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Sur quoi portent les audiences?
Les audiences portent sur les obligations des Etats en matière de changement climatique et sur les conséquences juridiques de ces obligations. Elles sont importantes car elles représentent les efforts de la communauté internationale pour élaborer un cadre juridique en vue de lutter contre le changement climatique. Plus simplement, la Cour est invitée à clarifier le droit international en matière de changement climatique. Les conseils juridiques qu’elle fournit peuvent à leur tour influencer tout processus multilatéral impliquant une action climatique.
Les deux questions centrales posées à la Cour sont les suivantes : Quelles sont les obligations des Etats en vertu du droit international pour assurer la protection du système climatique et d’autres parties de l’environnement contre les émissions anthropiques de gaz à effet de serre pour les Etats et pour les générations présentes et futures ? Quelles sont les conséquences juridiques de ces obligations pour les Etats qui, par leurs actes ou leurs omissions, causent des dommages importants au système climatique et à d’autres parties de l’environnement, en ce qui concerne :
a. Les Etats, notamment les petits Etats insulaires en développement, qui, en raison de leur situation géographique et de leur niveau de développement, sont lésés ou spécifiquement touchés par les effets néfastes des changements climatiques ou y sont particulièrement vulnérables?
b. Les peuples et les individus des générations présentes et futures touchés par les effets néfastes des changements climatiques?
Comment cette affaire est-elle arrivée devant la CIJ?
En septembre 2021, l'île de Vanuatu, dans l'océan Pacifique, a annoncé son intention de demander un avis consultatif à la CIJ sur le changement climatique. Elle a expliqué que cette initiative, qui avait été promue par le groupe de jeunes Pacific Island Students Fighting Climate Change, était rendue nécessaire par sa vulnérabilité et celle d'autres petits Etats insulaires en développement au changement climatique et par la nécessité d'une action accrue pour faire face à la crise climatique mondiale.
Le Vanuatu a ensuite fait pression sur d'autres pays pour qu'ils soutiennent cette initiative et a formé le groupe des Etats membres de l'ONU pour faire avancer l'initiative à l'Assemblée générale.
Les discussions au sein du groupe central ont conduit à l'élaboration d'une résolution, qui a finalement été adoptée par l'Assemblée générale le 29 mars 2023. Au total, 132 pays ont coparrainé la résolution.
La résolution s’appuie sur « une attention particulière » à la Charte des Nations unies, au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, à l’Accord de Paris sur le climat, à la Convention des Nations unies sur le droit de la mer et aux droits reconnus dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme, «au principe de prévention des dommages significatifs à l’environnement et au devoir de protéger et de préserver le milieu marin ». La requête a été transmise à la Cour par le Secrétaire général de l’ONU dans une lettre datée du 12 avril 2023.
Qui est autorisé à demander des avis consultatifs et que se passe-t-il ensuite ?
Les procédures consultatives ne sont ouvertes qu’à cinq organes et 16 institutions spécialisées des Nations unies. Alors que l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité des Nations unies peuvent demander des avis consultatifs sur «toute question juridique», les autres organes et institutions spécialisées des Nations unies ne peuvent le faire que sur « des questions juridiques se posant dans le cadre de leurs activités ». La majorité des avis consultatifs ont été demandés par l’Assemblée générale des Nations unies.
En règle générale, les organisations et les Etats autorisés à participer à la procédure soumettent des exposés écrits, suivis de commentaires écrits sur les autres exposés présentés si la Cour le juge nécessaire.
La Cour décidera s’il convient de tenir une procédure orale, après quoi l’avis consultatif sera rendu à l’issue d’une audience de la Cour.
Pourquoi cette affaire est-elle si importante?
Cette affaire est la plus importante jamais entendue par la Cour internationale de justice, avec 91 déclarations écrites déposées au greffe de la Cour ainsi que 62 commentaires écrits sur ces déclarations soumis avant le délai prolongé de la Cour du 15 août 2024.
Un nombre record similaire de 97 Etats et onze organisations internationales devraient participer aux procédures orales. Ces audiences sont l’occasion pour les pays et les organisations de développer leurs déclarations écrites et de témoigner directement
Les procédures revêtent une importance particulière pour les petits Etats insulaires en développement qui ont initialement fait pression pour obtenir l’avis. Il est significatif qu’elles se déroulent juste une semaine après que les pays en développement ont critiqué un accord à la COP29 visant à fournir 300 milliards de dollars par an de financement climatique d’ici 2035, qualifiant l’accord d’« insultant » et affirmant qu’il ne leur donnait pas les ressources vitales dont ils ont besoin pour vraiment faire face aux complexités de la crise climatique.
«Nous sommes littéralement en train de couler», a déclaré un représentant après la COP29, soulignant que l’accord mettait en évidence «à quel point nos pays vulnérables sont dans un bateau très différent de celui des pays développés».
Alors que les petits Etats insulaires en développement sont déjà confrontés à certaines des pires conséquences du changement climatique, ces audiences sont essentielles pour établir un cadre de responsabilité plus solide qui fixe des obligations juridiques internationales claires en matière d’action climatique.
Quel effet peut avoir un avis consultatif?
Contrairement aux jugements rendus dans des affaires contentieuses, les avis consultatifs de la Cour ne sont pas contraignants. Ils clarifient des questions juridiques. L’organe, l’agence ou l’organisation requérante – l’Assemblée générale dans ce cas particulier – reste libre de décider, comme il l’entend, de l’effet à donner à ces avis.
Toutefois, bien que non contraignants, les avis consultatifs ont «une valeur faisant autorité et ne peuvent être négligés», selon le greffier de la CIJ dans une récente interview accordée à ONU Info. Ils bénéficient d’une grande autorité morale de la part du principal organe judiciaire de l’ONU.
