Des intervenants suisses mettent en exergue l’importance du Maroc pour le SIFEM

Le Fonds public suisse est engagé dans le capital de 16 entreprises marocaines


Alain Bouithy
Lundi 6 Décembre 2021

Des intervenants suisses mettent en exergue l’importance du Maroc pour le SIFEM
L’investissement d’impact connaît depuis quelques années un essor remarquable dans bien de pays pauvres et émergents. Et malgré la crise de la Covid-19, qui réduit les capacités d’échanger et isole les économies et les entrepreneurs, il poursuit sur sa lancée.

L’investissement d’impact, qui exige une incidence sociale et environnementale positive et une bonne gouvernance, était au centre d’une conférence tenue récemment à l’Académie du Royaume du Maroc à Rabat et placée sous le thème «L’investissement d’impact poursuit son action dans la crise».

S’inscrivant dans le cadre des célébrations du centenaire de la présence diplomatique de la Suisse au Maroc, cette rencontre était organisée par l’Académie du Royaume du Maroc, en partenariat avec l’Académie Hassan II des sciences et techniques et l’ambassade de Suisse à Rabat. L’occasion pour l’ambassadeur de Suisse au Maroc, Guillaume Scheurer, de souligner le rôle du Fonds d’investissement suisse pour les marchés émergents (SIFEM) pour des économies émergentes comme le Maroc.

Profitant de l’occasion de son intervention, il a ainsi déclaré que «le SIFEM effectue d’importants investissements qui, outre leur dimension financière, incluent une valeur ajoutée supplémentaire : des transferts de savoir-faire et d’assistance technique aux gestionnaires de fonds et aux entreprises du portefeuille».

Le diplomate suisse a également indiqué que «ce savoir-faire se retrouve ensuite directement dans les petites et moyennes entreprises locales à haut potentiel» qui, en l’exploitant, peuvent alors participer durablement à la croissance et à l’économie nationale.
Pour le premier citoyen suisse du Maroc, le SIFEM est un outil crucial qui permet à son pays de «jouer pleinement son rôle d’acteur responsable au service du développement durable, qu’il soit économique, financier, scientifique ou sociétal», a-t-il relevé dans son allocution de circonstance.

Comme le suggère le thème de la conférence, animée par Jörg Frieden, président du Conseil d’administration du SIFEM, la crise actuelle n’a pas empêché l’investissement d’impact de poursuivre son action. C’est notamment vrai pour le Maroc où le Fonds helvétique s’est engagé dans le capital de 16 entreprises à travers un partenaire local, AfricInvest.

Il faut dire que le Maroc est un pays important pour le SIFEM. «Un pays dans lequel nous avons le plus d’engagements», a affirmé l’ancien ambassadeur de Suisse au Népal (et par ailleurs délégué international d’Helvetas Swiss intercooperation depuis 2018) soulignant que le modèle du Fonds suisse consiste à prendre des prises de participation sur 6, 7 ou 8 ans et parfois plus. Avant de les vendre plus tard, «lorsque les entreprises auront acquis de la valeur», a expliqué le conférencier estimant ainsi que «nous sommes de vrais partenaires de la croissance».

Evaluant les activités du Fonds en Afrique du Nord au cours des dix dernières années, Jörg Frieden a d’emblée indiqué qu’il existe des opérateurs sérieux et engagés dans les pays en développement qui obtiennent d’excellents «résultats tout en respectant des critères environnementaux et sociaux de haut standing».

Le problème, c’est que «la perception du risque dans nos marchés financiers n’inclut pas cette vérité et c’est peut-être pourquoi il est l’un des résultats les plus importants à transmettre aux partenaires qui disposent de milliards de fonds qui pourraient s’engager au moins un peu», a-t-il poursuivi.

Prenant le cas du Maroc, Jörg Frieden a annoncé qu’e le premier groupe d’entreprises marocaines dans lesquelles le SIFEM a investi il y a de cela 15 ans, «avant de se dégager par la suite se porte bien».

