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La première chose qu’elle a faite à son arrivée à la tête de l’Institut français d’Agadir a été de visiter tous les lieux culturels de la ville. Béatrice Bertrand, directrice de l’IFA, a ensuite décidé d’investir les lieux de culture de la ville d’Al Inbiâte. Entretien
Libération : Parlez-nous des espaces culturels à Agadir et des activités qui font de l’aspect culturel, éducatif et récréatif une priorité.
Béatrice Bertrand : Agadir est une ville dynamique, en pleine croissance, extrêmement intéressante par sa diversité. Les lieux comme le complexe culturel Jamal Addourra, la salle des fêtes de la municipalité, le grand cinéma le Rialto, le grand théâtre de verdure, la salle omnisports, le complexe Khair-Eddine, les petites maisons de quartier, outre les lieux extérieurs comme la place Al Amal, il y a des lieux à investir dans cette ville et Agadir peut devenir une grande capitale de la culture.
C’est là où intervient l’Institut français d’Agadir…
Je n’aurais pas cette prétention, mais modestement et grâce au concours de la municipalité qui met à notre disposition tous ces lieux gratuitement, son personnel et grâce aux autorités et en bonne intelligence avec les partenaires locaux, nous intervenons comme partenaires. On reçoit beaucoup de personnes à l’Institut français d’Agadir qui est un lieu d’accueil. Les initiatives sont très nombreuses, et grâce à la coopération et à ces partenariats on identifie le public et l’on peut répondre à la demande de façon adaptée. Sans ces partenaires locaux, je ne pourrai rien faire.
L’IFA sort de ses murs pour investir les lieux culturels d’Agadir depuis votre arrivée. Qu’est-ce qui a motivé ce changement de cap ?
D’abord c’est notre fonction première. L’IFA est un organisme d’Etat, un organisme public et nous sommes là dans une logique de coopération culturelle, linguistique. L’idée est de travailler en parfaite coopération avec nos partenaires marocains. Donc sortir de l’Institut est une évidence puisqu’il y a des lieux culturels que nous n’avons pas ici. En plus les artistes français qui viennent travailler ici apprécient beaucoup les échanges avec les artistes marocains et vice-versa…C’est là vraiment le cœur de notre mission.
Vous avez derrière vous une longue expérience de théâtre. Est-ce que cela vous a aidé à diagnostiquer l’espace d’Agadir et de l’investir par la suite ?
Tout à fait, j’ai passé de nombreuses années auprès de Mr Hassan Smili, doyen de la Faculté des lettres de Ben M’sik, j’ai appris le métier que je fais maintenant. Dans le Festival international de théâtre universitaire de Casablanca, le programme de coopération à ce moment-là était de former des jeunes à l’action culturelle ; donc nous avions monté avec lui les 1ères licences professionnelles à l’action culturelle et c’est vrai que ces 10 années à l’Université de Ben M’sik et avec de nombreux acteurs de cette ville m’ont beaucoup aidé quand je suis arrivée à Agadir.
Qu’en est-il de la programmation de l’année en cours ?
L’année qui s’achève, nous avons essayé d’être au plus près des événements déjà existants et des institutions, l’Université Ibn Zohr, les festivals en leur demandant à chaque fois le petit plus qu’on pourrait ajouter. On a été aussi aux côtés des petites associations et des petites compagnies qui sont venues travailler en résidence chez nous, que ce soit pour la musique ou pour le théâtre. On a reçu la compagnie de Peter Brook, Maymouna Gay qui est une grande star de théâtre et toujours sur des problématiques qui nous semblaient correspondre à des questionnements du public: problèmes de l’immigration, de société, comment se côtoient les classes sociales, comment s’exercent le pouvoir de l’argent et la domination économique et comment avec ça on peut s’en sortir avec intelligence et humour. Ensuite, il y a eu un temps très fort cet été avec la compagnie du nouveau cirque contemporain, les Colporteurs. L’idée était de trouver aux côtés de nos partenaires un spectacle qui convienne à tous, accessible en famille, de haute qualité artistique, qui soit totalement contemporain et qui fasse réfléchir. Le fil sous la neige, c’était tout ça, une haute qualité, une performance artistique et sportive et c’est un spectacle d’une sensibilité poétique…Le chapiteau a été présent à la place Al Amal, nous n’avons annulé qu’une représentation à cause du chergui. Pendant les 12 représentations, le chapiteau était à chaque fois comble, c’était sur invitation. L’été il y a un public de Marocains qui sont à Agadir en vacances, très heureux de pouvoir accéder à des manifestations culturelles. Il y a un autre moment fort, c’était un pari que l’IFA avait pris, celui de faire venir le ballet d’Europe en tournée au Maroc et donc à Agadir. L’événement a eu lieu le 3 octobre au théâtre de verdure ; on a accueilli 3000 personnes qui sont restées jusqu’à la fin des deux pièces présentées.
