COP29 : Des promesses peu amènes pour les pays africains


Hassan Bentaleb
Jeudi 28 Novembre 2024

COP29 : Des promesses peu amènes pour les pays africains
Des applaudissements polis, mais peu d'avancées significatives. La 29ᵉ conférence mondiale sur le climat s’est achevée à Bakou, en Azerbaïdjan, dimanche 24 novembre, dans une atmosphère morose. Si un accord financier a été arraché au terme d’intenses négociations, il reste bien loin des ambitions portées par les pays africains.
 
Objectifs ambitieux, résultats décevants
 
Dès leur arrivée à Bakou le 11 novembre, les négociateurs africains avaient fixé un objectif clair : obtenir 1.300 milliards de dollars par an à partir de 2025 pour financer leur adaptation aux effets du changement climatique. Cet objectif, bien que jugé ambitieux, reflétait l’urgence pour le continent, qui subit de plein fouet les conséquences des inondations, sécheresses et vagues de chaleur amplifiées par la crise climatique. A ce jour, les pays développés ne financent ces efforts qu’à hauteur de 100 milliards de dollars par an, un montant largement insuffisant.

Cependant, l’accord obtenu, après deux nuits de prolongations, est jugé dérisoire. Les pays développés se sont engagés à fournir "au moins 300 milliards de dollars" annuels d’ici 2035. Ce montant est bien en deçà des attentes des pays africains. Ali Mohamed, négociateur kényan et représentant du groupe africain, a exprimé sa déception : "C’est trop faible, trop tardif et trop flou pour répondre aux besoins urgents de notre continent".
 
Un financement jugé insuffisant et ambigu
 
L’accord prévoit que cette somme provienne des Etats-Unis, du Canada, de l’Australie, du Japon, de la Nouvelle-Zélande et de plusieurs pays européens. Les fonds devraient aider les pays en développement à faire face aux impacts climatiques tout en investissant dans des énergies bas carbone. Pourtant, pour Mohamed Adow, directeur de Power Shift Africa, ces engagements restent vagues et manquent de substance. Dans un message publié sur X (ex-Twitter), il a dénoncé "une grande évasion" orchestrée par les pays riches : "Sans argent réel sur la table et avec des promesses irresponsables, ils tentent de fuir leurs responsabilités climatiques".
 
Des critiques sévères des ONG et experts
 
Le Climate Action Network (CAN), une coalition de nombreuses ONG environnementales, a qualifié cette COP de "la plus horrible depuis des années". Sa directrice exécutive, Asneem Essop, a accusé les pays développés de "mauvaise foi" et de chercher à "trahir" les pays du Sud. Ces accusations reflètent un sentiment d’injustice partagé par de nombreux observateurs, qui estiment que les négociations n’ont pas tenu compte des besoins réels des nations les plus vulnérables.

Faten Aggad, directrice d’African Future Policies Hub, partage cette frustration : "Je comprends le désir des négociateurs de ramener un accord, mais pas à n’importe quel prix. Un non-accord aurait été préférable à celui-ci, où les pays africains n’obtiennent pas les fonds nécessaires pour s’adapter au changement climatique".
 
La justice climatique au cœur du débat
 
Pour François Gemenne, membre du GIEC et président du conseil scientifique de la Fondation pour la Nature et l’Homme, cette COP aurait dû marquer une étape décisive vers une justice climatique. Selon lui, les 1.300 milliards de dollars demandés par les pays africains ne sont pas exagérés, mais parfaitement légitimes. Il rappelle que les besoins de transition énergétique en Afrique sont immenses, citant des comparaisons frappantes : "Il y a aujourd’hui plus de panneaux solaires en Belgique que sur l’ensemble du continent africain. Cela illustre l’ampleur des financements nécessaires. En France, la transition énergétique nécessite 67 milliards d’euros par an, un montant cinq fois supérieur pour un continent bien plus vaste et exposé".
 
Des négociations sous pression
 
Gaïa Febvre, représentante française du Réseau Action Climat, a critiqué les méthodes des pays développés : « Ils ont contraint les pays en développement à accepter un accord défavorable, en annonçant un montant à la dernière minute ».

Même les pays riches ne se sont pas déclarés pleinement satisfaits. Agnès Pannier-Runacher, ministre française de la Transition écologique, a reconnu les lacunes de l'accord : «C’est un texte sans ambition, difficilement négocié, qui n’est pas à la hauteur des enjeux».
Les 39 pays contributeurs avaient espéré élargir la base des donateurs à des nations comme la Chine, l’Arabie Saoudite, Singapour ou la Corée du Sud, invoquant l’évolution des capacités économiques depuis 1992. Bien que le texte final invite ces pays à contribuer, il ne le fait que «sur une base volontaire», laissant peu d'espoir pour une participation effective.
 
