Après les sanctions de l’Occident, des Russes à l'affût des affaires en Chine


Libé
Mardi 22 Mars 2022

Après les sanctions de l’Occident, des Russes à l'affût des affaires en Chine
Le téléphone de Marat, un Russe de Shanghai, sonne beaucoup: depuis les sanctions imposées à son pays, nombre d'entreprises se tournent vers la Chine où les hommes d'affaires comme lui sont à l'affût d'opportunités. L'entrepreneur de 42 ans a été contacté ces derniers jours par une entreprise aux abois, coupée de ses fournisseurs habituels en Europe et en Amérique du Nord. "Ils m'ont dit: +Tiens-toi prêt+", raconte-t-il à propos d'un producteur de composants électroniques basé au Belarus - pays également ciblé par les sanctions en raison de sa collaboration avec la Russie dans l'attaque de l'Ukraine. "Cela me fera du travail en plus mais aussi des profits supplémentaires", explique Marat, qui souhaite rester anonyme en raison de la relative sensibilité du sujet en Chine, pays ami de la Russie, qui refuse de qualifier l'opération russe "d'invasion". Gel d'avoirs, interdictions d'exporter vers la Russie, initiatives visant à paralyser le secteur bancaire, fermeture de l'espace aérien européen aux compagnies russes... Depuis que le président russe Vladimir Poutine a lancé son offensive fin février, les Occidentaux ont pris plusieurs salves de sanctions, au point que la Russie serait désormais au bord du défaut de paiement. La Chine n'a pas suivi dans cette voie et se présente comme une puissance neutre. Le pays asiatique pourrait toutefois constituer, pour les entreprises touchées par les sanctions, un débouché pour leurs produits ou une source d'approvisionnement pour des marchandises que les Occidentaux rechignent désormais à fournir. La Chine est le premier partenaire commercial de la Russie. Les échanges bilatéraux étaient l'an passé de 147 milliards de dollars (133 milliards d'euros), selon les Douanes chinoises - une hausse de 30% par rapport à 2019. "Cette crise, c'est une opportunité pour les entreprises russes en Chine", estime un autre entrepreneur russe, basé à Pékin et qui se présente sous le pseudonyme de Vladimir. "La Chine est ouverte. Ils nous disent: +Si vous voulez acheter, on a (ce qu'il faut)+", explique-t-il. Ces dernières semaines ont toutefois été difficiles pour les entreprises liées au marché russe. Plusieurs sociétés, des producteurs d'accessoires pour animaux de compagnie aux fabricants de pesticides, ont indiqué que les fluctuations du rouble avaient dissuadé de nombreux clients russes à passer commande. L'exclusion des banques russes du système Swift empêche par ailleurs les entreprises d'effectuer des paiements en dollars. Autre problème: les expéditions vers la Russie accumulent les retards, notamment car les entreprises internationales de transport refusent les envois à destination du pays dirigé par Vladimir Poutine. "On attend d'avoir davantage de visibilité", explique Vladimir. "Tout le monde pense (...) que les sanctions pourraient peut-être être annulées si la guerre se termine vite". La Chine et la Russie, notamment pour faire front commun face aux Etats-Unis, ont renforcé leur partenariat diplomatique et économique ces dernières années. Vladimir Poutine est venu à Pékin début février assister à la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques d'hiver, un séjour durant lequel les deux pays ont décrit leur amitié comme "sans limite", avec plusieurs accords à la clé. La guerre et les sanctions auront des répercussions différentes suivant les secteurs, estime Marat, pour qui les grosses industries comme la chimie s'en tireront probablement mieux que les fabricants de biens de consommation à bas coût. Quant aux chefs d'entreprise chinois, beaucoup s'attendent à une forte baisse du pouvoir d'achat des Russes. D'autres pensent que la situation bénéficiera à terme à la Chine, lorsqu'une Russie affaiblie par les sanctions sera en quête désespérée de partenaires économiques. "Pour la Chine, c'est objectivement une bonne chose que la Russie soit visée par les sanctions occidentales", affirme Chi Dashuai. Âgé de 38 ans, il travaille à Moscou pour une plateforme de commerce en ligne spécialisée dans la vente de produits chinois. Selon lui, de nombreuses entreprises chinoises seraient prêtes à s'implanter en Russie si Moscou met en place une politique adéquate. "Sur le long terme, la Chine a davantage à y gagner qu'à y perdre", estime-t-il.


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