Droits de la femme : Les mauvais élèves en matière de parité et d’égalité


Sofia Aliamet
Samedi 13 Mars 2010

Droits de la femme : Les mauvais élèves en matière de parité et d’égalité
En ce début d’après-midi du lundi 8 mars, ce sont une cinquantaine de personnes qui ont bravé le froid glacial pour se réunir devant la médiathèque de la ville de Vénissieux afin de célébrer ce jour spécial dédié à la femme.
La ville située en banlieue sud de Lyon est connue pour être une « banlieue chaude », comme nous l’explique Françoise de l’Association « Femmes contre les intégrismes » : « La ville est tristement célèbre pour ses tours, et pour le communautarisme qui se répand chaque année davantage » tout en ajoutant :« Il ne faut pas oublier que c’est ici qu’ont eu lieu les premières émeutes urbaines conséquentes » en référence aux « étés chauds » des années 80 dans la tristement célèbre cité des Minguettes. C’est un fait, Vénissieux est le symbole de « la banlieue » française. Si le cœur de la ville a été rénové, les grandes artères redessinées par le nouveau tramway ne sauraient faire oublier les tours qui se dressent en arrière plan. Aujourd’hui, c’est un autre fait d’actualité qui place la ville sous les feux de la rampe. Là-bas, la burqa se banalise à vitesse grand V et nombreux sont les problèmes rencontrés dans les administrations lors de la régularisation des papiers d’identité. De plus, les idées rigoristes progressent dans les caves des tours reconverties pour l’occasion en lieux de culte musulman.
Néanmoins, communautarisme et burqa n’étaient pas à l’ordre du jour de ce 8 mars. Cette année, le thème retenu par les Nations unies pour l’évènement était « Droits égaux, opportunités égales et progrès pour tous ». L’occasion pour Michèle Picard, maire de Vénissieux, de rappeler qu’en la matière la France est loin d’être un exemple : «Il y a un paradoxe flagrant dans notre pays. Les résultats scolaires des femmes sont meilleurs et ces dernières suivent plus que les hommes les filières supérieures. Pourtant, elles sont moins présentes sur le marché du travail et pire encore, ce sont elles qui sont confrontées au temps partiel et au chômage». En effet, aujourd’hui la femme française est touchée de plein fouet par la paupérisation du travail. Sous couvert de «temps partiel choisi» pour élever les enfants, ce sont véritablement des horaires contraignants et des réductions de temps de travail qui sont imposées aux femmes. L’exemple le plus marquant est celui de la grande distribution. «70% des salariés qui travaillent dans le hard discount sont des femmes. Ça veut dire bas salaires, journées coupées en deux, difficultés pour la garde des enfants, bref une vie en miettes pour un Smic en toc», s’indigne Michèle Picard. Valérie, une jeune employée de la grande distribution, prend à son tour la parole pour expliquer sa situation. «Personnellement, je suis obligée de cumuler trois petits boulots pour obtenir l’équivalent d’un petit Smic». Et la maire de Vénissieux de rajouter : « C’est l’équation rêvée du patronat qui  n’est pas loin d’atteindre son objectif à travers un discours où on laisse entendre aux gens que si un salaire ne suffit pas, il faut aller s’adresser aux organismes sociaux ». Là réside en réalité le cœur du problème. Aujourd’hui, de plus en plus de femmes françaises se retrouvent en situation de précarité alors même qu’elles travaillent et disposent d’un salaire. Le rapport du Secours catholique est sans appel : 55% des personnes accueillies par l’association l’année dernière étaient des femmes. Les plus touchées par cette nouvelle pauvreté sont les moins de 25 ans et les plus de 50 ans. 53.5% des femmes reçues par le Secours catholique appartiennent à la première catégorie et disposent d’un niveau d’études supérieur à la moyenne, ce qui laisse quelque peu songeur sur les perspectives d’avenir offertes aux jeunes diplômées françaises.