Des marchés du carbone controversés
 
Un des rares points validés à Bakou concerne les règles des marchés internationaux du carbone. Deux mécanismes ont été approuvés, à la fois, un marché privé, sous la supervision des Nations unies, qui générera des crédits grâce à des projets bas carbone ou de captation des émissions. Et un marché interétatique permettant aux pays d’acheter des crédits d’émission à ceux ayant atteint leurs objectifs.

Cependant, ces mécanismes sont sujets à controverse. Pour les défenseurs, ils offrent aux pays en développement une source de financement pour leurs projets verts. Pour d'autres, ils créent des «droits à polluer» permettant aux pays riches d’éviter leurs propres efforts de décarbonation.

L'ONG Carbon Market Watch souligne des failles majeures, notamment l’absence de contrôle sur les échanges de crédits et des garde-fous insuffisants pour garantir la durabilité des projets. La question des risques n’a pas été abordée : «Que se passe-t-il si une forêt générant des crédits carbone brûle ?», s’interroge l’ONG.
 
Un rendez-vous manqué
 
La COP29 de Bakou laisse un goût amer, particulièrement pour les pays africains qui espéraient une avancée majeure. Le financement promis, loin d’être à la hauteur des attentes, risque de freiner les efforts de transition et d’adaptation. Alors que le continent africain contribue très peu aux émissions mondiales de gaz à effet de serre, il reste parmi les plus touchés par leurs conséquences. Ce déséquilibre, dénoncé par les négociateurs, met une fois de plus en lumière l’urgence d’une action climatique équitable et ambitieuse.

La prochaine COP devra répondre à ces attentes pressantes, sous peine de voir le fossé entre pays riches et pays en développement se creuser davantage. Les applaudissements polis de Bakou ne suffiront pas à apaiser les frustrations d’un continent en quête de justice climatique.

COP29 : Des promesses peu amènes pour les pays africains
Un accord fragile sur le climat, mais un recul sur les énergies fossiles
 
Malgré un accord financier arraché in extremis, la COP29 de Bakou a échoué à traduire en actions concrètes les engagements historiques de la COP28 de Dubaï concernant les énergies fossiles, principaux responsables du changement climatique. Le texte censé mettre en œuvre ces résolutions n'a pas été adopté, les négociateurs déplorant qu'il ait été vidé de son essence initiale.
 
Un revers inquiétant pour les experts
 
François Gemenne, chercheur belge spécialiste du climat et coauteur du 6ᵉ rapport du GIEC, a exprimé son inquiétude : «On pouvait s’attendre à minima à une reconduction des termes de la COP28, mais même cela n’a pas été obtenu», a-t-il déclaré à l'AFP.
Laurence Tubiana, architecte de l’Accord de Paris de 2015, a également souligné la gravité de la situation : «Les conclusions de Bakou ne sont pas à la hauteur des enjeux actuels. Une fois encore, les énergies fossiles ont bénéficié du soutien d'une présidence de COP insuffisamment préparée ».
 
Un contexte difficile dès le départ
 
L'ouverture de la COP29 par le président azerbaïdjanais Ilham Aliev, qui a qualifié les énergies fossiles de «don de Dieu», annonçait déjà un climat tendu. Natalie Jones, experte de l’Institut international pour le développement durable (IISD), a estimé que cette incapacité à avancer sur la question des combustibles fossiles fragilise l’Accord de Paris : «C’est un pas en arrière. Cela place les accords sous assistance respiratoire».
L’inquiétude est amplifiée par les incertitudes géopolitiques à venir. Mme Jones souligne que 2024 pourrait voir un leadership climatique moins ambitieux.
 
Des divergences majeures entre pays
 
Lors des négociations, le groupe des pays arabes a clairement indiqué qu’il rejetterait tout texte ciblant spécifiquement les énergies fossiles. Face à cette opposition, la présidence azerbaïdjanaise a choisi de reporter les discussions plutôt que de risquer un échec total. «Cette décision de repousser l’examen des énergies fossiles est perçue comme un échec par certains, mais elle a permis de sauver l'accord financier», a expliqué un négociateur européen.
 
Des réactions mitigées sur l'accord financier
 
Le délégué canadien a souligné la déception générale : «Nous avons pris des engagements historiques l’année dernière pour nous éloigner des combustibles fossiles. Nous sommes venus à Bakou pour les concrétiser, et nous n’avons pas été à la hauteur».
Le représentant des Fidji a dénoncé un «affront» au processus de négociation, reflet de la frustration des pays du Sud face aux promesses non tenues.
 