… Et pour l’année à venir ?
La programmation forte de 2009 nous amène à celle de l’année prochaine. Je peux vous dire qu’il y aura un temps fort : Molière en mai/juin avec une mise en scène de Schiaretti, Théâtre national de Villeurbanne, là ce sera avec des costumes d’époque, des farces et des comédies. Je pense que ça plaira beaucoup. Ensuite on aura une version du « Bourgeois gentilhomme », complètement 21ème siècle qui se moque un peu de la bourgeoisie qu’on appelle en France « bling bling, c'est-à-dire cette nouvelle bourgeoisie qui a comme seules valeurs l’avoir et pas l’être, posséder, dépenser, logique de consommation, l’argent. Cette compagnie de Philippe Car a su s’emparer du texte de Molière et nous montre que finalement au 17ème siècle, les sociétés avaient exactement, hélas ! les mêmes défauts et que ce type de personnage existait déjà. Ce qui est intéressant, c’est qu’ils font ça avec des robots sur scène, des marionnettes géantes…c’est complètement délirant. C’est compréhensible par tous et c’est tout de même le texte de Molière. Le 2ème temps fort ce sera aussi la 2ème quinzaine de juillet ; on travaille là avec le producteur du Festival Al Man’Art de Marrakech et avec d’autres compagnies des arts de la rue et du cirque. Cette fois-ci on ne va investir que la place Al Amal, on va investir au moins une dizaine de places à Agadir et ses environs avec des parades, des spectacles de marionnettes géantes, des acrobates, la Compagnie des Galapiats qui est du Centre national du cirque Contemporain en France. Donc des choses qu’on choisira dans le même esprit que les Colporteurs, c’est-à-dire des choses belles et en même temps accessibles à tous pour, évidemment, le principe de gratuité et d’un accès facile à la culture.
Agadir ne possède pas de salle de théâtre. Avec toutes ces programmations et celles bien évidemment des autres instances et troupes culturelles, est-ce que, quelque part, ce handicap ne dénature pas le plaisir de suivre l’événement dans un cadre plus approprié et donc plus agréable ?
Il est vrai que s’il y avait une salle avec des fauteuils en gradin et un équipement technique adapté, ce serait magique parce que le public, on s’en est rendu compte, adore le théâtre mais je crois qu’une vraie salle va voir le jour à Agadir ; une vraie belle salle avec tout ce qu’il faut comme projecteurs pour pouvoir donner aussi aux metteurs en scène marocains la possibilité de montrer leur travail.
On dit que l’Institut français est la seule structure qui définit à l’avance son programme annuel d’animation culturelle. Les autres porteurs de projets d’animation font plutôt du ponctuel, de l’occasionnel. Est-ce que vous ne vous sentez pas un peu seule à assumer cette responsabilité ?
Bien au contraire, nous travaillons aux côtés de toutes ces associations et de toutes ces compagnies et festivals. Il reste que l’appréhension culturelle du temps n’est pas la même. Nous avons l’habitude de programmer beaucoup plus en amont ; quelquefois ça donne un peu de stress, mais ça ne me dérange pas de m’adapter et de travailler en accompagnement avec des programmations à plus court terme. Sinon pour moi, c’est vraiment un bonheur que de travailler à Agadir dans ces conditions-là avec nos partenaires marocains. Non vraiment, je ne me sens pas seule.
Quelles pourraient être les contraintes qui vous empêcheraient d’aller plus en avant dans vos projets en termes d’animation culturelle ?
Les contraintes sont multiples. Il y a des contraintes en termes d’infrastructures et de personnel. Nous sommes quand même une équipe extrêmement active, qui travaille très bien mais une équipe, somme toute, réduite. On ne peut pas multiplier les événements parce qu’on ne les mènerait pas à bout et l’on ne les mènerait pas bien. Il y a aussi les contraintes budgétaires pour tout ce qui est de l’ordre du public, on en subit les conséquences et on doit adapter notre programmation au budget disponible.
