Education nationale: crise de vocation, de pilotage ou d’éthique ?


Par Ahmed Hafdi
Samedi 6 Avril 2013

Education nationale: crise de vocation, de pilotage ou d’éthique ?
Soulignons d’emblée que l’intitulé ci-dessus pourrait faire l’objet d’une étude académique (mémoire, thèse, essai, article) ou tout simplement d’un court article, contrainte médiatique oblige. Sachant en outre que l’éducation nationale, comme toute entité publique, se caractérise par sa double complexité aussi bien organisationnelle que décisionnelle. Et c’est pourquoi nous appelons à une réflexion qui vise à relever certains dysfonctionnements dont souffre l’actuelle administration de l’éducation nationale. Les «experts» ont souvent marqué une pause, là où il le fallait ou quand c’était trop tard, pour dresser le(s) bilan(s), évidemment en vue de tirer la leçon et du coup mettre en place les régulations qui s’imposent, et que devrait aussi nous dicter la conjoncture actuelle, au sens global de l’expression.
En revanche, les discours en matière d’éducation et de formation, dont certains relèvent d’une littérature pure et simple, sorte de babil non problématisé accouchent dans la plupart des cas d’une souris : «Tous les systèmes éducatifs du monde connaissent une crise…».
Evidemment, la tradition orale, riche en enseignement et en sagesse, nous rappelle à l’ordre. Nous évoquons à
l’occasion le récit populaire relatant la célèbre réponse du mari à son épouse au sujet de la perte du burnous au souk: «Tu vois ma chère, toutes les personnes qui ont été au souk aujourd’hui ont perdu leur burnous», à lire : Toute personne ayant été au souk a perdu son burnous. Je suis une personne, donc j’ai perdu mon burnous. Beau syllogisme justifiant l’acte de la perte, belle métaphore de la crise. Tous les systèmes éducatifs de la planète sont en crise, il n’y a pas lieu de s’alarmer ! Revenons maintenant au sujet. Cet article est juste un point de vue étayé par trois notions non moins importantes dans le fonctionnement des organisations publiques.
Il s’agit en l’occurrence de la vocation, du pilotage et de l’éthique, en interrelation avec le concept de crise. Nous pouvons définir la vocation d’une organisation publique, comme sa principale mission ou finalité ultime. Evidemment à décliner selon une approche systémique en sous-missions, en ayant présent à l’esprit toutes les questions intelligentes : pourquoi? Pour qui? Comment ?....
L’une des composantes de la vocation réside dans la dimension curriculaire (quoi enseigner ?) d’où l’intérêt capital, pour ne pas dire l’urgence, vocable qu’il faudrait à notre avis bannir du répertoire éducatif, d’interroger les curriculums actuels au regard des défis de notre société et tant d’autres que nous imposent les mutations de l’environnement international. Si l’on réduit la finalité de l’éducation nationale au couple : éducation et formation, il est plus que jamais nécessaire de se positionner, en termes de valeurs, d’éthique, d’attitudes, de comportements, de postures attendues, au bout du parcours.
Nous laissons en suspens le débat sur le «comment?», question ô combien importante et décisive ! Sait-on poser les bonnes questions au savoir, sa constitution, son découpage, sa catégorisation, son organisation, sa transposition, et notamment sa pertinence? Nous pensons que non, et que notre ministère a raté l’épreuve de la vocation. Et quand on passe à côté de cette dernière, la question de la légitimité et de la crédibilité de l’institution scolaire ressurgit ! Les usagers (parents, élèves) n’ont plus confiance dans cette entité publique, cette dernière perdant ainsi ses lettres de créance. Rappelons que dans le secteur public, contrairement au privé, l’usager se caractérise par un statut spécifique : il est à la fois usager, électeur et contribuable. Usager, donc supposé être bénéficiaire d’un service public de qualité ; électeur, ce qui en principe lui confère l’opportunité de soutenir ou de sanctionner une politique publique, celle de l’éducation nationale dans le cas qui nous concerne ; contribuable, imposable, donc quelque peu «coactionnaire» dans le processus du financement de la chose publique… L’autre pendant de ce point de vue interpelle la notion de pilotage, c'est-à-dire prendre en main, diriger, accompagner la mise en place des programmes, missions, projets ou autres, de la finalisation en passant par la mise en œuvre jusqu’à l’évaluation des résultats obtenus, en termes d’efficacité, de performance, d’efficience et de pertinence. Or les diverses réformes du secteur de l’Education nationale se sont dans la plupart des cas soldées par un échec ; s’agit-il d’une carence en matière de gestion? Oui entre autres, mais aussi de vision, de stratégie… voire de sens !
Quelle école pour le Maroc d’aujourd’hui ? Une autre question sur laquelle il faudrait s’attarder davantage. Tout le monde attend avec impatience le bilan de ce fameux plan d’urgence : «Qu’est-ce qui a marché ? Qu’est-ce qui n’a pas marché ?». En effet, la bonne gouvernance qui réfère, entre autres, à l’obligation de rendre des comptes, avec ses corollaires constitutionnels de transparence, d’imputabilité et du «droit à l’information» s’inscrivent dans cette perspective d’évaluation des politiques publiques. En fait, trois logiques président à l’évaluation des politiques publiques : celle de l’économiste, consistant à justifier le rapport de l’input avec l’output, notamment sur le plan financier, celle du politique intéressé par l’impact d’un service public sur le
plan social, en ayant présent à l’esprit son électorat, et évidement les prochaines échéances, et enfin, la logique éthique s’interrogeant sur l’accomplissement et l’épanouissement des personnes, en termes de bien-être et de dignité.
Ce qui nous amène à nous interroger sur le fait de repenser l’école selon une certaine éthique. Mais que pouvons-nous mettre derrière cette vieille discipline philosophique ? Dans l’Antiquité, l’éthique était dominée par le concept de «vertu», aussi bien chez Socrate que chez Platon et Aristote. Ainsi, l’homme bon est celui qui réalise bien sa fonction. Notons qu’éducation et éthique semblent liées par essence, éduquer c’est valoriser et permettre  l’accomplissement d’une personne.
Ainsi pouvons-nous dire que l’éducation est une valeur, avec comme acception absolue, la dignité de toutes les personnes. Or, les incivilités (violence, injures…) observées récemment, et à tous les niveaux dans notre système
scolaire semblent s’inscrire loin des principes fondateurs d’une moralisation de la vie publique, symptôme d’une carence éthique, d’une certaine déontologie professionnelle essentiellement. Certaines postures arrogantes et malsaines nourrissent malheureusement une atmosphère démotivante et irresponsable. Et c’est bien dommage!


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