Comme chacun sait, le Maroc, notre Maroc, est devenu ces derniers temps la cible indiquée de toutes sortes d’attaques directes et indirectes. Que répondre à l’encontre de ces attaques toutes venimeuses, qui sont reprises et répercutées par ce qu’on peut appeler avec Roland Barthes la « presse NI NI » ? Car à se pencher sur ce qui les caractérise, on ne peut en effet ne pas être déconcerté par leur contenu (truffé d’allégations et de mensonges), et par leurs modalités faites de connotations et de raccourcis ahurissants.
1.Cheikh Pegasus vous avez dit ?
Or il n’y a pas l’ombre d’un doute que cette presse est confrontée à l’un des deux problèmes : soit elle passe par une difficile conjoncture de positionnement, soit elle souffre d’un besoin impérieux de reconnaissance. Dans les deux cas, elle doit se sentir dépassée par les mutations que connaît le monde actuellement. Plus grave : en croyant ainsi faire preuve d’audace, elle s’empêtre davantage dans le gouffre de l’ignorance et de l’anachronisme. Ce qui (malheureusement pour elle) l’empêche de prendre conscience qu’elle n’a d’égard (provisoire) qu’auprès de ceux qui l’utilisent pour des agendas précis.
Au Maroc, nous nous sommes depuis très longtemps accoutumés à ce procédé (devenu classique) qu’il en faut plus pour nous déstabiliser. Plus particulièrement aujourd’hui où le Royaume (peuple et Monarchie) est déterminé à relever unanimement les défis du progrès. Si bien que rien n’est plus en mesure de nous détourner de ce cap sans cesse repensé et défini par S.M. le Roi Mohammed VI. Avec l’affirmation de plus en plus marquée des forces vives de la société civile, notre pays continue désormais de s’en passionner. Et du même coup, il ne trouve d’occupation plus intéressante que de cultiver son jardin. C’est le seul enjeu profond qui compte aux yeux de ses femmes, de ses hommes et de ses jeunes. S’il faut absolument s’investir dans la séduction d’un public à l’affût du sensationnel, ce n’est donc nullement au détriment du Maroc qu’il faudra essayer de faire fortune.
Libre à certains commentateurs (quel que soit le parapluie sous lequel ils se placent) de regarder le Maroc sous le prisme du négativisme. S’ils en font une obsession, nous comprenons bien qu’ils ont sans doute quelque chose à dissimuler,- comme par exemple détourner les regards des contradictions internes aux entités qu’ils s’agitent à servir. Mais ce qui est à craindre tout de même pour eux, c’est de les voir un jour subir la pire des humiliations sur le terrain d’affrontements éventuels opposant ces entités. Une fois le divertissement terminé, ils deviendront les spectateurs de leur propre effondrement précipité par ceux-là mêmes qui les manipulent à l’aide de diverses machinations.
Qu’il soit dit clairement, au Maroc, non seulement nous n’avons rien à cacher, mais aussi rien à épier ou envier non plus chez les autres. Surtout pas du côté de nos voisins du Nord et du Sud de la Méditerranée d’autant plus que, pendant des lustres, nous avons eu en partage plus que le sel et le pain. Autrement dit, nous sommes tellement proches d’eux que ce serait une offense à nos valeurs communes de douter de leur confiance, de croire qu’ils trament discrètement quelque chose de suspicieux dans notre dos.
Gardons-nous d’oublier (surtout en cette période d’interrogations et de remises en question au plan mondial) les véritables leçons de l’Histoire : le sang des Marocains s’est mêlé avec celui de nos voisins, de part et d’autre de la Méditerranée, dans d’âpres combats pour le triomphe de la liberté et de la démocratie. Bien sûr, comme de «vieux amants», «mille fois nous eûmes des orages » : que de malentendus nous avons connus en effet et que de déchirures à cause de brouilles ou de bouderies inattendues ! Parfois pour un oui ou pour un non, alors que des fois aussi pour des raisons de géopolitique ou de géostratégie. Ce qui n’a rien d’anormal surtout que, malgré la rivalité aidant, les lignes de respect n’ont jamais été ni effleuries ni franchies. Parmi elles, notamment, le refus de fouiner dans ce qui relève chez l’autre de l’ordre de l’intime et de sa part d’ombre.
