Amnesty dénonce les poursuites diligentées contre les victimes de la torture au Maroc

L’inculpation des plaignants risque d'encourager l'impunité


Hassan Bentaleb
Lundi 4 Août 2014

Amnesty dénonce les poursuites diligentées contre les victimes de la torture au Maroc
Le dossier de la torture au Maroc n'est pas encore prêt d'être clos. Amnesty International vient de hausser le ton contre le ministère de la Justice et des Libertés. Et pour cause : les poursuites engagées contre les victimes de la torture  accusées de dénoncer des infractions inexistantes. 
Dans un communiqué publié le 1er août sur son site Internet, l’ONG de défense des droits de l’Homme considère que les poursuites judiciaires initiées contre  des plaignants pour cause de dénonciations calomnieuses risqueraient d’alimenter la peur parmi les victimes et d'encourager l'impunité des auteurs de tels actes. Pis, A.I assimile ces poursuites à des manœuvres d’intimidation. Un état de fait jugé inacceptable vu que les autorités publiques ont le devoir de créer un environnement sûr permettant aux victimes de s’exprimer librement. 
Le communiqué s'est longuement arrêté sur l’affaire d’Oussama Houssine, militant du Mouvement du 20 février et membre de l’AMDH poursuivi pour dénonciation d'une infraction inexistante et dénonciation calomnieuse à l'égard des policiers.  Ce dernier a indiqué avoir été enlevé et torturé par trois inconnus en civil le 2 mai 2014, alors qu'il quittait une manifestation. Il a affirmé que ces hommes l'ont conduit dans un lieu inconnu, l'ont frappé et  brûlé au moyen d'une barre de fer chauffée tout en le violant en faisant usage de leurs doigts. Trois jours plus tard, des défenseurs des droits humains ont enregistré une vidéo dans laquelle il décrivait ce qu'il avait subi, puis l'ont diffusée via YouTube, ce qui a poussé les autorités à ouvrir une enquête.
Le 1er juin, le procureur du Roi a conclu que le militant n'avait pas été torturé et annoncé son intention de le poursuivre. Il a qualifié ses accusations de mensonge du fait que le jeune homme avait refusé de se soumettre à un examen médical. Toutefois, et selon l'avocat d'Oussama Houssine, cet examen lui a été proposé plus de trois semaines après l'agression présumée alors que ses lésions physiques étaient déjà cicatrisées.
Le même jour, des agents de la BNPJ ont arrêté ledit militant à son domicile. Le procureur du Roi l'a informé, en l'absence de tout avocat, des chefs d'accusation qui pesaient sur lui et l'a placé en détention provisoire. Le tribunal de première instance de Casablanca a refusé à l’avocat d'Oussama de faire comparaître des témoins et le mis en cause a été condamné le 23 juillet dernier  à trois ans de prison. Une affaire qui n’a pas l’air de faire l’exception puisque d’autres poursuites similaires sont en cours contre deux autres défenseurs des droits humains.
Pour Amnesty International, il est clair que « l'absence de blessures physiques ne prouve pas l'absence de torture ou d'autres mauvais traitements et ne signifie pas que la personne ment lorsqu’elle affirme avoir été torturée ». En effet, les marques peuvent s'effacer avec le temps, et de nombreuses formes de mauvais traitements, telles que la torture psychologique et certaines formes de violence sexuelle, ne provoquent pas de lésions visibles, mais laissent des cicatrices psychologiques durables. Ainsi, en cas d'allégations de torture, l’ONG estime que les examens médicolégaux doivent comprendre une évaluation physique et psychologique de l'état de la victime qui ne doit être entreprise qu'avec le consentement de celle-ci et être réalisée en privé tout en prenant pleinement compte de ses déclarations.
Amnesty va plus loin, elle estime que la note du Mustapha Ramid, ministre de la Justice et des Libertés, visant à encourager les juges et les magistrats du parquet à ordonner des examens médicaux en cas d'allégations de torture ou d'autres mauvais traitements ne suffit pas. Elle pense que ces examens doivent être conformes aux normes reconnues en matière de pratique médicale telles que définies dans le Protocole d’Istanbul. Ramid sera-t-il sensible aux critiques d’Amnesty International, lui, qui n’a pas pris compte des critiques des ONG marocaines de défense des droits humains dénonçant sa tentative de dissuader les victimes de signaler ou de porter plainte contre les actes de torture?  
 
 



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