De grâce, ne compromettons pas une nouvelle fois le passage à la démocratie !


Par Ali Bouabid
Samedi 28 Mai 2011

De grâce, ne compromettons pas une nouvelle fois le passage à la démocratie !
Le discours du 9 mars préfigure-t-il une nouvelle ère ? Je le crois sincèrement. L’aspiration des Marocains à plus de dignité, de justice et de liberté n’a jamais été aussi forte et a besoin de s’incarner dans un mode de gouvernance plus respectueux des règles élémentaires d’une démocratie. Mais simultanément, nous mesurons bien combien cet espoir est aujourd’hui fragile, exposé qu’il est à des risques de convulsions qui menacent de compromettre la construction démocratique dans son ensemble. C’est bien là le propre de toute logique de transition dont le pilotage constitue un enjeu crucial. Comment va-t-on procéder ? qui ? Et comment ?… deviennent les questions essentielles à l’aune desquelles se mesurera la crédibilité du processus engagé.
De ce point de vue, on observe que l’effervescence qui irradie la société marocaine acquiert une nouvelle dimension : à une défiance latente et passive entre les citoyens et leurs institutions, qui marquait la période antérieure au 20 février, succèdent des formes publiques d’expressions protestataires mêlant espoir, exaspération et ressentiment. L’espace public est devenu le lieu d’une contestation permanente qui s’exprime dans la rue mais aussi au sein des administrations et services publics. Y voisinent dans la confusion, des démocrates sincères, des professionnels de la contestation, des porteurs de revendications catégorielles et la mouvance obscurantiste. Cette situation ébranle tous les acteurs. L’Etat semble débordé, ne parvenant plus à faire prévaloir l’autorité légitime dont il est dépositaire autrement que sur un mode autoritaire ! Son autorité est mise à l’épreuve quotidiennement dans la rue comme dans les services publics. Les organisations politiques et syndicales déjà affaiblies par le climat de défiance peinent à trouver la bonne posture et sont secouées de intérieur.
Le climat de défiance envers les institutions doit nous inciter à redoubler de vigilance
Singulier paradoxe que celui qui conduit à observer un climat délétère, inédit dans ses formes d’expression, succéder au discours prometteur du 9 mars ! Tout se passe comme si nul ne parvenait à se placer dans la perspective d’un temps prometteur ! Nulle institution ne semble en mesure d’agréger ce mécontentement et offrir une perspective mobilisatrice par la voix de la persuasion, de l’adhésion …. ! Du coup, en pareille situation de forte incertitude, le spectre d’un retour aux bonnes vieilles méthodes répressives n’est jamais loin car il rassure ! Il n’en dit pas moins quelque chose de la fragilité du processus. Pour y échapper, il convient dans le contexte de défiance actuel de veiller à ce que l’adhésion affichée aux finalités exprimées en matière de démocratisation soit adossée à un mode opératoire. Le pilotage de la transition devenant un réducteur d’incertitude et un levier de crédibilisation des finalités affichées. Traduction. Partant du postulat communément admis que la démocratie est un processus à maturation lente, la finalité du processus annoncé de réformes vise à installer de manière tangible, déterminée et définitive le processus démocratique sur les rails. Comment ? En gravant dans le marbre de la Constitution des principes, des règles et des garanties qui en favorisent la mise en œuvre. A charge pour les acteurs de donner la mesure de leur capacité à faire vivre politiquement ce cadre institutionnel rénové.
Reste que nous savons que l’énoncé des finalités n’équivaut pas forcément à un acte de foi. En tout cas, il ne suffit pas à lever le doute sur le bénéfice accordé aux acteurs qui ont applaudi le discours royal. Autrement dit, outre le texte constitutionnel qui sera soumis à référendum, ce qui importe, c’est la méthode de concertation et l’agenda qui l’accompagne. De ce point de vue, Il me semble que si le discours du 9 mars autorise un accord sur les finalités démocratiques du processus dans ses premières étapes, l’agenda retenu est discutable dans ses présupposés et ses motivations premières, au point d’inoculer le doute sur ses motivations réelles.
Des élections anticipées équivalent à une fuite en avant et ne résoudront rien
Rappel des faits. On « informe » les membres de la commission de « suivi » de la réforme constitutionnelle, qui se réunit pour la deuxième fois, de l’agenda du référendum et des élections après avoir présenté des éléments d’appréciation de la situation politique. La lecture est en résumé la suivante : Le processus de réformes engagées est menacé et doit être protégé. Il y aurait au Maroc deux camps porteurs de deux projets ; le camp des démocrates, et celui des extrémistes radicaux qui manipulent les mouvements de contestation et constituent la vraie menace. Cette situation exigerait une accélération de la cadence des réformes : Le gouvernement actuel superviserait, le référendum début juillet et des élections anticipées début octobre 2011. La Chambre des conseillers quant à elle ne serait renouvelée qu’en 2012.