Par ailleurs, «il est important de savoir que certaines entreprises de l’Afrique du Nord dans lesquelles nous investissons contribuent au développement de l’Afrique subsaharienne par leurs activités», a-t-il fait savoir.

En ce qui concerne les impacts de la pandémie sur l’action du fonds, bien que se voulant rassurant, l’ancien directeur exécutif de la Suisse au sein du groupe de la Banque mondiale (entre 2011 et 2016) a concédé : «La crise nous touche parce qu’elle réduit nos capacités de rencontrer des personnes, réduit la capacité d’échanger et risque aussi d’isoler les entrepreneurs lorsqu’ils auront le plus besoin de contacts et de relations».

Qu’à cela ne tienne, le SIFEM tente tant bien que mal de construire un pont entre les économies qui s’éloignent et surtout entre les personnes qui sont engagées dans la même direction.

Un défi pas toujours facile à relever du fait des forces qui divisent l’économie mondiale et rendent les relations et les échanges internationaux plus compliqués. A commencer par les tensions politiques qui se sont accentuées au cours des dernières années.

Jörg Frieden, qui a par ailleurs occupé divers postes au sein du Département fédéral des Affaires étrangères, pointe notamment du doigt «les influences et la perception des risques encourus par les investisseurs transfrontaliers ainsi que la capacité des institutions bilatérales de geler les problèmes globaux dans l’intérêt commun ».

Le conférencier fait également allusion à la lutte d’influence entre la Chine et les Etats-Unis autour des valeurs occidentales, par exemple, qui bloquent «tout progrès significatif dans la gestion de la dette extérieure des pays en développement et imposent aux pays un choix impossible entre, d’un côté, la construction et l’extension d’infrastructures de base et la promotion d’entreprises de l’autre, lorsque de manière assez évidente les deux choses devraient converger et être complémentaires».

En plus des foyers de conflits dans certaines parties d’Afrique, «il y a un réflexe de repliement sur soi qui sert les tensions actuelles. Ce qui n’est pas bon pour l’économie locale», a-t-il fait remarquer. Et même en Europe, il n’y a pas que de l’harmonie. Puisque «des tensions importantes, et la Suisse n’y échappe pas totalement, rendent plus difficile l’action unie européenne en faveur du développement et favorisent là aussi un repli et la recherche de solutions nationales ou de blocs par rapport aux solutions globales».

A cela s’ajoute une perception globale très négative de la globalisation qui se traduit par «un rejet sommaire de ce qui a été acquis durant ces trente dernières années grâce à l’intervention des économies nationales», a ajouté Jörg Frieden. Sans oublier de mentionner également les réponses divergentes à la crise climatique qui comportent aussi des difficultés accrues dans la collaboration économique et internationale.

Des intervenants suisses mettent en exergue l’importance du Maroc pour le SIFEM
«L’idéal de la solidarité internationale dans un intérêt commun s’en est sorti affaibli rendant plus difficile le déploiement au développement des fonds économiques», a-t-il déploré notant ainsi que «l’incertitude dans laquelle nous opérons rend plus difficile l’investissement étranger dans les pays en développement en général».

Mais à défaut d’augmenter le volume des capitaux, «nous avons quand même maintenu nos investissements annuels à leur niveau habituel de 100 millions de dollars, considérant notre engagement de rester dans les pays émergents, même quand le contexte devient difficile, utile», a déclaré Dr. Jörg Frieden.

Sur l’impact de la crise sanitaire sur l’action du SIFEM et des institutions financières en général au Maroc, Jörg Frieden a noté : «Le Maroc a considérablement souffert l’année passée, malgré une très bonne année agricole. Tout comme notre pays aussi, mais un peu moins parce que l’Etat était capable de mobiliser des fonds additionnels que le Maroc n’avait pas».

Cela dit, la stratégie contre la pandémie que «le Maroc a réussi à établir est un facteur qui parle aujourd’hui en sa faveur lorsqu’il s’agit de reconstruire, tandis que bon nombre de pays sont dans des situations bien plus difficiles, il n’y a qu’à voir ce qui se passe malheureusement au Sud de l’Afrique».

