Dans les centres du sommeil, des spécialistes aident des milliers de personnes souffrant de troubles parfois graves. Celui de l'Hôtel-Dieu, à Paris, nous a ouvert ses portes et soumis à ses tests. 1er jour. Sur le parvis de Notre-Dame, l'entrée de l'Hôtel-Dieu n'a plus rien à voir avec celle du premier hôpital de la capitale construit en l'an 651. Mais la perspective apaisante des jardins, où quelques malades profitent du soleil, rappelle tout le prestige de ce lieu historique. La voix sèche de la réceptionniste me ramène vite à la réalité du temps présent. Le centre du sommeil? Galerie A2, 5e étage. Il faut pousser des portes, prendre un ascenseur à la peinture épuisée et monter un escalier en colimaçon. Des silhouettes glissent dans la pénombre. Cette phrase de Marguerite Duras, insomniaque assumée, revient à ma mémoire: «Avec l'insomnie, on a l'impression de s'introduire dans un lieu défendu.» J'ai vite décroché un rendez-vous avec le Pr Damien Léger, qui anime le centre du sommeil réputé de l'Hôtel-Dieu. Je me rends compte de ce privilège. Une jeune femme discute avec une infirmière. J'attrape quelques mots au vol: un e-mail envoyé, un rendez-vous raté. La jeune femme s'agace. Vous êtes insomniaque? interroge gentiment l'infirmière. L'autre bredouille, hésite. Oui, murmure-t-elle d'une voix mal assurée. Cette hésitation, je la comprendrai plus tard. «Les insomniaques ne veulent pas trop qu'on en parle», me confiera un médecin du service. Et une malade: «Je consacre énormément d'énergie à cacher mon handicap. Le plus difficile, c'est au travail, je dois tout calculer pour dissimuler la nébuleuse dans laquelle je me perds.» Dans son bureau, le Pr Léger discute d'un patient avec le Dr François Duforez. Les présentations faites, il entre dans le vif du sujet, me glissant sous le nez une polysomnographie. «Voilà le résultat d'un test que vous allez subir. C'est l'enregistrement complet du sommeil, m'explique le professeur. Celui-ci est assez intéressant.