-
Casablanca rejoint le réseau mondial C40 des villes engagées dans des actions climatiques
-
Débat à Salé sur l'importance de la loi sur les peines alternatives dans le système pénal national
-
Clôture à Fès des travaux de la 6ème session ordinaire du Conseil supérieur de la Fondation Mohammed VI des oulémas africains
-
Une conférence à Marrakech explore le rôle des instances de gouvernance dans la protection des droits et libertés
-
Célébration à Tanger du centenaire de l’adoption de la législation régissant la profession d’avocat au Maroc
centaine de blessés. Tel est le bilan des attentats de Casablanca perpétrés par une cellule
composée de quatorze membres répartis
en cinq groupes, qui ont pris pour cibles l’hôtel Safir,
un restaurant près du Consulat de Belgique, un ancien cimetière juif, un club de la communauté juive
et le restaurant «Casa de España» où le plus grand nombre
de victimes
a été enregistré. Douze terroristes ont trouvé la mort, dont au moins neuf sont issus d’un même
quartier: Carrières Thomas.
Dans les rangs des blessés, figurent trois Espagnols, un Italien et un Français.
«Nous avons décidé, le 9 mai, de ne pas mener des opérations prévues pour le lendemain.
Le samedi 10 mai, nous nous sommes rencontrés après la prière. Abdelfettah nous a déclaré que cela ne marchait plus et nous nous sommes revus le jeudi, c’est-à-dire la veille du 16 mai.
Le jour J, nous avons accompli la prière de l’aube «Al Fajr» et celle de l’après-midi «Addohr», chez Omari. Nous avons pris du lait, des dattes et des sandwiches et visionné un documentaire sur le paradis et l’enfer. Entre-temps, Mohamed M’hani a commencé à fabriquer des explosifs.
Peu de temps après, nous nous sommes rasé la barbe et nous avons changé nos vêtements, afin de passer inaperçus».
C’est en ces termes que Rachid Jalil, l’une des bombes vivantes qui devait participer à l’opération de l’hôtel Farah, a fait état devant la cour, le vendredi 25 juillet 2003, des préparatifs des attentats.
Son acolyte, Hassan Taoussi, revient dans le même procès sur ce sujet dans les termes qui suivent: « Nous étions 14 individus chez Omari. Nous nous sommes rasé la barbe avant le coucher du soleil. A 20 heures, chacun a pris un sac, des bonbonnes, des allume-feu et une montre qu’Abdelfettah Bouliqdane nous a remise. Ce dernier nous a ordonné d’appuyer avec le doigt sur le bouton pour nous faire exploser. Mais, en route, je me suis séparé du groupe et j’ai jeté le sac dans un terrain vague. Ensuite, je suis parti à Oued El Maleh avant que trois de mes compagnons ne me rejoignent».
Ils étaient donc 14 personnes dans le complot, selon les dires des trois survivants, qui vont passer aux aveux, mais 12 ont trouvé la mort. Jusqu’à ce jour, il n’y a pas de traces d’un volontaire de la mort: la quinzième personne du groupe.
A la place de Sahat Al-Arsa
A 21h.40 environ du vendredi 16 mai, un groupe de terroristes s’engage à Arsat Ftyeh, dite «Sahat Al-arsa», dans la vieille médina, anciennement «Bousbir», à la recherche du vieux cimetière juif Mehara, pratiquement à l’abandon. Désorientés par une fontaine identique à celle qu’ils avaient repérée la veille, Said Abid, Adil Tayee et Youssef Kaoutri actionneront quand même leurs bombes sur une petite place, entraînant avec eux dans la mort trois jeunes célibataires, en l’occurrence Abdessamad Laâmayem, (21 ans, chômeur), Mohamed Mouttaqi (17 ans, chômeur) et Noureddine Metouat (23 ans).
Trois morts pour un club vide
A 21h 45, en face de l’hôtel Hyatt Regency, trois jeunes hommes sont assis Place Maréchal. Un coup de fil fait sursauter le groupe de Mohamed M’hani, désigné pour se faire exploser devant l’Alliance juive. Après la première explosion de la ville nouvelle, rue El Khawarizmi, Place Oued Al Makhazine, une forte détonation se fait entendre dans ce club composé d’un restaurant et d’une salle de jeu, exclusivement réservés aux membres de la communauté juive de Casablanca.
Le premier terroriste se serait collé à la porte blindée du local et a actionné sa charge, défonçant la porte vers l’intérieur. C’est à ce moment-là que le second complice, resté à une centaine de mètres, investit les lieux, y dépose sa bombe et rebrousse chemin. L’explosion ne lui laissera pas le temps de quitter le local, il mourra. Quant à Rachid Jalil, qui devait accompagner ses amis, il a craqué au dernier moment et a balancé son sac entre deux voitures rue Al Khawarizmi, avant de s’enfuir. Trois jours plus tard, il se fera arrêter à Oued El Maleh, non loin de Mohammedia et fera son apparition, le 25 juillet 2003, à la première audience, devant la Chambre criminelle de la Cour d’appel de Casablanca.
Au restaurant le Positano
Le troisième objectif, le restaurant le Positano, rue Farabi, étroite artère débouchant sur le boulevard Rachidi, non loin du Cercle juif, entre le Consulat de Belgique et le Positano. Ce restaurant est fréquenté lui aussi par de jeunes cadres. Vers 21h.50, deux individus arrivent au restaurant. Empêchés d’entrer par un vigile, ils se font exploser à la porte. Il y a eu plusieurs victimes. Une voiture a pris feu, d’autres ont été endommagées, et la façade vitrée de l’immeuble flambant neuf du consulat de Belgique a volé en éclats.