Libération : Parlez-nous des espaces culturels à Agadir et des activités qui font de l’aspect culturel, éducatif et récréatif une priorité.
Béatrice Bertrand : Agadir est une ville dynamique, en pleine croissance, extrêmement intéressante par sa diversité. Les lieux comme le complexe culturel Jamal Addourra, la salle des fêtes de la municipalité, le grand cinéma le Rialto, le grand théâtre de verdure, la salle omnisports, le complexe Khair-Eddine, les petites maisons de quartier, outre les lieux extérieurs comme la place Al Amal, il y a des lieux à investir dans cette ville et Agadir peut devenir une grande capitale de la culture.
C’est là où intervient l’Institut français d’Agadir…
Je n’aurais pas cette prétention, mais modestement et grâce au concours de la municipalité qui met à notre disposition tous ces lieux gratuitement, son personnel et grâce aux autorités et en bonne intelligence avec les partenaires locaux, nous intervenons comme partenaires. On reçoit beaucoup de personnes à l’Institut français d’Agadir qui est un lieu d’accueil. Les initiatives sont très nombreuses, et grâce à la coopération et à ces partenariats on identifie le public et l’on peut répondre à la demande de façon adaptée. Sans ces partenaires locaux, je ne pourrai rien faire.
L’IFA sort de ses murs pour investir les lieux culturels d’Agadir depuis votre arrivée. Qu’est-ce qui a motivé ce changement de cap ?
D’abord c’est notre fonction première. L’IFA est un organisme d’Etat, un organisme public et nous sommes là dans une logique de coopération culturelle, linguistique. L’idée est de travailler en parfaite coopération avec nos partenaires marocains. Donc sortir de l’Institut est une évidence puisqu’il y a des lieux culturels que nous n’avons pas ici. En plus les artistes français qui viennent travailler ici apprécient beaucoup les échanges avec les artistes marocains et vice-versa…C’est là vraiment le cœur de notre mission.
Vous avez derrière vous une longue expérience de théâtre. Est-ce que cela vous a aidé à diagnostiquer l’espace d’Agadir et de l’investir par la suite ?
Tout à fait, j’ai passé de nombreuses années auprès de Mr Hassan Smili, doyen de la Faculté des lettres de Ben M’sik, j’ai appris le métier que je fais maintenant. Dans le Festival international de théâtre universitaire de Casablanca, le programme de coopération à ce moment-là était de former des jeunes à l’action culturelle ; donc nous avions monté avec lui les 1ères licences professionnelles à l’action culturelle et c’est vrai que ces 10 années à l’Université de Ben M’sik et avec de nombreux acteurs de cette ville m’ont beaucoup aidé quand je suis arrivée à Agadir.
Qu’en est-il de la programmation de l’année en cours ?
L’année qui s’achève, nous avons essayé d’être au plus près des événements déjà existants et des institutions, l’Université Ibn Zohr, les festivals en leur demandant à chaque fois le petit plus qu’on pourrait ajouter. On a été aussi aux côtés des petites associations et des petites compagnies qui sont venues travailler en résidence chez nous, que ce soit pour la musique ou pour le théâtre. On a reçu la compagnie de Peter Brook, Maymouna Gay qui est une grande star de théâtre et toujours sur des problématiques qui nous semblaient correspondre à des questionnements du public: problèmes de l’immigration, de société, comment se côtoient les classes sociales, comment s’exercent le pouvoir de l’argent et la domination économique et comment avec ça on peut s’en sortir avec intelligence et humour. Ensuite, il y a eu un temps très fort cet été avec la compagnie du nouveau cirque contemporain, les Colporteurs. L’idée était de trouver aux côtés de nos partenaires un spectacle qui convienne à tous, accessible en famille, de haute qualité artistique, qui soit totalement contemporain et qui fasse réfléchir. Le fil sous la neige, c’était tout ça, une haute qualité, une performance artistique et sportive et c’est un spectacle d’une sensibilité poétique…Le chapiteau a été présent à la place Al Amal, nous n’avons annulé qu’une représentation à cause du chergui. Pendant les 12 représentations, le chapiteau était à chaque fois comble, c’était sur invitation. L’été il y a un public de Marocains qui sont à Agadir en vacances, très heureux de pouvoir accéder à des manifestations culturelles. Il y a un autre moment fort, c’était un pari que l’IFA avait pris, celui de faire venir le ballet d’Europe en tournée au Maroc et donc à Agadir. L’événement a eu lieu le 3 octobre au théâtre de verdure ; on a accueilli 3000 personnes qui sont restées jusqu’à la fin des deux pièces présentées.
