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Selon certains professionnels du secteur, le Maroc a fait souvent l’objet de critiques de la part de plusieurs pays européens concernant la chasse des tourterelles. « Il s’agit d’une espèce qui migre au Maroc pour se reproduire, mais le problème est qu’elle est abattue à son entrée par des chasseurs qui ont droit à 50 gibiers chacun. Idem, lorsqu’elle prend le chemin du retour avec ses petits », nous a confié le propriétaire d’une société de chasse touristique en sollicitant l’anonymat.
Une étude réalisée en 2018 par l'organisation non-gouvernementale Birdlife International, et relayée par The Guardian a indiqué que la tourterelle des bois fait partie des espèces d'oiseaux dont un spécimen sur huit est désormais menacé d'extinction. Elle fait même partie de la liste rouge de l'Union internationale de la protection de la nature (UICN).
A ce propos, notre source a pointé la responsabilité du département des Eaux et Forêts. Selon elle, si la grande partie du dernier massacre incombe à la société de chasse qui a permis l’accès à la ressource aux chasseurs étrangers, celle des Eaux et Forêts est incontournable puisque le contrôle de ses agents est obligatoire en amont et en aval. « Les sociétés de chasse touristique informent les Eaux et Forêts à l’avance de la présence des chasseurs étrangers. Ses agents contrôlent les permis de chasse et les armes avant le début de la partie de chasse et contrôlent en aval le nombre de gibiers abattus», nous-t-elle précisé.
En fait, la chasse du gibier sédentaire et de ceux d'eau et de passage est soumise aux dispositions des articles 2, 3 et 5 de l’arrêté du Haut-commissaire aux Eaux et Forêts et à la Lutte contre la désertification, portant ouverture, clôture et règlementation spéciale de la chasse sauf dérogations particulières prévues par les contrats d'amodiation.
Le même arrêté indique que les étrangers non-résidents au Maroc sont pris en charge par des sociétés de chasse touristique. Ces chasseurs étrangers peuvent tirer le sanglier, les calandres, les calandrelles et les grives en dehors des territoires amodiés aux sociétés de chasse touristique à condition qu'ils s'acquittent d'une licence de chasse délivrée par le ministère délégué, chargé des Eaux et Forêts, dont le prix est fixé à cinq cents dirhams (500 DH). En outre ces chasseurs touristes doivent être encadrés sur les aires de chasse par des guides désignés par les sociétés de chasse touristique et agréés au préalable par le ministère délégué chargé des Eaux et Forêts.
Les organisateurs de chasse touristique ne peuvent en aucun cas sous-traiter la chasse dans les lots dont ils sont amodiataires sans autorisation du ministre délégué chargé des Eaux et Forêts, précise l’arrêté.
Selon le Haut-commissariat aux Eaux et Forêts, le Maroc compte actuellement 31 sociétés de chasse touristique qui opèrent sur le terrain et organisent ce sport au profit des touristes cynégètes de diverses nationalités. Cette activité s'exerce sur près d'un million d'hectares au profit de 3.000 touristes cynégètes. Elle permet de générer des recettes et des rentrées non négligeables en devises convertibles, soit l'équivalent de 60 millions de dirhams incluant les redevances d'amodiation, les aménagements et les investissements réalisés, ainsi que les autres rentrées au profit des hôteliers, restaurateurs, guides et autres. Elle permet aussi de créer 400.000 journées de travail.
D’autres responsabilités sont curieusement passées sous silence
Les conclusions des enquêteurs font logiquement état d'une "surchasse de trois fois le quota règlementaire". En creux, on peut en déduire, après un simple calcul, que le quota s’élève approximativement à 500 oiseaux lors de cette partie de chasse. Un chiffre étonnamment élevé et qui ne protège pas vraiment cette espèce. D’autant plus que, d’après les éléments de l’enquête, « un certain nombre de défaillances liées au non-respect du contrat d’amodiation » ont été relevées dans la même région. D’ailleurs, « le personnel forestier local a procédé quelques jours plus tard à l’interception d’une autre partie de chasse illégale dans un lot relevant de la même société impliquant six groupes de chasseurs étrangers », rappelle le communiqué. Si elle s’est soldée par « la saisie de 36 armes et l’établissement des PV de délits y afférents » toujours selon la même source, l’opération et son efficience posent question notamment sur la vigilance de ce même personnel forestier lors de la chasse aux 1.490 tourterelles des bois.
En tout cas, une chose est sûre, si ces pratiques honteuses s’amplifient, c’est tout un écosystème qui serait en danger. Tout d’abord, parce qu’un sérieux risque d’extinction pèse déjà sur les tourterelles des bois. Leur statut de conservation accordé par l'Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN) est Vulnérable (VU).
Et pour cause, la diminution des effectifs de cet oiseau farouche et craintif, pourrait avoir pour conséquence d’une part, la prolifération de petits invertébrés (insectes, vers de terre) dont il se nourrit et, d’autre part, l’extinction de son prédateur qui n’a quasiment que lui comme proie, en l’occurrence, la Buse variable. Une espèce fortement menacée elle aussi, et qui bénéficie d'une protection totale dans plusieurs pays, comme sur le territoire français. Ensuite, à la lumière de ces éléments, il paraît évident qu’un déséquilibre pourrait être créé, à la fois au niveau du pays, mais aussi sur toute la planète, surtout que l’espèce appartient à la catégorie des oiseaux migrateurs. Ce qui est justement le cas de la tourterelle des bois. D’une envergure de 45 à 55 cm les ailes déployées, dès la fin de l’été, elle quitte l’Europe pour aller passer l’hiver en Afrique, au Sud du Sahara.
Malheureusement pour l’espèce, pour la planète et pour la chaîne alimentaire, cette fois-ci, le périple de 1490 d’entre elles s’est arrêté net, sous les coups de fusils de chasseurs peu scrupuleux. Il ne nous reste plus qu’à croiser les doigts et espérer que ça ne se reproduira plus.