Cette lecture binaire sans nuance, adossée dans une même séquence à cet agenda, ne manque pas de surprendre tant dans ses présupposés péremptoires que dans ses motivations. On présuppose d’abord que le référendum est déjà joué ! Que tous les « démocrates » évidemment majoritaires, vont voter « oui » comme un seul homme, et vont activement participer aux élections prochaines ! Et là encore on ne doute de rien, ou plus vraisemblablement on prend le risque du doute ! Ensuite, on s’autoproclame porteur du référentiel démocratique quand les Marocains attendent précisément que l’Etat en fasse la démonstration par des actes. Car nul n’ignore que si les adeptes d’un référentiel radical sont aisément repérables, les imposteurs de la démocratie sont trop nombreux et trop influents au sein de l’Etat comme des partis pour nous dispenser d’une lecture plus nuancée ! La démocratie est une œuvre collective et ne se construit pas de manière unilatérale par « l’information ». S’agissant des motivations qui fondent l’approche et l’agenda. On relèvera qu’il est difficile de ne pas établir de lien entre la lecture qui est faite de la situation politique et la réponse qui y est apportée à travers le référendum et les élections anticipées. Autrement dit, on fonde une décision stratégique qui engage l’avenir du projet démocratique sur des éléments d’appréciation de la conjoncture politique ! Il semble que ce soit là, la motivation première qui commande l’agenda présenté. Sauf que l’on peine à comprendre par quel raisonnement l’agenda constitue une réponse non seulement au climat de tensions que nous connaissons, mais plus encore à l’impasse politico-institutionnelle à l’origine du projet de réforme constitutionnelle. En d’autres termes, en quoi des élections anticipées, préparées dans la précipitation par un gouvernement affaibli sont-elles de nature non pas tant à répondre aux attentes et à la crise de défiance envers les institutions, mais à susciter une mobilisation autour d’une nouvelle réalité politique ? Qu’on m’en excuse, je ne puis me rallier à cette thèse qu’au prix d’un sérieux malentendu !
L’instauration de la confiance entre citoyens et les institutions est l’urgence de l’heure
On confond allègrement l’urgence d’installer un climat de confiance avec la précipitation dans l’organisation des élections ! Convenons-en, cette approche n’est soutenable qu’au prix d’une reproduction de la réalité politique d’aujourd’hui ! En apparence plus « sécurisante » pour les partisans du statu quo, elle ne le serait au mieux que conjoncturellement, compromettant sérieusement les espoirs placés dans le discours du Roi et dans les mouvements de la rue !
Or, Il est sans doute des approches plus sécurisantes pour le processus démocratique et le système politique dans son ensemble que l’intérêt national nous enjoint d’envisager pour répondre à l’urgence, tout en œuvrant à l’instauration d’une confiance minimale qui ne se décrète pas mais exige des décisions audacieuses et fortes qui sont autant de gages de la sincérité des motivations. C’est là que se situe l’urgence ! Elle est dans une phase de transition qui préparerait dans la sérénité mais la détermination les esprits et les textes à une nouvelle ère politique que doit préfigurer la réforme constitutionnelle. C’est pourquoi j’incline pour ma part en faveur d’une telle formule de transition, seule à même de crédibiliser de manière ferme mais impartiale, aux yeux d’une opinion désabusée, le passage à la démocratie, tout en ménageant le temps nécessaire à une maturation politique préalable à l’entrée en fonction des institutions. Faire l’impasse sur une période de transition revient à banaliser la portée politique de l’ère nouvelle que nous appelons de nos vœux ! Quel gâchis !
*Membre du Bureau politique de l’USFP


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1.Posté par Pierre Grousset le 29/05/2011 08:39
Aspirer à la démocratie est un droit de tous les peuples mais il faudrait expliquer aux citoyens que le droit de chacun s'arrête ou commence celui des autres:exemple:hier soir en rentrant de promenade nous nous arrêtons à un passage piétons pour laisser passer une dame et ses trois enfants...résultat:coups de klaxon,gestes de colère du conducteur,et finalement il déboite et double en trombe en frolant de trés prés tout le monde,intolérable!!!!! un jeune direz vous et bien non:un homme d'un certain age apparament trés religieux d'aprés la déco de sa voiture et ses habits!!! A méditer!!!!!!!

2.Posté par IDRISSI le 30/05/2011 05:58
L ' analyse de Ali Bouabid démontre la maturité politique de l 'USFP . En effet , Le Maroc est à un tournant historique que certains aimeraient stopper pour des raisons que l ' on devine aisément .La situation exige un comportement citoyen et responsable pour l ' accomplissement des aspirations démocratiques et légitimes auxquels ont droit les marocains . Abderrazak IDRISSIIle de La Réunion .

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