… Et pour l’année à venir ?
La programmation forte de 2009 nous amène à celle de l’année prochaine. Je peux vous dire qu’il y aura un temps fort : Molière en mai/juin avec une mise en scène de Schiaretti, Théâtre national de Villeurbanne, là ce sera avec des costumes d’époque, des farces et des comédies. Je pense que ça plaira beaucoup. Ensuite on aura une version du « Bourgeois gentilhomme », complètement 21ème siècle qui se moque un peu de la bourgeoisie qu’on appelle en France « bling bling, c'est-à-dire cette nouvelle bourgeoisie qui a comme seules valeurs l’avoir et pas l’être, posséder, dépenser, logique de consommation, l’argent. Cette compagnie de Philippe Car a su s’emparer du texte de Molière et nous montre que finalement au 17ème siècle, les sociétés avaient exactement, hélas ! les mêmes défauts et que ce type de personnage existait déjà. Ce qui est intéressant, c’est qu’ils font ça avec des robots sur scène, des marionnettes géantes…c’est complètement délirant. C’est compréhensible par tous et c’est tout de même le texte de Molière. Le 2ème temps fort ce sera aussi la 2ème quinzaine de juillet ; on travaille là avec le producteur du Festival Al Man’Art de Marrakech et avec d’autres compagnies des arts de la rue et du cirque. Cette fois-ci on ne va investir que la place Al Amal, on va investir au moins une dizaine de places à Agadir et ses environs avec des parades, des spectacles de marionnettes géantes, des acrobates, la Compagnie des Galapiats qui est du Centre national du cirque Contemporain en France. Donc des choses qu’on choisira dans le même esprit que les Colporteurs, c’est-à-dire des choses belles et en même temps accessibles à tous pour, évidemment, le principe de gratuité et d’un accès facile à la culture.
Agadir ne possède pas de salle de théâtre. Avec toutes ces programmations et celles bien évidemment des autres instances et troupes culturelles, est-ce que, quelque part, ce handicap ne dénature pas le plaisir de suivre l’événement dans un cadre plus approprié et donc plus agréable ?
Il est vrai que s’il y avait une salle avec des fauteuils en gradin et un équipement technique adapté, ce serait magique parce que le public, on s’en est rendu compte, adore le théâtre mais je crois qu’une vraie salle va voir le jour à Agadir ; une vraie belle salle avec tout ce qu’il faut comme projecteurs pour pouvoir donner aussi aux metteurs en scène marocains la possibilité de montrer leur travail.
On dit que l’Institut français est la seule structure qui définit à l’avance son programme annuel d’animation culturelle. Les autres porteurs de projets d’animation font plutôt du ponctuel, de l’occasionnel. Est-ce que vous ne vous sentez pas un peu seule à assumer cette responsabilité ?
Bien au contraire, nous travaillons aux côtés de toutes ces associations et de toutes ces compagnies et festivals. Il reste que l’appréhension culturelle du temps n’est pas la même. Nous avons l’habitude de programmer beaucoup plus en amont ; quelquefois ça donne un peu de stress, mais ça ne me dérange pas de m’adapter et de travailler en accompagnement avec des programmations à plus court terme. Sinon pour moi, c’est vraiment un bonheur que de travailler à Agadir dans ces conditions-là avec nos partenaires marocains. Non vraiment, je ne me sens pas seule.
Quelles pourraient être les contraintes qui vous empêcheraient d’aller plus en avant dans vos projets en termes d’animation culturelle ?
Les contraintes sont multiples. Il y a des contraintes en termes d’infrastructures et de personnel. Nous sommes quand même une équipe extrêmement active, qui travaille très bien mais une équipe, somme toute, réduite. On ne peut pas multiplier les événements parce qu’on ne les mènerait pas à bout et l’on ne les mènerait pas bien. Il y a aussi les contraintes budgétaires pour tout ce qui est de l’ordre du public, on en subit les conséquences et on doit adapter notre programmation au budget disponible.