Aussi est-il absurde de prétendre que, pour s’y infiltrer, le Maroc s’est octroyé le service malveillant d’un quelconque Cheikh hyper intelligent et performant, marqué du sceau du Couchant ou du Levant. Totalement nulle, l’accusation colportée révèle cependant à quel point l’effort suffisant n’a pas encore été fait par certains de nos voisins afin de mieux nous connaître. Effort que feu Hassan II avait pourtant réclamé d’eux il y a bien des années. D’une façon ou d’une autre, cette accusation dénote aussi un constat d’échec au sein des lobbys anti-Maroc qui, comme pris d’hystérie furieuse, jettent leurs dernières cartes dans la bataille visant à porter le fer contre son image.
Il serait long de revenir ici sur toutes les raisons qui expliquent l’invulnérabilité du Maroc. On se contentera de dire, sans arrogance ni chauvinisme, que si le Maroc nourrissait un quelconque dessein nuisible vis-à–vis de ses voisins, il n’aurait pas opté pour la politique qu’il mène aujourd’hui fondée sur l’ouverture des frontières et la coopération tous azimuts. Internationalement, sa diplomatie est reconnue pour être celle de la main tendue, de la non-ingérence, de la défense de la paix et de la solidarité. Ce sont là des principes qu’il a adoptés avec constance et rigueur depuis l’indépendance, et qui sont devenus pour lui source d’une vision de conduite empreinte de souplesse, de compréhension et de sagesse.
Mais si au Maroc toutes les composantes de la société sont totalement pétries de cette vision, elles n’admettent absolument aucune forme d’atteinte à leur monarchie, à leur intégrité territoriale et à leur dignité. De même qu’elles ne s’autorisent nul écart par rapport à ce qui constitue la souveraineté d’un voisin proche ou lointain. Rien d’étonnant de les voir toutes se raidir quand un tel écart est produit, qu’il s’agisse d’un côté ou de l’autre. C’est ce qui donne au pays sa fierté, et qui fait qu’il n’accepte pas (quel que soit le prétexte invoqué) que des moustiques ou des abeilles viennent lui piquer les oreilles et le cou.
1.Cheikh Pegasus vous avez dit ?
Or il n’y a pas l’ombre d’un doute que cette presse est confrontée à l’un des deux problèmes : soit elle passe par une difficile conjoncture de positionnement, soit elle souffre d’un besoin impérieux de reconnaissance. Dans les deux cas, elle doit se sentir dépassée par les mutations que connaît le monde actuellement. Plus grave : en croyant ainsi faire preuve d’audace, elle s’empêtre davantage dans le gouffre de l’ignorance et de l’anachronisme. Ce qui (malheureusement pour elle) l’empêche de prendre conscience qu’elle n’a d’égard (provisoire) qu’auprès de ceux qui l’utilisent pour des agendas précis.
Au Maroc, nous nous sommes depuis très longtemps accoutumés à ce procédé (devenu classique) qu’il en faut plus pour nous déstabiliser. Plus particulièrement aujourd’hui où le Royaume (peuple et Monarchie) est déterminé à relever unanimement les défis du progrès. Si bien que rien n’est plus en mesure de nous détourner de ce cap sans cesse repensé et défini par S.M. le Roi Mohammed VI. Avec l’affirmation de plus en plus marquée des forces vives de la société civile, notre pays continue désormais de s’en passionner. Et du même coup, il ne trouve d’occupation plus intéressante que de cultiver son jardin. C’est le seul enjeu profond qui compte aux yeux de ses femmes, de ses hommes et de ses jeunes. S’il faut absolument s’investir dans la séduction d’un public à l’affût du sensationnel, ce n’est donc nullement au détriment du Maroc qu’il faudra essayer de faire fortune.
