, la neige est abondante mais la région n'a pas pu se transformer en vraie station de ski. Aujourd'hui, rares sont les touristes qui s'aventurent dans la région. Le thermomètre frôle les - 5 C° et  les hôtels et auberges ne disposent pas de moyens de chauffage de qualité. Sans oublier, les routes qui sont coupées à cette période de l'année" a-t-il constaté.

Encadré :
Population totale : 32 836 (recensement 2004)
- Ethnies : Ait hdidou + Ait garhour
- Nbre de ménage : 3 741 (RGA 1996) ;

- Population rurale : 32 836 (recensement 2004)
- Densité de population/Ha irrigué : 5.6