Driss Lachguar : La question féminine est d’une importance capitale au regard de la situation actuelle et des régressions enregistrées sous le gouvernement Benkirane
Khadija El Qariani : Volonté des forces conservatrices d’instaurer une culture
politique basée sur le populisme et l’instrumentalisation du sacré en vue de masquer les échecs de leur gestion de la chose publique
Le VIIème Congrès des femmes ittihadies a été couronné de succès. Au lieu de prendre fin le dimanche comme prévu par les organisateurs, ses travaux l’ont été durant la nuit de samedi à dimanche par l’élection des membres du Conseil national et l’approbation de la déclaration finale.
Le sens de responsabilité, le débat productif et le consensus entre les congressistes ont marqué profondément les travaux de ce congrès tenu au complexe de La Maâmora sous le thème « L’Etat de droit, pilier pour une citoyenneté pleine et entière ». Cette atmosphère explique pourquoi tous les projets et résolutions soumis aux congressistes ont été approuvés soit à l’unanimité soit à une large majorité.
A titre d’exemple, les congressistes ont décidé à l’unanimité d’augmenter le nombre des membres du Conseil national. Le règlement le fixe à 169, mais lorsque la commission de dépouillement a présenté une liste contenant 183 noms (76 choisis soit au niveau régional soit au niveau provincial, alors que le reste a été élu au niveau national), les congressistes l’ont ratifiée sans recourir aux urnes. Les congressistes ont également approuvé à une large majorité le rapport moral présenté par l’ex-secrétaire nationale des femmes ittihadies, Khadija Qarniani, ainsi que le rapport financier.
Le Conseil national nouvellement élu tiendra, dans les prochains jours, une réunion pour élire la secrétaire nationale des femmes ittihadies. Pour ce faire, le congrès a approuvé une motion spéciale définissant les modalités de présentation des candidatures et les conditions d’éligibilité. Ainsi, la présidence du congrès recevra-t-elle les candidatures dans les délais prescrits, à condition que chaque candidate présente son programme.
Une autre nouveauté de ce congrès a été l’approbation de la nouvelle structure organisationnelle des femmes ittihadies qui garantit l’ouverture sur la société marocaine et laisse, en même temps, aux femmes la latitude d’agir librement et indépendamment. Cette structure qui s’appellera désormais «Organisation socialiste des femmes ittihadies (OSFI) » vise à renforcer l’adhésion des femmes à l’action politique et l’accès aux postes décisionnels au sein du parti et des institutions élues.
En outre, elle aura pour mission de lutter pour l’instauration des mécanismes institutionnels à même de réaliser l’égalité entre les deux sexes, et de plaidoyer pour que le Maroc ratifie toutes les conventions internationales des droits de l’Homme et les intégrer à la législation nationale comme le précise l’article 3 dudit projet.
La spécificité de cette organisation, vient également du fait qu’elle sera ouverte à toutes les Marocaines répondant aux conditions d’éligibilité prescrites. En fait, le projet distingue deux sortes d’adhérentes : l’adhérente qui jouit de tous ses droits dont celui d’être élue dans les instances décisionnelles de l’OSFI, mais dans ce cas elle doit être obligatoirement membre de l’USFP. Le projet prévoit une autre forme d’adhésion, à savoir celle de devenir membre participant(e). Cette forme est ouverte à tout citoyen ou citoyenne marocain(e) répondant aux conditions d’éligibilité prescrites. Tout membre participant doit respecter les principes de l’OSFI et défendre les valeurs humaines progressistes. En revanche, il n’a pas le droit de voter ni de se présenter aux instances de l’OSFI.
Il convient de rappeler que l’ouverture du congrès a été marquée par la présence du Premier secrétaire de l’USFP, Driss Lachguar, des membres du Bureau politique et du président de la Commission administrative, Habib El Malki. Il a été également marqué par la présence d’invités d’honneur dont Hamid Chabat, secrétaire général du parti de l’Istiqlal, Rahal Mekkaoui, membre du bureau exécutif de ce parti, des dirigeants du Parti de l’authenticité et modernité et du Front des forces démocratiques ainsi que de Abdessalam Seddiki, membre dirigeant du Parti du progrès et du socialisme.
«Si la constitutionnalisation de plusieurs droits constitue un acquis et un moment consacrant des revendications sociétales, l’enjeu le plus difficile est celui qui consiste en la réconciliation économique, sociale, et politique au profit des femmes de ce pays. Laquelle réconciliation ne peut être atteinte que par la démocratisation des politiques publiques et l’adoption d’une approche genre dans la dépense publique», a affirmé Driss Lachguar dans son allocution en l’occasion. Le Premier secrétaire s’est également interrogé : «Où en est la femme marocaine dans les politiques publiques ? ». Les données chiffrées que Driss Lachguar a présentées attestent que le «positionnement de la femme marocaine dans les politiques publiques a été influencé par plusieurs éléments qui ont mis en échec l’efficacité de ces politiques ». Les éléments qui expliquent la marginalisation de la femme marocaine sont d’ordre politique et économique. Les crises politiques et les pratiques autoritaires ont freiné, selon le Premier secrétaire, la réforme politique au profit du genre. Les crises économiques et « la faiblesse de l’immunité de la décision souveraine dans des moments cruciaux de l’histoire du Maroc, ont contribué à rendre les situations économiques et sociales de la femme marocaine plus critiques et à consacrer sa marginalisation».