Libre à certains commentateurs (quel que soit le parapluie sous lequel ils se placent) de regarder le Maroc sous le prisme du négativisme. S’ils en font une obsession, nous comprenons bien qu’ils ont sans doute quelque chose à dissimuler,- comme par exemple détourner les regards des contradictions internes aux entités qu’ils s’agitent à servir. Mais ce qui est à craindre tout de même pour eux, c’est de les voir un jour subir la pire des humiliations sur le terrain d’affrontements éventuels opposant ces entités. Une fois le divertissement terminé, ils deviendront les spectateurs de leur propre effondrement précipité par ceux-là mêmes qui les manipulent à l’aide de diverses machinations.
Qu’il soit dit clairement, au Maroc, non seulement nous n’avons rien à cacher, mais aussi rien à épier ou envier non plus chez les autres. Surtout pas du côté de nos voisins du Nord et du Sud de la Méditerranée d’autant plus que, pendant des lustres, nous avons eu en partage plus que le sel et le pain. Autrement dit, nous sommes tellement proches d’eux que ce serait une offense à nos valeurs communes de douter de leur confiance, de croire qu’ils trament discrètement quelque chose de suspicieux dans notre dos.
Gardons-nous d’oublier (surtout en cette période d’interrogations et de remises en question au plan mondial) les véritables leçons de l’Histoire : le sang des Marocains s’est mêlé avec celui de nos voisins, de part et d’autre de la Méditerranée, dans d’âpres combats pour le triomphe de la liberté et de la démocratie. Bien sûr, comme de «vieux amants», «mille fois nous eûmes des orages » : que de malentendus nous avons connus en effet et que de déchirures à cause de brouilles ou de bouderies inattendues ! Parfois pour un oui ou pour un non, alors que des fois aussi pour des raisons de géopolitique ou de géostratégie. Ce qui n’a rien d’anormal surtout que, malgré la rivalité aidant, les lignes de respect n’ont jamais été ni effleuries ni franchies. Parmi elles, notamment, le refus de fouiner dans ce qui relève chez l’autre de l’ordre de l’intime et de sa part d’ombre.
Aussi est-il absurde de prétendre que, pour s’y infiltrer, le Maroc s’est octroyé le service malveillant d’un quelconque Cheikh hyper intelligent et performant, marqué du sceau du Couchant ou du Levant. Totalement nulle, l’accusation colportée révèle cependant à quel point l’effort suffisant n’a pas encore été fait par certains de nos voisins afin de mieux nous connaître. Effort que feu Hassan II avait pourtant réclamé d’eux il y a bien des années. D’une façon ou d’une autre, cette accusation dénote aussi un constat d’échec au sein des lobbys anti-Maroc qui, comme pris d’hystérie furieuse, jettent leurs dernières cartes dans la bataille visant à porter le fer contre son image.
Il serait long de revenir ici sur toutes les raisons qui expliquent l’invulnérabilité du Maroc. On se contentera de dire, sans arrogance ni chauvinisme, que si le Maroc nourrissait un quelconque dessein nuisible vis-à–vis de ses voisins, il n’aurait pas opté pour la politique qu’il mène aujourd’hui fondée sur l’ouverture des frontières et la coopération tous azimuts. Internationalement, sa diplomatie est reconnue pour être celle de la main tendue, de la non-ingérence, de la défense de la paix et de la solidarité. Ce sont là des principes qu’il a adoptés avec constance et rigueur depuis l’indépendance, et qui sont devenus pour lui source d’une vision de conduite empreinte de souplesse, de compréhension et de sagesse.
Mais si au Maroc toutes les composantes de la société sont totalement pétries de cette vision, elles n’admettent absolument aucune forme d’atteinte à leur monarchie, à leur intégrité territoriale et à leur dignité. De même qu’elles ne s’autorisent nul écart par rapport à ce qui constitue la souveraineté d’un voisin proche ou lointain. Rien d’étonnant de les voir toutes se raidir quand un tel écart est produit, qu’il s’agisse d’un côté ou de l’autre. C’est ce qui donne au pays sa fierté, et qui fait qu’il n’accepte pas (quel que soit le prétexte invoqué) que des moustiques ou des abeilles viennent lui piquer les oreilles et le cou.
