Didier Reynders, ministre belge des Affaires extérieures, du Commerce extérieur et des Affaires européennes


LAHCEN AQARTIT
Dimanche 15 Avril 2012

L’Europe, une somme des résultats apportés à ses crises

Didier Reynders, ministre belge des Affaires extérieures, du Commerce extérieur et des Affaires européennes
«Je viens dans un pays qui fait aussi le lien entre plusieurs continents, un carrefour entre des langues, des cultures entre l’Orient, l’Occident, l’Europe, l’Afrique, l’Atlantique, la Méditerranée,…au cœur même d’une nation ancienne mais aussi très jeune; notamment je le vois encore ce soir à travers les personnes présentes et qui peut symboliser à merveille les opportunités de mondialisation et d’intégration économique et politique ». C’est en ces termes que le ministre belge des Affaires étrangères, du Commerce extérieur et des Affaires européennes Didier Reynders a initié son intervention lors de sa visite le 10 avril courant à HEM Rabat. Le ministre qui n’a pas manqué de saluer les ambassadeurs présents, a surtout rappelé sur un ton nostalgique le parcours commun avec le maire de la ville de Rabat Fathaallah Oualaalou, présent également, dans plusieurs structures et instances internationales. Et d’emblée, il s’est attaqué aux grands axes de sa communication intitulée “L’Europe en crise : fatalité ou opportunité?”
Et sans enchaînement, le conférencier s’est arrêté sur l’évolution européenne d’aujourd’hui  qui, selon lui, se construit de crise en crise. « Historiquement, ça a déjà été le cas à travers des élans successifs, dans tous les domaines, que ce soit les dramaturges grecs de l’Antiquité ou la Renaissance, la propagation des idées des Lumières, la révolution industrielle, aujourd’hui numérique, l’Europe, à chaque fois, a dû se réinventer et le renouveau d’idées, je dirais, basé sur les ruptures épistémologiques, parfois importantes, a permis à l’Europe de garantir à sa population un développement économique, social et culturel sans aucune comparaison dans le monde », soutient-il. Et d’ajouter : «Suite à deux guerres mondiales, qui ont marqué le 20ème siècle, les pères fondateurs comme on les appelle, de l’Union européenne ont eu l’idée géniale et d’une audace que seuls les jeunes esprits sont capables d’avoir, de créer une solidarité de fait au sein de la future Union européenne ».
Il s’agit, renchérit-il, d’une “construction heuristique par excellence, l’Union européenne s’est construite progressivement, et je le disais en réponse à des crises successives qu’elle a connues. D’une union économique au départ, l’Union européenne est devenue de plus en plus une union politique, même si le point de départ était très politique, la réconciliation franco-allemande après les conflits qui avaient malheureusement parsemé l’histoire de l’Europe. C’est devenu aussi progressivement une union politique avec des démarches de plus en plus intégrées comme l’avaient compris les dirigeants. L’Europe est la somme des résultats apportés à ses crises. Un sentiment de plus en plus largement répandu malheureusement s’est développé, c’est cette idée  qu’il y a une rupture entre l’Union européenne de Bruxelles et la réalité des citoyens; en Belgique nous en souffrons beaucoup.”
Et le ministre de s’adresser aux étudiants présents : “Vous avez l’occasion comme moi de regarder les chaînes de télévision d’autres pays européens que le mien, très souvent quand il y a une bonne décision, elle est nationale, quand il y a une décision plus délicate à faire passer dans la population en Europe, on dit qu’elle est prise par Bruxelles. Et donc Bruxelles a cette double caractéristique d’être notre capitale, régionale, nationale, européenne, mais d’être aussi perçue comme l’endroit bureaucratique où sont prises des décisions difficiles à faire comprendre à la population, alors que ce sont des Etats qui prennent ces décisions, mais ça fait partie du jeu politique.”
“Rien n’est plus faux, explique-t-il, d’autant plus qu’il y a un très grand nombre de simplifications dans la vie des citoyens qui ont été réalisées par l’Union européenne et qui permettent d’ailleurs de faire progresser la vie des citoyens au jour le jour. Je dirais d’ailleurs qu’on devrait mieux faire comprendre cette démarche.” L’Europe, pour Reynders, c’est d’abord la réconciliation franco-allemande, c’est progressivement l’extension de la paix. Aujourd’hui dans le monde, on sait ce que signifie la paix ou le conflit, c’est la paix sur l’ensemble d’un territoire qui s’est élargi au fil du temps, c’est aussi la démocratie qui s’est renforcée au fil du temps vers le Sud, des pays qui vivaient sous des régimes totalitaires (le Portugal, la Grèce l’Espagne… qui se sont ancrés dans la démocratie à travers l’Union européenne). L’on cite également la fin des années 80 et l’ouverture à l’Est avec la chute du Mur, l’ancrage dans la démocratie d’un certain nombre d’Etats qui vivaient sous des régimes totalitaires.
Donc, en Europe, c’est à la fois la paix, la démocratie; c’est aussi le développement économique, la création d’une monnaie pour un certain nombre de pays européens qui la partagent maintenant : l’euro, explique-t-il.
Quant  à la crise monétaire, Didier Reynders n’a pas hésité à reconnaître les erreurs des décideurs européens au point de les qualifier de péchés. «Je disais que l’une des réalisations récentes, les plus importantes, c’est la monnaie unique, qui a suscité ces derniers temps beaucoup d’inquiétudes, l’euro à travers la stabilité de l’ensemble de la zone qui porte son nom, la zone Euro et sa pérennité. Alors, je voudrais dire en quelques mots comment cette crise est vécue aujourd’hui en Europe : Nous avons commis un péché originel, il y a maintenant plus d’une dizaine d’années,  en créant l’euro. C’était en soi une très bonne idée, en créant une banque centrale européenne, c’était une deuxième très bonne idée, mais malheureusement en laissant les Etats gérer eux-mêmes leurs budgets de manière individuelle, ce qui fait aujourd’hui dans la zone euro, nous avons 17 Etats  qui gèrent chacun son budget, alors qu’il y a une politique monétaire de la banque centrale qui permet de gérer une seule monnaie en partage », explique-t-il.
Aujourd’hui, dit le ministre, on essaye de renforcer les budgets, la gouvernance et de mettre en place aussi la solidarité.
Et pour conclure, le ministre a insisté sur le renforcement de la gouvernance en Europe : «Nous n’avons pas de leçon à donner, on peut faire part d’une expérience; on a voulu renforcer cette gouvernance ces dernières années pour faire en sorte que les budgets soient mieux gérés, que l’on n’ait plus de déficit, qu’on ne laisse pas filer les endettements comme dans plusieurs Etats européens».


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