Une issue incertaine, mais des discussions à venir
 
Les espoirs se tournent désormais vers les prochaines réunions. Le texte rejeté sera de nouveau discuté en Allemagne en juin prochain, et l’OCDE prévoit de relancer les négociations sur l'interdiction du financement des projets fossiles à l’exportation. Laurence Tubiana reste optimiste : «La discussion sur les énergies fossiles n’est pas terminée, elle est seulement repoussée».
Cependant, le temps presse. Les observateurs s’accordent sur la nécessité d’accélérer les efforts pour respecter l’objectif de l’Accord de Paris, qui vise à limiter l’augmentation de la température mondiale à 1,5 °C. La COP30 sera cruciale pour transformer les discours en actions concrètes, mais une année de plus sans avancées risque de compromettre durablement les objectifs climatiques mondiaux.

Des avancées insuffisantes, dixit le système onusien
 
Après deux semaines de négociations intenses, les délégués de la COP29, la 29ᵉ conférence des parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), se sont accordés sur un financement climatique annuel visant à atteindre 1 300 milliards de dollars d’ici 2035. Surnommée «la COP du financement climatique», cette édition avait pour ambition de fixer un nouvel objectif collectif quantifié (NCQG) pour remplacer l'engagement actuel de 100 milliards de dollars, qui expirera en 2025.
 
Réactions mitigées
 
Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a salué l’accord tout en exprimant sa déception : «J’avais espéré un résultat plus ambitieux, tant sur le financement que sur l’atténuation, pour relever le grand défi auquel nous sommes confrontés».
Il a cependant souligné que cet accord constitue une base solide, à condition que les engagements soient respectés et transformés en actions concrètes.
La délégation de l’Organisation météorologique mondiale (OMM), menée par Celeste Saulo, a insisté sur l’urgence de réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre et d’augmenter les financements pour renforcer la résilience climatique.
 
Un contexte climatique alarmant
 
Selon l’OMM, l’année 2024 pourrait devenir la plus chaude jamais enregistrée, avec une élévation temporaire de 1,5 °C. Les niveaux de gaz à effet de serre sont à des sommets historiques, l’élévation du niveau de la mer s’accélère, et le recul des glaciers atteint des niveaux sans précédent. Les catastrophes climatiques extrêmes ont déjà causé des pertes humaines et économiques considérables dans le monde entier.
«Le temps de l’action est maintenant», a martelé Celeste Saulo, soulignant la responsabilité collective mondiale.
 
Décisions clés et mesures prises
 
Les délégués ont pris plusieurs décisions majeures, à savoir la création d’un marché mondial du carbone soutenu par l’ONU. Ce marché permettra aux pays d’échanger des crédits carbones, encourageant ainsi la réduction des émissions et l’investissement dans des projets climatiques durables. Il y a également le programme pour l’égalité des genres et le climat. Une initiative visant à renforcer l'égalité dans les politiques climatiques a été étendue. Il faut s’attendre aussi à un soutien aux pays les moins avancés (PMA). Un accord a été conclu pour aider ces nations à mettre en œuvre leurs plans nationaux d’adaptation (PNA).
 
Une assurance pour l’humanité
 
Le secrétaire exécutif de la CCNUCC a décrit le nouvel objectif financier comme «une police d'assurance pour l'humanité», soulignant qu’il pourrait favoriser l’essor des énergies propres et protéger des milliards de vies. Toutefois, il a averti que cette assurance ne fonctionnera que si les engagements sont pleinement respectés. «Aucun pays n’a obtenu tout ce qu’il voulait. Nous quittons Bakou avec une montagne de travail devant nous», a-t-il conclu, appelant à une mobilisation renforcée en vue de la COP30, prévue à Belém, au Brésil.
 
Prochaines étapes et priorités de l’OMM
 
De son côté, l’OMM compte concentrer ses efforts sur plusieurs axes, à savoir le renforcement des systèmes d’alerte précoce, notamment grâce à l’initiative «Alertes précoces pour tous»; l’amélioration de la surveillance des gaz à effet de serre à travers la Veille mondiale sur les gaz à effet de serre et le comblement des lacunes en matière d'observation climatique, essentielles pour l’adaptation et l’atténuation.
En conclusion, bien que la COP29 ait posé les bases d’un nouveau financement climatique, les défis restent immenses. Les espoirs reposent sur une action rapide et collective, avec la COP30 comme prochaine étape cruciale dans la lutte contre le changement climatique.

Spécial réalisé par Hassan Bentaleb


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