Eleveur de poulets et inventeur de sous-marins


AFP
Jeudi 11 Décembre 2014

Eleveur de poulets  et inventeur de sous-marins
Depuis l'étang qui borde son village natal, l'éleveur de poulets chinois Tan Yong émerge des eaux vertes aux commandes de son sous-marin "fait maison", ravi de son exploit de bricoleur rural. 
L'engin de deux tonnes, d'un orange vif, baptisé "L'Agneau heureux", d'après un personnage de bande dessinée, il l'a assemblé seul, boulon par boulon, en neuf mois, avant de plonger avec jusqu'à huit mètres de profondeur.
A 44 ans, Tan Yong est l'un de ces Géo Trouvetout des campagnes chinoises dont le nombre va grandissant, tout comme leurs inventions plus ou moins insolites.
Le navire est à propulsion électrique; à l'intérieur, manomètres et autres cadrans indicateurs de pression sont vissés à même la paroi de l'étroite cabine, au-dessus de tuyaux en plastique qui ne dépareilleraient pas sous un évier de cuisine. Les instructions pour le maniement du submersible sont griffonnées à la main sur des bouts de papier scotchés, à côté d'une profusion de câbles électriques s'échappant de boîtes à fusibles.
"Ça, c'est la pompe à air, ça sert à plonger ou à remonter", explique Tan, ajoutant d'un ton détaché: "Je n'ai prévu aucune sortie de secours."
Tan est né deux ans avant le fameux "Yellow Submarine", le tube des Beatles sorti en 1968. Mais ici, dans la campagne perdue de la province centrale du Hubei, il n'a jamais entendu parler d'une chanson vantant un quelconque sous-marin bariolé.
A l'heure où la Chine affirme ses ambitions navales, Tan, qui vit de la vente de ses poulets, a conçu son projet il y a deux ans, avec un prototype sorti en mars dernier.
"Je n'ai jamais étudié tout ça à l'école, j'ai tout puisé dans mon imagination", dit-il.
Autour des hublots, il s'affaire à rajouter une couche de pâte d'étanchéité, au cas où, avant de saluer de la main avec entrain admirateurs et curieux et de refermer sur lui l'écoutille, ornée d'une étoile rouge écarlate, Chine communiste oblige.
Sous les hourras des amis massés sur la berge, l'engin s'éloigne alors en ronronnant sur le lac de Danjiangkou, propulsé par ses cinq batteries de voiture, avant de s'enfoncer doucement au milieu des bulles et de disparaître.
A 65 ans, la mère de Tan Yong, Wang Mingfeng, préfère garder ses distances: "Depuis qu'il est petit, il a la mauvaise habitude de fabriquer toutes sortes de trucs. Des jouets, des bateaux, des canons modèles réduits..."
"Je préfère ne pas regarder ça, cela me fait trop peur, c'est dangereux."
Tan est représentatif de ces inventeurs autodidactes, surnommés en Chine les "Paysans de Vinci", qui se sont mis ces dernières années à fabriquer d'improbables coucous, des hélicoptères, et même des tanks, sans grand souci de leur valeur pratique. On compte parmi eux un coiffeur du Zhejiang (est), auteur d'un aéronef équipé de roues empruntées à un fauteuil roulant, et d'un siège exhumé d'un kart. Fin 2012, un ancien agriculteur du Hebei (nord) avait eu son heure de gloire en réalisant des sphères en fibre de verre, abris censés résister aux déluges annoncés de l'apocalypse du calendrier maya.
Cette année, l'agriculteur Jian Lin, 31 ans, a fait une traversée remarquée de son village du Sichuan (sud-ouest) aux commandes de son tank "fait maison".
"Ils sont déterminés et n'ont peur de rien, pas même des moqueries", dit d'eux l'artiste Cai Guo-qiang, organisateur en 2010 d'une exposition à Shanghai d'oeuvres de "bricoleurs ruraux", où un jeune Pékinois, Tao Xiangli, s'était illustré avec déjà un sous-marin "fait main".
"Sous un régime communiste, les gens vivaient et travaillaient collectivement et il n'y avait pas de place pour l'individualisme", a-t-il commenté pour l'AFP, soulignant que "l'émergence des +paysans de Vinci+ montre que la créativité des ruraux en Chine prend forme lentement et gagne du terrain". 
Sous les eaux silencieuses du lac, Tang demeure invisible et indétectable pour ses amis sur la berge. A huit mètres sous la surface, où il peut rester 45 minutes, il lui est arrivé de se faire très peur, a-t-il raconté avant sa plongée.
"La pression est forte sur les panneaux d'acier, ils étaient écrasés comme une bouteille en plastique. J'étais très inquiet. Et puis d'un coup, il y a eu un gros +bang+." "Je peux garantir la sécurité jusqu'à 10 mètres de profondeur. Au-delà, je ne suis sûr de rien." 


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