Commentant les bons résultats du SIFEM dans l’ensemble, le conférencier a estimé pour autant qu’ils «ne signifient pas que ses activités ont toujours été faciles ou même que l’avenir du Fonds et son impact soient garantis».

En effet, «nous sommes confrontés à des défis sérieux. Certains sont inévitablement liés à nos instruments et à notre mission, d’autres au fait des particularités de la situation actuelle : les conséquences de la pandémie et les demandes pressantes de nos mandateurs politiques».

Qu’à cela ne tienne, les préoccupations du SIFEM sont plutôt ailleurs. Explications : «Si la situation des entreprises des économies émergentes dont nous sommes directement actionnaires ne s’améliore pas au cours des trois prochaines années, nous serions en difficulté et nous ne pourrions plus démontrer qu’il est possible d’obtenir rendement, résultat et développement en même temps. Nous manquerions ainsi un objectif central de notre action», a-t-il lancé sans toutefois verser dans le pessimisme.

Et pour cause, Jörg Frieden est persuadé que «si le SIFEM et d’autres institutions en développement, qui continuent à investir en période de crise, sortent indemnes de cette phase critique, d’autres acteurs institutionnels, par exemple des fonds de pension, pourraient être encouragés à suivre et engager dans les pays émergents au moins une partie de fonds dont ils ont la responsabilité».

C’est en tout cas son vœu le plus cher, car «le SIFEM ne pourra améliorer ses contributions au développement des pays à bas revenu qu’en combinant son action avec celle d’autres acteurs de la coopération au développement capables de promouvoir de l’assistance technique, une extension des marchés et, dans une certaine mesure, de garantir le développement», a-t-il soutenu.

Soulignons que lors de son exposé, le conférencier a, par ailleurs, relevé que l’accélération de la transformation technologique reste finalement le vrai défi de l’intégration globale et de la participation des pays émergents au bien-être.

«La force majeure qui pourrait le plus influencer le maintien ou le dépassement d’une économie globale qui intègre de manière prometteuse les pays émergents et en développement est toutefois la profonde transformation en cours de modes de production et de consommation dans les pays en développement».

Selon lui, la pandémie accélère le mouvement qui était déjà en cours vers la matérialisation et la délocalisation de nombreuses activités tant au niveau industriel que dans celui des services. D’après lui, «l’investissement privé s’est porté massivement sur les secteurs capables d’évoluer tant dans le domaine numérique que celui de la chimie ou de la santé».

Avant de conclure : «Nous voulons continuer à jouer avec d’autres acteurs ce rôle dans l’espoir de mobiliser un volume suffisant de capitaux privés qui permettent de colmater la brèche qui se creuse».

Alain Bouithy

Lire également :  Dr. Jörg Frieden : le Maroc offre de réelles opportunités en matière d’investissement d’impact

 


​ILS ONT DIT:

SE. Guillaume Scheurer, l’Ambassadeur de Suisse au Maroc

« La Suisse dispose d’une économie compétitive qui créé des produits de qualité et à haute-valeur ajoutée. Elle dispose également d’une place financière intègre qui offre des solutions attractives à ses partenaires marocains. Enfin, elle cherche à partager son expérience et à soutenir ses partenaires.
Et c’est précisément ce que fait que le SIFEM, le Fonds d’investissement suisse pour les marchés émergents, dont M. Frieden est le Président, ici au Maroc, en Afrique du Nord et partout ailleurs dans le monde ».

Omar Fassi-Fehri, secrétaire perpétuel de l’Académie Hassan II des sciences et techniques

«Au Maroc, la réaction à la crise pandémique menée sous la conduite de Sa Majesté le Roi fut anticipative, pratique et globale. Ceci étant, le coût humain et social dû à cette pandémie est important même si son impact sur les équilibres externes est resté maitrisé et que la campagne notamment de vaccination de la population est exemplaire.
Pour toutes ces raisons nous étions impatients d’écouter le Dr Jörg Frieden pour nous dire quels sont les résultats et les expériences vécues sur le SIFEM, à l’occasion du traitement de cette crise ».


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