
Walid Regragui, autrefois encensé comme l’architecte du miracle qatari, est aujourd’hui au pied du mur. Son Maroc, figé dans l’attente d’un second souffle qui ne vient pas, peine à convaincre. L’équipe nationale a perdu en fluidité, en inspiration et en maîtrise. Et à l’approche de la Coupe d’Afrique des nations 2025, qui se jouera sur ses terres, une évidence s’impose : le Maroc n’a pas progressé. Pire, il a régressé.
Si la Coupe du monde 2022 a permis d’entretenir l’illusion, la réalité actuelle est brutale : Regragui n’a pas de projet de jeu. Son équipe ne sait ni créer, ni surprendre, ni dicter le tempo. Face à des adversaires retranchés, elle se heurte inlassablement à son propre vide tactique. Le problème est structurel, profond et résulte d’une gestion approximative, où l’émotion et les discours de motivation prennent le pas sur la stratégie et la rigueur tactique.
Un Maroc orphelin de son identité de jeu
L’un des écueils majeurs de Regragui est son incapacité à doter le Maroc d’un style identifiable. Son équipe oscille entre différents modèles sans jamais véritablement en maîtriser un seul. Défendre bas et jouer en transition rapide ? Cela avait fonctionné en 2022, mais le contexte n’est plus le même. Désormais, le Maroc est attendu, analysé, disséqué. Les adversaires ne laissent plus d’espaces. Ils ferment les couloirs, coupent les lignes de passes, défient Regragui sur son propre terrain : la discipline défensive.
Or, lorsque le Maroc doit faire le jeu, il est totalement désemparé. Il ne sait pas accélérer, ni briser des défenses regroupées. Les circuits offensifs sont indigents. L’animation dans les 30 derniers mètres est quasi inexistante. On assiste à un festival de centres approximatifs, de ballons balancés à l’aveuglette, d’attaques statiques où chacun semble attendre un éclair de génie d’Hakimi ou de Diaz.
L’absence d’un attaquant axial fiable n’explique pas tout. Si le Maroc souffre autant face aux blocs bas, c’est surtout parce que son jeu est prévisible et rigide. Où sont les combinaisons en une touche? Où sont les permutations entre milieux et ailiers? Où sont les schémas permettant de créer le surnombre et la supériorité positionnelle? Rien de tout cela ne transpire du Maroc version Regragui.
Un entraîneur incapable d’ajuster son plan en cours de match
Les grands sélectionneurs se distinguent par leur capacité à lire une rencontre, à ajuster leur stratégie en temps réel, à dicter le tempo depuis le banc. Chez Regragui, ce sens tactique fait cruellement défaut. Lorsqu’un plan ne fonctionne pas, il s’entête, incapable de modifier sa structure de jeu. Ses changements sont souvent tardifs, hasardeux, déconnectés du scénario du match.
Prenons un exemple concret : lorsque le Maroc est tenu en échec par une équipe modeste qui défend bas, que fait Regragui ? Il multiplie les entrées de joueurs offensifs, espérant qu’un talent individuel force le verrou. C’est du bricolage. Du football d’improvisation. Une équipe qui aspire à dominer l’Afrique ne peut pas se permettre de reposer uniquement sur des exploits individuels.
En 2022, Regragui parlait d’une approche humble et réaliste qui avait permis au Maroc de se hisser parmi les meilleures nations mondiales. Mais aujourd’hui, ce discours sonne creux. Le football moderne ne récompense pas les entraîneurs qui subissent, mais ceux qui imposent. Guardiola, Ancelotti, Klopp, Deschamps : tous ont su, à un moment donné, adapter leur philosophie aux exigences du haut niveau. Regragui, lui, campe sur ses acquis, figé dans une posture défensive qui ne suffit plus.
Et c’est bien là le problème : le football d’aujourd’hui ne tolère plus l’immobilisme. Il exige des entraîneurs qu’ils anticipent, qu’ils réagissent, qu’ils dictent le rythme au lieu de le subir. Or, chez Regragui, l’absence de vision tactique devient une entrave majeure. Il ne lit pas le jeu, il le regarde. Il ne prend pas d’initiatives, il les subit. Chaque match suit un scénario identique : une possession stérile, une domination sans relief, une attaque en panne d’inspiration. Quand le bloc adverse résiste, le Maroc ne sait pas contourner l’obstacle. Aucune variation, aucun ajustement, aucun sursaut.
Ce n’est pas ainsi qu’une équipe grandit. Ce n’est pas ainsi qu’on impose son jeu. Les grandes nations, celles qui brillent sur la durée, ne laissent rien au hasard. Elles construisent des automatismes, elles peaufinent des schémas variés, elles savent s’adapter en cours de match. Le Maroc, lui, donne l’impression d’être resté coincé dans l’ère des coups d’éclat, sans jamais bâtir une véritable identité de jeu. Regragui avait promis une équipe conquérante, il a façonné une formation hésitante. Il avait prôné l’humilité, il semble désormais enfermé dans une prudence excessive. Résultat : face à des équipes de second plan, le Maroc s’enlise ; face à des nations de premier rang, il risque de couler.