Cet avis sur le changement climatique peut contribuer à éclairer les procédures judiciaires ultérieures telles que les affaires nationales, influencer le processus diplomatique et sera probablement cité dans des milliers de procès liés au climat dans le monde, y compris ceux où de petits Etats insulaires demandent réparation aux pays développés pour des dommages climatiques historiques, selon une source médiatique.
Le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a déclaré qu’un tel avis aiderait l’Assemblée générale, les Nations unies et les Etats membres à «prendre des mesures plus audacieuses et plus fortes en matière de climat dont notre monde a si désespérément besoin».
«Cela pourrait également guider les actions et la conduite des Etats dans leurs relations entre eux, ainsi qu’à l’égard de leurs propres citoyens. C’est essentiel», a-t-il souligné.
Une étude récente publiée dans la revue Science le 26 septembre propose une méthode prometteuse pour réduire les émissions de gaz à effet de serre: enfouir du bois mort dans des sols argileux. Cette approche, surnommée «Wood vaulting», pourrait partiellement compenser nos rejets annuels de combustibles fossiles. Une souche de bois vieille de 3 775 ans découverte au Québec a joué un rôle clé dans la validation de cette hypothèse.
Une découverte millénaire au Québec
En 2013, des chercheurs ont découvert une souche de genévrier de Virginie (Juniperus virginiana) à Saint-Pie, au Québec, enfouie sous deux mètres d'argile bleue près d'un ruisseau. Cette souche, datée de près de 4 000 ans, contenait seulement 5% de carbone en moins qu’un tronc moderne de la même espèce. Ce faible taux de dégradation suggère que le bois a conservé la majeure partie du carbone absorbé au cours de sa croissance, malgré les millénaires écoulés.
Une méthode de séquestration prometteuse
Les végétaux absorbent chaque année des milliards de tonnes de dioxyde de carbone de l'atmosphère. Cependant, ce carbone est généralement relâché lorsqu'ils se décomposent ou brûlent. L’étude propose une solution innovante : enterrer du bois mort dans des sols argileux pour empêcher cette libération. Cette méthode pourrait, selon les chercheurs, compenser jusqu’à un tiers des émissions mondiales annuelles de combustibles fossiles.
Des conditions naturelles favorables
L’environnement argileux et pauvre en oxygène où la souche a été préservée a empêché sa décomposition par des micro-organismes comme les champignons. « La structure cellulaire est presque intacte », explique Ning Zeng, climatologue à l’Université du Maryland et auteur principal de l’étude. Ce cas unique montre que le bois, une fois enterré dans des conditions similaires, peut efficacement stocker du carbone à long terme.
Vers une application pratique
Le Wood vaulting repose sur la capacité naturelle des plantes à absorber le CO₂. Ning Zeng, qui développe actuellement cette technologie à travers son entreprise, a exploré cette idée depuis 2008. Il souligne que les sols argileux sont courants dans de nombreuses régions du monde, rendant la méthode accessible. De plus, les sites d’enfouissement pourraient ensuite être réutilisés pour des activités agricoles, maximisant ainsi leur potentiel économique et écologique.
Cette approche pourrait également s’étendre aux plantes à croissance rapide, renforçant encore sa faisabilité. En utilisant des ressources naturelles pour emprisonner durablement le carbone, le Wood vaulting offre une piste concrète et réaliste pour atténuer les effets du changement climatique.
La région arctique subit une fonte rapide et alarmante. Des images capturées par le satellite Landsat 8 de la NASA montrent que l'été particulièrement chaud a entraîné une fonte cinq fois supérieure à la moyenne annuelle. Le 23 juillet, selon le climatologue Xavier Fettweis, un record de fonte a été enregistré au Svalbard, avec une perte équivalente à 55 millimètres d'eau en une seule journée.
Des répercussions bien au-delà des pôles
Le recul des glaciers en Europe septentrionale peut sembler éloigné de notre quotidien, mais ses effets sont ressentis à l'échelle mondiale. L'élévation du niveau de la mer entraîne des risques accrus d'érosion côtière et d'inondations, même à l'intérieur des terres. Mais les impacts ne s'arrêtent pas là. La fonte rapide des glaces arctiques contribue à un phénomène appelé amplification arctique. En l'absence de glace réfléchissante, les nouvelles étendues d'océan sombre absorbent davantage de lumière et de chaleur, ce qui accélère le réchauffement de l'eau et de l'atmosphère, entraînant une fonte encore plus importante.
Des bouleversements climatiques globaux
La perte de glace polaire perturbe également les systèmes météorologiques mondiaux. Le courant-jet, par exemple, peut être déstabilisé, déviant vers le sud et provoquant des hivers rigoureux sur les continents. De plus, une diminution de la réflexion solaire augmente la chaleur piégée dans l'atmosphère, intensifiant les vagues de chaleur à l'échelle mondiale.
Un appel urgent à l'action
Laura Meller, responsable de projet chez Greenpeace Nordic, souligne l'importance cruciale de protéger les océans pour lutter contre la crise climatique :
« Ici, au sommet du monde, nous entendons l'appel désespéré de notre planète. Protéger les océans est essentiel pour freiner la dégradation du climat. Cela permettrait à la vie marine de se rétablir et de prospérer, contribuant ainsi à atténuer les pires effets du réchauffement».
Ce message résonne comme un avertissement urgent: agir pour préserver les pôles et les océans, c’est protéger l’ensemble de la planète contre des bouleversements climatiques majeurs.
Spécial réalisé par Hassan Bentaleb