Il a, en outre, dénoncé l’exploitation des femmes induite par la non-application des lois. A titre d’exemple, le secteur non structuré emploie les femmes en l’absence de toutes les garanties juridiques ou sociales, le salaire des femmes est inférieur d’environ le tiers à celui des hommes, et pis encore, plus de 90 % des femmes travaillent sans contrat de travail.
Le Premier secrétaire a, par ailleurs, rappelé que la question féminine a été, depuis toujours, au cœur du projet sociétal moderniste de l’USFP. Mais il a affirmé que cette question est aujourd’hui d’une importance cruciale vu la situation actuelle de la femme marocaine et vu les régressions enregistrées sous le gouvernement Benkirane. Dans ce sens, Driss Lachguar a clairement dit que l’USFP continuera à lutter aux côtés de la femme marocaine en vue d’instaurer des politiques publiques qui garantissent ses droits politiques, économiques et sociaux. Et cela passe par plusieurs mécanismes et décisions comme l’harmonisation du droit national avec les conventions internationales, l’abolition de toutes les lois discriminatoires envers les femmes, l’ouverture d’un débat sérieux sur l’héritage et l’avortement, la reconnaissance du travail non-rémunéré des femmes au foyer dans la perspective de les récompenser financièrement, l’adoption de politiques publiques dans le domaine du travail au profit des femmes pour lutter contre la féminisation du chômage, la réforme de la loi organique des finances pour institutionnaliser l’approche genre dans le budget de l’Etat.
Le Premier secrétaire a, en outre, réitéré l’engagement qu’il a tenu lors d’une conférence de presse organisée mercredi dernier à Casablanca, pour aboutir à la parité entre les femmes et les hommes au sein des instances dirigeantes de l’USFP. Dans ce sens, il a confirmé que si le pourcentage des femmes adhérentes au parti a atteint 33 %, elles acquerront 50% de sièges dans les instances du parti.
Le secteur féminin du parti sera
désormais dénommé Organisation
socialiste des femmes ittihadies
Khadija El Qariani, ex-secrétaire générale du secteur des femmes ittihadies, a pour sa part affirmé que la tenue du VIIème Congrès intervient dans un contexte politique marqué essentiellement par la volonté des forces conservatrices d’instaurer une culture politique basée sur le populisme et l’instrumentalisation du sacré en vue de masquer les échecs de la gestion gouvernementale de la chose publique.
Elle a rappelé que le secrétariat national des femmes ittihadies était conscient depuis la tenue de sa première conférence nationale sur le thème «Les droits de la femme dans la Constitution», que lesdits droits sont intimement liés à l’instauration de l’Etat de droit. «Au sein de l’USFP, nous considérons que la parité, l’Etat de droit, la justice sociale, l’égalité, et l’égalité des chances sont synonymes d’une seule chose : la dignité humaine», a-t-elle lancé. Et d’ajouter : « Nous sommes conscients au sein de l’USFP que la mission essentielle de n’importe quelle formation politique aujourd’hui est d’accompagner les mouvements sociaux. Et dans ce cadre, le secteur des femmes ittihadies se considère comme partie intégrante de ces mouvements et doit inscrire ses orientations dans une perspective moderniste pour les prémunir contre le populisme et le nihilisme».
Les organisateurs du 7ème Congrès ont, dans ce sens, rendu hommage à des associations et des personnalités marocaines qui ont défendu la cause féminine et les droits de la femme.
Nécessité d’harmoniser le droit
national avec les conventions
internationales, d’abolir toutes les lois discriminatoires envers les femmes, d’ouvrir un débat sérieux sur l’héritage et l’avortement, de reconnaître le travail non-rémunéré des femmes au foyer et d’institutionnaliser l’approche genre dans le budget de l’Etat
Ainsi, le Premier secrétaire, Driss Lachguar et le président de la Commission administrative du parti, Habib El Malki, ont offert des cadeaux symboliques à Fouzia Assouli, présidente de la Ligue démocratique des droits de la femme, Nezha Alaoui, présidente de l’Union de l’action féminine, Fatima Ezzahra Chaoui, membre dirigeant de l’Association marocaine de lutte contre la violence à l’égard des femmes, Malika Jghima, présidente de l’Association démocratique des femmes du Maroc, Saadia Saadi, présidente de l’Association Amal- Femmes en Mouvement pour une vie meilleure et Leila Amili, présidente de l’Association Joussour- Forum des femmes marocaines.
Hommage a été également rendu à trois personnalités masculines qui ont participé à la défense des droits de la femme et de la modernité. Il s’agit, en l’occurrence de Mohammed Nechnach, président de l’Organisation marocaine des droits de l’Homme, Mohammed Said Saadi, ancien ministre de la Famille et artisan du Plan de l’intégration de la femme, et Ahmed Assid. Il a été également prévu de rendre hommage à Mohammed Sabila, et au sociologue et dirigeant ittihadi Mohammed Guessous, mais ils n’ont pas pu assister à la cérémonie pour des raisons de santé, a précisé Fatima Belmoudden.
Autre moment fort de la séance d’ouverture du Congrès des femmes ittihadies : le Premier secrétaire de l’USFP a porté un T-shirt frappé à l’effigie de Omar Benjelloun. A la fin de la pièce de théâtre jouée en commémoration du martyr du parti assassiné, le 18 décembre 1975, devant sa maison à Casablanca, une actrice a tendu ce T-shirt à Driss Lachguar qui l’a porté sous les ovations des militants et sympathisants qui entonnaient l’hymne du parti de la Rose.