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2.Un art de vivre séculaire
Si le Maroc reste toujours fidèle à cette ligne de conduite, c’est parce qu’il a appris à compter sur ses propres moyens, afin de pouvoir peser de son propre poids sur le cours des choses. L’on peut globalement saisir la portée de notre propos en référant à un seul indicateur pleinement significatif : selon les prévisions de sources fiables, le taux de croissance du Maroc pour 2022 avoisinerait les 4%. Ce qui peut être considéré comme une performance en ces temps de crise, mais ne constitue nullement un fait nouveau. Les péripéties de toutes envergures, faut-il le rappeler, n’ont jamais infléchi la volonté du pays à persévérer dans la voie du développement. A qui voudrait connaître les raisons de cette persévérance, une plongée dans l’Histoire du pays (économique et sociale) serait à coup sûr très fructueuse. Mais le plus important encore est de tenir compte de la vision du monde qu’ont les nationaux de leur façon d’être et de construire leur projet de société.
Sans être anthropologues, on peut en avoir une idée assez juste à la lumière du contexte actuel dominé par la Covid-19. Malgré la morosité endurante que cette pandémie nous impose avec son lot de handicaps et de contraintes, il est à constater qu’au Maroc nous gardons un sens remarquable de l’émerveillement, de l’humour et du rire. Non seulement nous avons une appréhension réaliste de ce qui se passe chez nous et dans le monde, mais nous avons surtout tendance à nous marrer presque de tout et de rien en tous lieux : au travail, au sein de la famille, avec les amis, dans les espaces publics… Cette caractéristique n’est pas spécifique au genre masculin comme on pourrait le penser. Peut-être est-elle encore plus présente chez les femmes, d’autant plus qu’elles ont plus particulièrement l’art de tout tourner en dérision- non sans parfois une certaine pointe incendiaire. C’est qu’à force d’avoir été pendant des décennies soumises à la morale dogmatique prêchant le culte de la «perfection», elles ont fini par prendre conscience que celle-ci ne peut être jamais atteinte, comme disait Salvador Dali.
Mais il faut admettre que, de manière générale, on apprend très tôt dans notre société à colorer d’un sourire d’espoir les cieux les plus gris et les jours les plus tristes. Aussi est-il sans doute significatif d’entendre dans la bouche de nos concitoyens des phrases comme : «Du moment que la mort est inévitable, continuons de vivre heureux» ; «Vivons bien, vivons mieux et advient qui pourra». On comprend pourquoi dans notre rapport au monde il n’y a aucune place pour le tragique, tant on lui préfère le comique dont on fait un outil d’une pensée lucide permettant de mettre à distance nos malaises sociaux.
Cela a été parfaitement saisi par certains de nos dramaturges comme Tayeb Seddiki, Ahmed Tayeb Laâlej et Thouria Jebrane chez lesquels le théâtre est d’abord un moyen privilégié pour souligner notre inclination aux plaisirs de la satire et de la raillerie, qui mettent à mal les codes stéréotypés du langage creux qu’affectionnent tant les tenants de la doxa politique et théologique. N’est-ce pas parce que chacun de nous porte au fond de lui-même ce plaisir inouï de la joie, qu’au lieu de nous morfondre ou de nous laisser aller au désespoir, nous nous armons toujours de bienveillance ?
Cette attitude ne signifie cependant pas soumission ou servitude. L’histoire du Maroc est émaillée de révoltes et d’insurrections contre divers systèmes oppressifs du pouvoir. Ce qui a aguerri notre société contre toute sorte d’implosion, en consolidant son harmonie et son équilibre interne. Aussi la stratification sociale au Maroc est-elle moins marquée par des lignes de fracture que par des mécanismes d’articulation qui font jouer divers paradigmes participant plus de l’ordre du matériel et du spirituel que de l’idéologique. L’on ne pourrait donc pas parler d’un Maroc d’en bas et d’un Maroc d’en haut, mais d’un seul et même pays uni par un seul et unique destin. On trouverait là, serait-on tenté de dire, la raison essentielle de notre capacité à barrer la route aux marchands des extrémismes de tous bords et autres vendeurs de chimères trompeuses et de paradis artificiels. La détermination du Marocain à vivre avec ce qu’il a (quel que soit le montant de sa recette journalière ou mensuelle), est un facteur capital dans la formation de sa conscience et de sa conviction. C’est elle qui le met en effet à l’abri de toute forme de dérive qui ébranlerait ses aspirations au bonheur individuel et collectif.
