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Il s’agit d’une centrale électrique constituée de deux unités de production fonctionnant au charbon, d’une puissance de plus de 1.320 MW avec un investissement de plus de 3 milliards de dollars, soit environ 20 milliards de DH.
Située à Jorf Lihoudi, à 2 km au sud de Safi et non loin des installations de l’Office chérifien des phosphates (OCP), la mégastructure compte produire près de 10 milliards de KWh par an, soit 27% de la demande globale du pays qui connaît une forte croissance estimée entre 7% à 8% par an.
Pourtant, le choix de la construction de ce nouveau site suscite une certaine incompréhension et un doute chez nombre de Safiots, notamment dans un contexte national et international où on préconise la diminution de l’émanation de dioxyde de carbone et le développement des énergies renouvelables.
Ils s’interrogent sur le choix du charbon sachant que si l'utilisation de ce dernier, notamment dans les centrales électriques, a fait et continue à faire des progrès énormes en matière de réduction des émissions de polluants tels que le soufre, les oxydes d'azote et les particules fines, il n’en demeure pas moins que rien ou presque n'a changé en matière d'émission de gaz à effet de serre. Une centrale au charbon actuelle émet sensiblement moins de CO2 par KWH produit qu'une ancienne (du fait du meilleur rendement) mais deux fois plus qu'une centrale au gaz. Entre 2002 et 2025, les émissions de CO2 liées au charbon devraient augmenter de 60 %.
Les Safiots redoutent le pire. En effet, la mise en service de la nouvelle centrale nécessitera, selon certaines sources, 9.220 tonnes de charbon par jour, soit 3.300.000 t/an, ce qui va provoquer en une année le rejet de près de 8.580.000 tonnes de CO2, 5.280 de NOx, 1.188 tonnes de SOx et 28 de tonnes de métaux lourds. Plus grave, ces déchets ne seront pas retraités, ou très peu, et seront en grande partie rejetés dans l’atmosphère.
Les habitants de Safi ne croient pas à l’argument selon lequel le nouveau site va utiliser du charbon propre. Ils estiment que « le charbon propre n'existe pas et reste un leurre ». Preuve scientifique à l’appui, ils affirment que les experts en chimie de l’environnement confirment qu’au jour d’aujourd’hui, ni la captation ni la rétention du CO2 ne sont maîtrisées.
« Si le charbon est tellement propre comme ils disent, pourquoi ne pas construire ce genre de centrale à Agadir ou à Marrakech ? N'importe quel économiste vous dira que c'est plus rationnel. Chacune de ces deux villes ont plus besoin d'énergie que les provinces de Doukkala et Abda réunies », s’est interrogé un internaute safiot.
Même son de cloche de cet autre internaute qui s’est demandé pourquoi opter pour une centrale thermique alors qu’un programme éolien produirait deux fois plus d'électricité et créerait près de 5 fois plus d'emplois. D’autant plus que le Maroc dispose de gisements importants en énergies renouvelables, notamment le solaire et l’éolien en particulier au niveau des zones côtières longues de 3.500 km.
Pour Mohamed Benjelloun, expert international en environnement et développement, le projet d’une centrale thermique ne pose pas de problème, mais la vraie question réside dans l’utilisation du combustible charbon. « Je me demande si ce choix est compatible avec les engagements du Maroc en matière de protection de l’environnement. Où sont passées les recommandations des protocoles de Kyoto, de Copenhague et celles de la Charte nationale de l’environnement ? ». Il a rappelé qu’il y avait un engagement de démanteler ces centrales thermiques d’ici 2050.
M. Benjelloun a expliqué que « la pollution générée par l'utilisation du charbon se manifeste à deux niveaux : il y a la pollution locale (rejets de poussières, de suies, d'oxydes de soufre et d'azote), qui est constatée à proximité des centrales, et la pollution globale, liée aux rejets de CO2 ».