Par ailleurs, la France est mauvais élève en matière de parité et d’égalité de traitement. On estime aujourd’hui que le revenu salarial des femmes est inférieur de 27% à celui des hommes, un chiffre qui s’élève à 31% dans le privé. «Plus on monte dans les professions et plus l’écart grandit !», déplore Michèle Picard, ajoutant qu’«il y a une véritable ségrégation par le métier, et le choix des filières ne peut pas tout expliquer ». C’est en réalité le maintien conscient ou inconscient d’un système patriarcal où la femme est cantonnée à certaines activités et n’a pas accès à  d’autres. » Preuve s’il en est, ces dernières ont moins accès à la formation continue et sont également quasi absentes des conseils d’administration des entreprises. Seulement 10.5% de femmes sont présentes dans les CA des entreprises cotées au CAC 40.
«Chaque coup porté au Code du travail comme le démantèlement des 35 heures, la légalisation du travail de nuit ou la remise en cause du CDI est un coup porté en premier lieu aux femmes», conclut ainsi la maire de Vénissieux sous les applaudissements des personnes présentes qui marquent le clap de fin de cette première partie de la journée de la femme.
Autre lieu, autre ambiance pour la partie débat. La salle du conseil municipal de l’hôtel de ville accueille au chaud les acteurs et les participants aux discussions. Najat Ikhich, la présidente de la Fondation marocaine YTTO pour les droits des femmes et des enfants, aurait dû être de la partie pour parler des droits de la femme  mais n’a pu être présente.
Ce seront donc les intervenantes au planning familial de Vénissieux qui entameront le débat sur la condition féminine par une rétrospective des combats menés et des droits acquis. « En 1920, le recours à la contraception et à l’avortement était interdit en France. En 1945, l’avortement était considéré comme un crime. En 1975, la loi Weil et l’autorisation de l’interdiction volontaire de grossesse marquent une étape, fondamentale dans l’avancée des droits de la femme », explique une jeune assistante sociale. Aujourd’hui, les Françaises font face à un autre problème : celui de la fermeture de centres de soin de proximité prévue par le plan santé de la ministre de la Santé Roselyne Bachelot. Ainsi, en 2008 un hôpital du centre lyonnais a été fermé et ses services dispersés. Or cet hôpital était le seul à proposer une pratique de l’IVG durant les deux mois de l’été. Grâce à la mobilisation associative locale le service a pu rouvrir ses portes rapidement au prix de luttes acharnées. « Quand le service fonctionne correctement, on décide de le délocaliser. Plus il y a de progrès de la médecine et moins il y a d’humanité… », s’indigne une jeune femme dans la salle. En effet, la lutte à mener aujourd’hui est celle contre la fermeture de centres de proximité pourtant nécessaires, car les femmes en situation de détresse le sont souvent dans l’urgence et la discrétion.
Une militante de l’Association «Femmes solidaires» explique : «L’année 2010 sera marquée par l’organisation d’une marche des femmes contre le viol. Cette année, sous la pression de certains pays européens, il y sera interdit de parler d’avortement. Quand les droits régressent dans un pays, ils régressent partout en Europe», déplore-t-elle en ajoutant : «Les femmes n’ont pas fini de se battre, il suffit de voir la mobilisation énorme qui a eu lieu à Madrid contre l’IVG».
Les intervenantes du planning familial rappellent, quant à elles, la nécessité que les hommes prennent également part à la planification familiale, notamment lors du choix du contraceptif. «La pilule n’est pas le contraceptif féminin et le préservatif masculin», explique la doctoresse du centre en soulignant l’importance de continuer la prévention dès la fin du collège et le début des années lycée.
Des droits oui, mais des droits qui reculent. Tel semble être le constat de ces femmes et de ces hommes réunis à Vénissieux ce jour-là. Dans un pays où l’on croit que les combats sont gagnés, il n’est pas rare de constater un recul des avancées que l’on prenait pour acquises. Droits du travail, planification familiale, sont autant de domaines sur lesquels des efforts restent à fournir, car l’on constate lentement mais sûrement une remise en cause de certains droits légitimes. Autre bataille à mener, celle de la lutte contre les tendances naturalistes qui visent à replacer la femme uniquement dans son rôle « inné » de mère.
Aujourd’hui encore, à Vénissieux comme partout ailleurs, l’égalité n’est pas un fait en soi, mais une lutte à mener quotidiennement que l’on soit homme ou femme.



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