Cette même détermination est constitutive de l’approche solidaire qu’il a à l’égard des autres, particulièrement ses voisins. Car si les Marocains sont convaincus que leur avenir se construit d’abord chez eux et par eux-mêmes, ils trouvent presque naturel un prolongement de cette construction par la recherche des moyens dont ils ont besoin chez le voisin. Ainsi lorsque le pays passait par les dures années de l’ajustement structurel, beaucoup de nos jeunes n’hésitaient pas à aller travailler en Libye et en Algérie, en Espagne, en France et en Italie. Spontanément, ils donnaient un sens fort à la notion d’appartenance méditerranéenne, la vidant des sèmes connotatifs d’exil et d’étrangéité.
C’est qu’ils savent (quoique par bribes d’anecdotes et récits épars) que durant le Moyen-âge et bien des siècles après, on circulait librement entre ces pays. La première carte de la Méditerranée, établie par Charif Al Idrissi, n’est pas le produit de l’imaginaire, mais de cette circulation historique qui ne cesse de se renouveler aujourd’hui en dépit de toutes les difficultés. Elle témoigne de l’encrage des Marocains dans l’espace méditerranéen, comme l’atteste leur généalogie constituée de multiples affluents : amazigh, byzantin, romain, phénicien, arabo-musulman, judaïque…
Si le Maroc reste toujours fidèle à cette ligne de conduite, c’est parce qu’il a appris à compter sur ses propres moyens, afin de pouvoir peser de son propre poids sur le cours des choses. L’on peut globalement saisir la portée de notre propos en référant à un seul indicateur pleinement significatif : selon les prévisions de sources fiables, le taux de croissance du Maroc pour 2022 avoisinerait les 4%. Ce qui peut être considéré comme une performance en ces temps de crise, mais ne constitue nullement un fait nouveau. Les péripéties de toutes envergures, faut-il le rappeler, n’ont jamais infléchi la volonté du pays à persévérer dans la voie du développement. A qui voudrait connaître les raisons de cette persévérance, une plongée dans l’Histoire du pays (économique et sociale) serait à coup sûr très fructueuse. Mais le plus important encore est de tenir compte de la vision du monde qu’ont les nationaux de leur façon d’être et de construire leur projet de société.
Sans être anthropologues, on peut en avoir une idée assez juste à la lumière du contexte actuel dominé par la Covid-19. Malgré la morosité endurante que cette pandémie nous impose avec son lot de handicaps et de contraintes, il est à constater qu’au Maroc nous gardons un sens remarquable de l’émerveillement, de l’humour et du rire. Non seulement nous avons une appréhension réaliste de ce qui se passe chez nous et dans le monde, mais nous avons surtout tendance à nous marrer presque de tout et de rien en tous lieux : au travail, au sein de la famille, avec les amis, dans les espaces publics… Cette caractéristique n’est pas spécifique au genre masculin comme on pourrait le penser. Peut-être est-elle encore plus présente chez les femmes, d’autant plus qu’elles ont plus particulièrement l’art de tout tourner en dérision- non sans parfois une certaine pointe incendiaire. C’est qu’à force d’avoir été pendant des décennies soumises à la morale dogmatique prêchant le culte de la «perfection», elles ont fini par prendre conscience que celle-ci ne peut être jamais atteinte, comme disait Salvador Dali.
Mais il faut admettre que, de manière générale, on apprend très tôt dans notre société à colorer d’un sourire d’espoir les cieux les plus gris et les jours les plus tristes. Aussi est-il sans doute significatif d’entendre dans la bouche de nos concitoyens des phrases comme : «Du moment que la mort est inévitable, continuons de vivre heureux» ; «Vivons bien, vivons mieux et advient qui pourra». On comprend pourquoi dans notre rapport au monde il n’y a aucune place pour le tragique, tant on lui préfère le comique dont on fait un outil d’une pensée lucide permettant de mettre à distance nos malaises sociaux.