Une gestion du groupe confuse
Les choix de Walid Regragui en matière de sélection sont, eux aussi, sujets à controverse. A trop vouloir s’appuyer sur un noyau dur, il prend le risque d’ignorer des talents en pleine ascension. A l’inverse, certaines de ses décisions interrogent : comment expliquer la titularisation persistante de joueurs en méforme ? Pourquoi certains éléments prometteurs peinent-ils à avoir leur chance ?
Dans une équipe nationale, l’équilibre est fragile. Les joueurs doivent sentir qu’ils sont choisis pour leur mérite, et non pour leur historique. Lorsqu’un sélectionneur envoie des signaux contradictoires, il fragilise l’ensemble du collectif. Or, ce Maroc version Regragui manque d’équilibre, d’harmonie, d’unité. Les blessures fréquentes, les tensions latentes, l’impression d’une équipe qui ne sait plus où elle va : tout cela témoigne d’un malaise plus profond.
Un malaise qui se traduit sur le terrain par une équipe sans souffle, sans fraîcheur, comme engluée dans une mécanique rouillée où l’inspiration individuelle est souvent la seule planche de salut. Les titulaires s’essoufflent et les rares changements opérés semblent davantage dictés par l’usure du temps que par une réelle vision tactique. A force de s’accrocher à des certitudes fragiles, Regragui se prive de l’émulation nécessaire à toute équipe qui aspire au sommet.
Pire encore, cette gestion à contretemps envoie un message désastreux : peu importe le rendement, peu importe la dynamique, certains ont un passe-droit quand d’autres restent condamnés à l’attente. Une telle inertie finit par scléroser le collectif, par instiller un doute pernicieux au sein du vestiaire, où chacun devrait pourtant se sentir impliqué, concerné, indispensable. Une équipe nationale n’est pas un club où l’on construit sur la durée, c’est un organisme vivant, qui doit s’adapter, évoluer, se réinventer. Aujourd’hui, ce Maroc-là semble figé, prisonnier de schémas éculés et d’une gestion frileuse l’empêchant d’exploiter son plein potentiel.
Une obligation de victoire… et un potentiel naufrage
La pression sera immense. Jamais le Maroc n’a été aussi attendu dans une Coupe d’Afrique des nations. A domicile, avec un effectif riche, l’échec n’est tout simplement pas une option. Depuis 1976, les Lions de l’Atlas n’ont plus soulevé ce trophée. Cette disette doit prendre fin.
Mais comment imaginer un Maroc triomphant quand l’équipe peine déjà face à des adversaires de second plan ? Comment croire en un sacre quand Regragui n’a toujours pas trouvé la formule pour dominer les débats ?
Les scénarios sont clairs : Si le Maroc échoue en phase de groupes ou en huitièmes, ce sera un séisme national. Un scandale absolu. Regragui sera immédiatement limogé et son passage à la tête des Lions de l’Atlas restera comme l’un des plus grands fiascos du football marocain. Si le Maroc atteint les quarts ou les demi-finales, cela ne suffira pas. L’attente est trop grande, le public trop exigeant. Cette équipe n’a pas été bâtie pour être dans le dernier carré. Elle doit gagner. Si le Maroc remporte la CAN, alors Regragui fera taire toutes les critiques… mais le doute demeure : en est-il réellement capable?
L’histoire récente nous montre que la gestion d’une compétition à domicile est un piège. La Côte d’Ivoire 1984, la Tunisie 1994, le Ghana 2008, l’Egypte 2019 : autant d’exemples d’équipes qui, sous la pression de leur propre public, se sont effondrées. Le Maroc sera-t-il une exception ou une victime de plus?
Un entraîneur au bord du précipice
L’argument du temps ne tient plus. Walid Regragui a eu du temps, du soutien, des ressources pour façonner son équipe. Mais aujourd’hui, les résultats ne suivent pas. Son Maroc est une équipe qui tourne en rond, qui s’enlise dans ses propres insuffisances, qui donne l’impression d’avoir perdu son élan.
La CAN 2025 sera son dernier test. Son ultime chance de faire taire les sceptiques. Mais à l’heure actuelle, il n’y a aucun signe d’un Maroc conquérant, structuré, prêt à dominer le continent.
Si Regragui continue ainsi, il ne sera bientôt plus l’homme du miracle de 2022. Il sera l’homme du désastre de 2025. Et l’histoire du football marocain retiendra son nom non pas pour son triomphe, mais pour sa chute.
Mehdi Ouassat