Un Français est mort. Les policiers en faction devant le consulat de Belgique ont été blessés. Comme au club de l’Alliance israélite, le spectacle de lambeaux de corps déchiquetés est atroce.
A la Casa de España
Il est 21h.55. Une centaine de clients sont attablés, Mohamed Laaroussi, Mohamed Arbaoui et Mohamed Hassouna arrivent à la Casa de España, rue Faidi Khalifa. Ce club privé, repaire de cadres fêtards de la classe moyenne, organise chaque soir une partie de bingo sur sa terrasse intérieure. Pour entrer au club, les terroristes égorgent froidement le gardien, puis traversent discrètement un vestibule. Ils aboutissent, par une petite porte, à l’intérieur de la terrasse et se font exploser au milieu des clients. Une terrible déflagration plonge alors ceux qui resteront conscients parmi les survivants dans l’obscurité, l’étourdissement et l’hébétude.
Il y eut 22 morts dont un Italien, deux Espagnols et 19 Marocains.
Aux environs de dix heures du soir, raconte Nadia Janani, une caissière du club ayant survécu au drame, «l’ambiance de joie fut rompue par des cris scandant trois fois Allah Akbar.» (Dieu est grand).
Levant les yeux, elle aperçut deux jeunes courir derrière les toilettes, le premier vers la table des dirigeants du club, le second avançait vers elle. «C’était, dit-elle, le paysan venu prospecter les lieux avant le jour des attentats».
Le bilan des victimes du Club de la Casa de España était lourd. Les volontaires de la mort se sont fait exploser dans sa cour.
Explosion prématurée à l’hôtel Farah
C’est le cinquième groupe, conduit par Mohamed Omari, qui force en dernier la porte d’entrée de l’hôtel Farah bordant l’Avenue des FAR. Repérés, les terroristes se font refouler par un agent de la sécurité. Entre-temps, deux autres individus pénètrent en force sous le porche et actionnent leur bombe.
Omari, qui les précédait, est assommé par le souffle de l’explosion. Il a de la peine à se relever. Blessé, il est vite rattrapé par un chauffeur de grand taxi.
Victimes et survivants
Par les quelques dirhams dépensés pour la fabrication de bombes artisanales, les terroristes ont montré l’incapacité de l’État à défendre les populations et à assurer leur sécurité.
Hassan Qarib, 44 ans, agent de sécurité de l’hôtel Farah, marié et père de 4 enfants a trouvé la mort au cours de cet attentat, alors qu’Omari, l’un des principaux organisateurs des attentats, a été simplement blessé dans le hall de l’hôtel Farah.
Vingt personnes ont péri au club «La Casa de Espana», dont cinq Espagnols, deux Français et un Italien, en plus des treize personnes qui ont succombé dans les quatre autres lieux.
J’ai perdu mon enfant
et mon mari
Souad Begdouri, a perdu son mari Khammal (avocat) et son fils Taïeb (lycéen) dans l’attentat qui a visé la Casa de España. Elle préside l’Association des victimes du 16 mai à laquelle elle assigne comme objectif de lutter contre l’oubli des morts.
Dans un entretien à la presse, elle a déclaré que «nombreux sont ceux parmi nous qui ont perdu le goût de vivre après le 16 mai.
J’ai été si bouleversée par la mort de mon mari Abdelouahed et de mon fils Taieb que j’ai passé une très longue période dans un état de quasi-désespoir total. J’ai fait une dépression nerveuse et ai été suivie par des médecins. D’ailleurs, je ne suis pas encore sortie du tunnel. Je trouve le sommeil grâce aux somnifères et j’ai peur de me retrouver seule. Je me cramponne à ma fille pour retrouver en elle l’espoir de vivre et puiser en ses ressources la force de lui donner une vie normale».
«Pas moins de cinquante enfants des victimes ont des difficultés à financer leurs études, et à cela s’ajoute la situation financière des veuves qui, d’année en année, s’aggrave», a-t-elle déclaré, quelques années plus tard, dans un communiqué de presse.
Après les attentats, chaque famille des victimes décédées a reçu un don de 500.000 DH.
Un footballeur du Raja
Parmi les victimes, on cite Abdelatif Beggar ex-joueur du Raja de Casablanca, du Wydad et du Moghreb de Tétouan. Pétri de qualités Abdellatif fit toutes ses armes dans l’un des clubs les plus populaires du Royaume, à savoir le Raja de Casablanca. A son arrivée chez les juniors, cet enfant de Derb Soltane fut prêté au club du Maghreb de Tétouan. Quelques mois plus tard, il rejoint son club d’origine, s’impose, très vite comme un meneur de jeu et connaît avec ce club des distinctions en tous genres. A la retraite, il participe à l’entraînement des jeunes.
Un commerçant juif
Dans le registre des victimes, il y a lieu de rappeler également l’assassinat d’un commerçant juif, Albert Rebibo, 55 ans, abattu en pleine rue à Casablanca, le jour de l’anniversaire des attentats du World Trade Center en 2001, soit le 11 septembre 2003.
Plus de 3000 Marocains de confession juive résident encore au Maroc alors que leur présence dans ce pays remonte à l’an 535 avant avant JC et que leur nombre dépassait les 350.000 au début du siècle dernier.