Cela a été parfaitement saisi par certains de nos dramaturges comme Tayeb Seddiki, Ahmed Tayeb Laâlej et Thouria Jebrane chez lesquels le théâtre est d’abord un moyen privilégié pour souligner notre inclination aux plaisirs de la satire et de la raillerie, qui mettent à mal les codes stéréotypés du langage creux qu’affectionnent tant les tenants de la doxa politique et théologique. N’est-ce pas parce que chacun de nous porte au fond de lui-même ce plaisir inouï de la joie, qu’au lieu de nous morfondre ou de nous laisser aller au désespoir, nous nous armons toujours de bienveillance ?
Cette attitude ne signifie cependant pas soumission ou servitude. L’histoire du Maroc est émaillée de révoltes et d’insurrections contre divers systèmes oppressifs du pouvoir. Ce qui a aguerri notre société contre toute sorte d’implosion, en consolidant son harmonie et son équilibre interne. Aussi la stratification sociale au Maroc est-elle moins marquée par des lignes de fracture que par des mécanismes d’articulation qui font jouer divers paradigmes participant plus de l’ordre du matériel et du spirituel que de l’idéologique. L’on ne pourrait donc pas parler d’un Maroc d’en bas et d’un Maroc d’en haut, mais d’un seul et même pays uni par un seul et unique destin. On trouverait là, serait-on tenté de dire, la raison essentielle de notre capacité à barrer la route aux marchands des extrémismes de tous bords et autres vendeurs de chimères trompeuses et de paradis artificiels. La détermination du Marocain à vivre avec ce qu’il a (quel que soit le montant de sa recette journalière ou mensuelle), est un facteur capital dans la formation de sa conscience et de sa conviction. C’est elle qui le met en effet à l’abri de toute forme de dérive qui ébranlerait ses aspirations au bonheur individuel et collectif.
Cette même détermination est constitutive de l’approche solidaire qu’il a à l’égard des autres, particulièrement ses voisins. Car si les Marocains sont convaincus que leur avenir se construit d’abord chez eux et par eux-mêmes, ils trouvent presque naturel un prolongement de cette construction par la recherche des moyens dont ils ont besoin chez le voisin. Ainsi lorsque le pays passait par les dures années de l’ajustement structurel, beaucoup de nos jeunes n’hésitaient pas à aller travailler en Libye et en Algérie, en Espagne, en France et en Italie. Spontanément, ils donnaient un sens fort à la notion d’appartenance méditerranéenne, la vidant des sèmes connotatifs d’exil et d’étrangéité.
C’est qu’ils savent (quoique par bribes d’anecdotes et récits épars) que durant le Moyen-âge et bien des siècles après, on circulait librement entre ces pays. La première carte de la Méditerranée, établie par Charif Al Idrissi, n’est pas le produit de l’imaginaire, mais de cette circulation historique qui ne cesse de se renouveler aujourd’hui en dépit de toutes les difficultés. Elle témoigne de l’encrage des Marocains dans l’espace méditerranéen, comme l’atteste leur généalogie constituée de multiples affluents : amazigh, byzantin, romain, phénicien, arabo-musulman, judaïque…
Abderrahman Tenkoul
Cette même généalogie, rappelons-le, est commune à la plupart des peuples du pourtour méditerranéen, d’autant plus qu’ils ont baigné dans la même culture, la même poésie et la même philosophie. Aucun scepticisme, croyons-nous, ne peut ébranler ce monument de l’Histoire forgé par tant d’épreuves. Qui, à part les amateurs de fiction autour des cheikhs de la cybernétique et ses dérivés, se hasarderait à penser le contraire alors que chacun des peuples de la mare nostrum se fait un devoir de s’en souvenir et d’en faire un art de vivre ?
Par Abderrahman Tenkoul (EUROMED- Fès)
Par Abderrahman Tenkoul (EUROMED- Fès)