Cette pollution est responsable, selon notre interlocuteur, des conséquences majeures sur l’agriculture, la faune et la flore marine ainsi que sur la santé de milliers de personnes. Elle est à l’origine des allergies et maladies respiratoires (bronchiolite chez l’enfant, asthme, emphysème, bronchite chronique), des risques non négligeables de cancer des poumons et des maladies cardiovasculaires. « Safi est déjà une ville fortement polluée. La construction de cette centrale thermique va sûrement aggraver la situation », a-t-il conclu.
De son côté, Youssef Khlidi, président de l’Association Karting, a estimé que l’ONE a mis les Safiots devant le fait accompli et que le projet a été conçu et décidé sans consultations des citoyens, ni l’organisation d’un référendum alors qu’il engage l’avenir des générations futures. « L’ONE a annoncé la construction de cette centrale comme un acquis alors qu’aucune consultation publique en bonne et due forme n'a été tenue pour demander aux citoyens si c'est vraiment ce genre de projet qu'ils souhaitent en vue de faire prospérer notre région sur les plans économique et touristique », s’est désolé un internaute safiot.
Le président de l’Association Karting croit que le retour du charbon sera un désastre et craint ses effets négatifs sur le secteur touristique et économique. A ce propos, il s’est posé de nombreuses questions : où sont passés les investissements touristiques prévus par une société espagnole dans la région ? La nouvelle centrale va-t-elle faire peur aux capitaux étrangers qui veulent investir dans le tourisme ? . Et de poursuivre : « Safi est au bord d’un désastre écologique sans précédent. Il y a urgence, sans quoi les conséquences seraient encore plus lourdes si l’Etat n'agit pas maintenant ».
Encadré
Les différentes pollutions qui menacent la ville :
La pollution chimique :
La pollution chimique est due à des produits toxiques qui pénètrent dans le sol pour atteindre les eaux souterraines, ou directement un cours d’eau. Elle peut être provoquée par le rejet de métaux lourds (cadmium, mercure, plomb …) ou d’autres substances dont les sources sont l’industrie, l’agriculture ou les décharges de déchets domestiques ou industriels.
Certaines substances toxiques, déversées dans un cours d'eau, peuvent avoir des conséquences immédiates sur les êtres vivants. D’autres peuvent pénétrer dans les chaînes alimentaires. C'est le phénomène de la bioamplification. Une faible partie de ces substances est évacuée par excrétion, mais le reste s'accumule dans certains organes (foie, muscles, graisse...) des poissons herbivores. Ceux-ci sont mangés par les poissons et les oiseaux carnivores, qui sont contaminés à leur tour, concentrant encore davantage les substances toxiques.
Les espèces qui se trouvent au niveau supérieur de la chaîne alimentaire, y compris l'homme, sont ainsi exposées à des teneurs en substances toxiques beaucoup plus élevées que celles qui se trouvent au départ dans l'eau.
La pollution organique :
La pollution organique est due au rejet d’eaux usées ou d’eaux riches en déchets provenant des industries agro-alimentaires. Ces matières seront dégradées par des bactéries qui, pour ce faire, vont consommer beaucoup d’oxygène. La diminution de la concentration en dioxygène, peut provoquer la mort de nombreux animaux aquatiques.
La présence excessive de phosphates et de nitrates dans l’eau (liée à l’activité agricole) provoque un développement intensif des plantes aquatiques dont le développement nécessite également beaucoup d’oxygène. Ceci rend impossible la vie des autres organismes aquatiques. Ce phénomène est appelé eutrophie.
La pollution thermique :
Dans de nombreux procédés industriels, la chaleur doit être rejetée. Pour ce faire, les usines font passer de l'eau d'un cours d'eau voisin à l'intérieur de l'usine afin de refroidir les différentes machines. L'eau est ensuite rejetée dans le cours d'eau à 60, 70 voire 80°C. C'est ce que l'on appelle la pollution thermique.
La destruction de la faune et de la flore locale est incontestable. De plus les réactions chimiques, et en particulier les fermentations, s'accélèrent. L'oxygène utilisé dans les réactions de fermentation disparaît. Beaucoup d'organismes en meurent suite à cette disparition.