Des "dégâts considérables" ont été infligés au site de Babylone par les troupes américaines et leurs sous-traitants, selon le rapport final d'évaluation présenté jeudi à Paris par l'UNESCO, l'agence culturelle de l'ONU, qui compte faire inscrire d'ici deux ans la cité antique au Patrimoine mondial de l'humanité. Entre 2003 et 2004, au début de l'intervention américaine en Irak, les forces de la coalition avaient installé leur base sur le site archéologique situé à 90km au sud de la capitale, Bagdad. La capitale de Nabuchodonosor, qui y avait fait construire les fameux jardins suspendus, l'une des "sept merveilles du monde" dans l'Antiquité, était devenue le "camp Alpha". Autant établir un "camp militaire autour de la Grande pyramide en Egypte", avait déjà dénoncé en 2005 un rapport du British Museum, rappelle l'UNESCO, l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture. Les troupes américaines et les entreprises privées travaillant avec le Pentagone, en particulier KBR, alors filiale de Halliburton, ont creusé des tranchées de plusieurs centaines de mètres au milieu des vestiges, utilisé des bulldozers et fait rouler des chars pesants sur les fragiles pavés du chemin de procession, autrefois sacré. Le rapport final, élaboré par le sous-comité sur Babylone du Comité international de coordination pour la sauvegarde du patrimoine culturel de l'Irak de l'UNESCO (ICC-Irak), "établit une description des dégâts qui fait l'objet d'un accord international". Il constate que "la ville archéologique a subi d'importants dégâts dus à des travaux de creusement, percement, arasement et nivelage", selon l'UNESCO. Parmi les principales structures endommagées "figurent la porte d'Ishtar et le chemin de procession". L'archéologue John Curtis du British Museum a inspecté le site en 2004 juste avant que les soldats américains ne le restituent au Conseil des antiquités et du patrimoine irakien (SBAH) face à l'indignation internationale. D'après lui, neuf des dragons sculptés dans la porte d'Ishtar, vieille de 2.600 ans, ont été vandalisés par des pillards quand le site était sous contrôle des Américains.
Site archéologique depuis 1935, la capitale des rois Hammourabi et Nabuchodonosor, cité vieille de 4.000 ans, a subi nombre d'outrages à travers le temps. Au XIXe siècle, les archéologues européens avaient arraché des murs nombre des plus célèbres oeuvres, encore visibles aujourd'hui dans des musées du Vieux continent. Le rapport se conclut sur plusieurs recommandations pour la protection et la restauration du site en vue d'une inscription de Babylone au Patrimoine mondial de l'humanité "d'ici deux ans peut-être bien".