Des partis politiques ouvrent le débat sur l’avortement et appellent à l’adoption d’une loi-cadre : Paroles de femmes députées


Narjis Rerhaye
Jeudi 14 Juin 2012

L’avortement est-il une affaire politique ? C’est toute la question qui a plané mardi 12 juin lors d’un débat organisé à Rabat par l’Association marocaine de lutte contre l’avortement clandestin qui réunissait son 2ème congrès.  L’avortement clandestin est en tout cas une question qui embarrasse quelques-uns de ces partis qui ont préféré se faire porter pâles au débat de l’AMLAC. Les islamistes du PJD, leurs proches alliés de l’Istiqlal, le Mouvement populaire mais aussi le Rassemblement national des indépendants ont laissé ce 12 juin leurs chaises désespérément vides. «L’avortement clandestin n’est ni une question politique ni une affaire religieuse. C’est un drame social qui affecte des milliers de jeunes filles, de mineures, de femmes qui n’ont d’autres choix que d’y avoir recours en prenant le risque d’y laisser leur vie. C’est cela un avortement effectué hors du système de santé !», s’indigne une participante au congrès de l’AMLAC.
Des partis politiques ont fort heureusement accepté l’invitation de l’Association de lutte contre l’avortement clandestin. Des députées représentant l’Union socialiste des forces populaires, le PPS, le PAM ou encore l’Union constitutionnelle sont venues dire la position de leurs familles politiques respectives sur la question. Elles se sont aussi et surtout engagées à  réfléchir et à s’impliquer dans l’élaboration d’une proposition de loi visant à réglementer l’interruption médicale de grossesse et ont appelé à l’adoption d’une loi cadre.
Une loi existe, elle est particulièrement permissive et porte atteinte à la dignité de la Marocaine en plus de priver de liberté les professionnels de santé. Au Maroc, des médecins continuent d’être emprisonnés pour avoir procédé à un avortement. Des femmes en situation de grossesse non désirée meurent parce que victimes d’un avortement effectué dans des conditions sanitaires déplorables.

L’engagement de l’Union socialiste des forces populaires

Pour la première fois donc, des politiques acceptent de débattre d’un sujet hautement tabou, qui n’en finit pas d’être frappé du sceau du non-dit et voit défiler le bal des hypocrites. Des représentantes de formations politiques, appartenant à l’un des 8 groupes parlementaires de la Chambre des représentants, ont procédé à une prise de parole publique sur la question de l’avortement clandestin. «Une question complexe où les divergences idéologiques sont patentes mais qui nous dicte de nous écouter les uns les autres», prévient Khadija Rouissi, députée du Parti authenticité et modernité avant d’en appeler à l’ouverture d’un débat national qui réunirait partis politiques, société civile et hommes de religion adeptes d’un Ijtihad éclairé.
Le Parlement doit assumer ses responsabilités. Les femmes députées ont été unanimes dans la revendication. Le débat sur l’avortement doit investir l’institution législative et se tenir sous la Coupole. La révision de la loi actuellement en vigueur fait figure d’urgence, ont-elles toutes reconnu. Mais la loi relative à l’avortement n’est pas la seule qui doit être révisée.
D’autres, concernant elles aussi les femmes de ce pays, doivent faire l’objet de réforme, affirme la députée usfpéiste Khadija  Elyamlahi. «Le temps est venu de procéder à la révision du code de la famille et de la loi sur la nationalité. Le temps est venu aussi d’adopter une loi contre la violence faite aux femmes.  
Il est tout aussi urgent de réfléchir à la refonte du code pénal et d’harmoniser toutes ces lois, avec la constitution adoptée en juillet 2011. A l’USFP, nous disons qu’il faut une nouvelle loi régissant l’avortement. Nous demandons aussi  l’introduction de l’éducation sexuelle comme matière dans le cursus scolaire», soutient K. Elyamlahi. Cette députée l’admet : un seul débat, une seule rencontre ne suffiront pas à légiférer sur l’avortement. «En tout cas, l’Union socialiste des forces populaires s’engage à contribuer à l’élaboration d’une proposition de loi sur ce sujet», promet la parlementaire socialiste.
C’est par la porte de l’égalité que le PPS et sa députée et ancienne ministre de la Femme, Nouzha Skalli, s’engouffre dans le débat sur l’avortement clandestin tout en s’entourant de mille précautions, prônant l’avortement «comme dernier recours et sous conditions». Cette activiste des droits des femmes porte la parole de sa famille politique. «Nous haïssons l’avortement mais dans des cas extrêmes, des cas de détresse absolue, l’interruption d’une grossesse non désirée devient nécessaire.  Au PPS, nous nous prononçons pour l’avortement dans le cas de viols, de rapports sexuels incestueux, dans tous ces cas humanitaires impossibles à surmonter donnant à voir des filles mineures enceintes, exclues du giron familial et de la société. Bien sûr, des considérations morales et religieuses s’imposent à nous. Mais il nous faut pouvoir trouver des solutions à de tels cas. Des pays musulmans l’ont fait», fait remarquer N. Skalli.

Droit des femmes à disposer de leur corps

«Nous n’étions pas au courant. Mon parti ne savait pas que l’avortement clandestin provoquait tous ces drames», avoue Oum Al Banine Lahlou, députée de l’Union constitutionnelle. Pour cette élue de l’opposition, il faut plus de communication pour sensibiliser les politiques à cette problématique. «Mais Madame, je suis déjà venu au Parlement, j’y ai fait ma présentation. Seuls deux partis avaient alors accepté de m’écouter !», soupire le président de l’Association marocaine de lutte contre l’avortement clandestin.
En donnant la parole à la salle, Noureddine Ayouche en excellent modérateur de la séance, a quelque part pris le pouls d’une société entre modernité et conservatisme.  Un débat qui en dit long  sur la profondeur des divergences sur l’avortement, une question qui divise un peu partout et pas seulement au Maroc.
 Entre les activistes (des médecins voilées) d’une toute nouvelle association défendant le droit à la vie et résolument contre toute interruption de grossesse et les jeunes du mouvement MALI, fervents avocats du droit des femmes à disposer de leurs corps, les débats à venir s’annoncent houleux.


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