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"Les clients nous demandent de diviser les paquets d'un kilo de sucre ou d'acheter des oeufs à l'unité. Ca fait mal, les gens sont dans le besoin et c'est comme si on enlevait leur dignité, mais les prix sont fous", se désole l'épicière de Moron, quartier ouvrier de la banlieue ouest.
Sur les étagères, certains produits ont jusqu'à quatre étiquettes superposées, témoignant de l'inflation vertigineuse.
"C'est des jours de dingue !", souffle Fernando Savore, l'époux de Paola et vice-président de la fédération des épiciers de Buenos Aires. "Bien qu'on ait déjà changé les prix la semaine dernière, on a vu chez les grossistes des augmentations de l'ordre de 25 à 30%" par rapport au vendredi précédant l'élection.
"Le prix des pâtes est déconcertant. Ils ont augmenté de plus de 50%, il n'y a pas d'huile d'olive en stock et les produits d'entretien ont augmenté de 30%", énumère-t-il.
Le gouvernement sortant de centre-gauche de l'ex-président Alberto Fernandez, avait cette semaine renouvelé un accord sur l'encadrement d'une liste de produits de première nécessité en supermarchés.
Mais c'était sans doute la dernière fois avec la prise de fonctions le 10 décembre de Milei, partisan d'une libération des prix, et opposé à toute réglementation par l'Etat.
L'imminence de la fin de l'accord sur l'encadrement des prix les "encourage à la hausse", explique à l'AFP l'économiste Hernan Letcher, directeur du Centre d'économie politique en Argentine.
"La hausse sera plus marquée le mois prochain, parce que le marché s'attend à une dévaluation importante (du peso) lorsque Milei prendra ses fonctions, et donc possibilité de résurgence inflationniste", prédit-il.
"En Argentine, le 15 c'est la fin du mois", résume Fernando Savore. "Les premiers jours, le client paie en liquide, après le 15 avec une carte de crédit qui servait autrefois à se payer télévision ou chaussures".
Mario Amor, un client de 70 ans, parcourt les allées et scrute attentivement les étiquettes. "Ca a encore beaucoup augmenté, je cherche à savoir qui a les meilleurs prix, je ne sais plus où acheter", se lamente-t-il avant de repartir son cabas vide.
Devant un autre rayon, Clara Tedesco, couturière de 60 ans, se dit "horrifiée" de voir que le prix du fromage "a encore augmenté cette semaine".
"C'est épuisant, tu étudies les prix, tu vas à un endroit, à un autre, tu compares, tu fais les calculs, tu reviens... Faire les courses est plus difficile que de trouver un mari", arrive-t-elle à plaisanter.
Dans les boucheries du quartier de Mataderos, les tableaux de prix sont vierges. "On ne perd plus de temps à les écrire, ça change tous les deux jours", résume la gérante Evelyn Garcia. "Les clients le savent", assure-t-elle, affirmant voir dans leurs yeux "plus de tristesse que de colère" car "il faut bien manger".
Les ventes des pièces de boucherie les plus onéreuses ont diminué au profit de côtelettes de porc ou de bas morceaux meilleur marché.
"Les gens changeaient leurs habitudes pour qu'il y ait toujours un peu de viande dans leur assiette. Maintenant, je ne sais pas ce qu'ils vont faire, tout a augmenté de plus de 10% cette semaine", dit Evelyn dans son magasin vide de clients.
Sur un marché de rue à Villa Madero, près de Moron, Clarisa Gomez époussette une caisse de kiwis sur son stand de fruits et légumes. "J'en prends soin comme d'un bijou, ils sont à 1.000 pesos l'unité", soit un peu plus de 2 dollars au taux de change officiel.
Elle indique que tous les prix ont bondi depuis lundi : "le raisin à 6.000 pesos le kilo (16 dollars), les ananas à 3.000 (8 dollars), les bananes à 1.700 (4,5 dollars) et les pommes à 1.000".
"Les gens achètent deux pommes, une banane. Si ça continue je vais devoir vendre à la tranche", ironise-t-elle.