Antonio Costa. Un destin européen après une démission fracassante


Libé
Jeudi 27 Juin 2024

Antonio Costa. Un destin européen après une démission fracassante
Sept mois après sa démission pour une affaire de corruption qui semble finalement peu étayée, l'ex-Premier ministre socialiste Portugais Antonio Costa pourrait rebondir à Bruxelles où il est pressenti pour le poste de président du Conseil européen.
Persévérant, ce supporter du club de football du Benfica, marié à une enseignante et père de deux enfants, a bâti sa carrière avec la même patience dont il fait preuve face aux puzzles, son passe-temps favori
Ce pragmatique et habile tacticien a prouvé qu'il était capable de mener des négociations difficiles ou transformer ses revers en opportunités.
"En démocratie, la politique doit être basée sur le compromis", disait il y a quelques mois ce juriste de 62 ans aux racines indiennes.

Un esprit de conciliation qui constitue un atout pour le rôle de président du Conseil européen, cénacle des chefs d'Etat et de gouvernement des Vingt-Sept, l'un des "top jobs" de l'UE qui devrait être pourvu jeudi au sommet européen des Vingt-Sept à Bruxelles.
Actuellement occupé par le libéral belge Charles Michel, ce poste est réclamé par la famille socialiste, et Antonio Costa est en bonne position pour être désigné.

Arrivé au pouvoir dans son pays en 2015 à l'issue d'élections qu'il avait pourtant perdues, M. Costa, visage rond, cheveux blancs et lunettes fines, a démissionné en novembre après avoir été cité dans une affaire de trafic d'influence.

Cette enquête a mis fin à huit années de gouvernement socialiste au Portugal et ouvert la voie à un nouvel exécutif de droite modérée.
Elle a, depuis, été durement critiquée par plusieurs instances judiciaires pour son manque de solidité.

Entendu par la justice fin mai, à sa demande, M. Costa n'a pas été inculpé et, dès le soir des élections européennes, le nouveau Premier ministre portugais Luis Montenegro a déclaré son soutien à une éventuelle candidature européenne de M. Costa.

Né le 17 juillet 1961 à Lisbonne, Antonio Costa a grandi dans les milieux intellectuels de ses parents : une journaliste socialiste et un écrivain communiste descendant d'une grande famille de Goa, ancien comptoir colonial portugais en Inde.
Dès 14 ans, "Babush" ("enfant" en konkani, la langue de Goa), qui affirme avoir davantage souffert du divorce de ses parents que du racisme, s'engage dans les jeunesses socialistes.

Formé en droit et en sciences politiques, il devient avocat puis, à 34 ans, secrétaire d'Etat aux Affaires parlementaires, poste clé du gouvernement minoritaire d'Antonio Guterres, l'actuel secrétaire général de l'ONU, avant de devenir son ministre de la Justice.

Après un bref passage au Parlement européen, il revient aux affaires comme ministre de l'Intérieur de José Socrates, mais quitte le gouvernement au bout de deux ans pour se faire élire maire de Lisbonne.
Huit ans plus tard, il prend la tête du Parti socialiste.

Persévérant, ce supporter du club de football du Benfica, marié à une enseignante et père de deux enfants, a bâti sa carrière avec la même patience dont il fait preuve face aux puzzles, son passe-temps favori.
Après avoir perdu les législatives de 2015, il a pris le pouvoir en forgeant un pacte inédit avec la gauche radicale pour "tourner la page de l'austérité".

Profitant d'une conjoncture favorable, M. Costa a détricoté les mesures de rigueur budgétaire adoptées par la droite en échange d'un plan d'aide internationale, tout en continuant d'assainir les comptes publics pour afficher le premier excédent budgétaire de l'histoire récente du Portugal.

Plus solide qu'escompté, cette alliance de circonstance a permis à cet amateur de cuisine, de cinéma et de fado, d'aller au bout d'un premier mandat de quatre ans.
Vainqueur des législatives de 2019 sans majorité absolue, il fait alors le pari de recentrer sa politique et ne renouvelle pas son accord avec les communistes, qui finissent par le lâcher en provoquant les élections de 2022. Il l'emporte avec une majorité absolue qui, cependant, n'ira pas au bout de son mandat.

Son pragmatisme lui a permis d'étendre son influence au-delà de sa famille politique. Comme en 2020, lorsqu'il rend visite au Premier ministre nationaliste hongrois Viktor Orban et contribue à le convaincre de ne pas bloquer le plan de relance européen post-Covid, crucial pour le Portugal.


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