Alger en flagrant délit d’espionnage

Un fonctionnaire français accusé de rouler pour la junte au pouvoir


Mourad Tabet
Vendredi 14 Mars 2025

Pour la junte militaire algérienne, tous les moyens sont bons pour pourchasser les opposants algériens en exil, notamment en Europe.

En effet, les autorités algériennes ont émis plusieurs mandats d'arrêt internationaux contre des opposants politiques et les voix critiques en exil à l'étranger, les accusant notamment de terrorisme et d'atteinte à la sécurité de l'Etat. A titre d’exemple, un tribunal d'Alger a lancé en mars 2021 des mandats d'arrêt contre des activistes résidant à l'étranger dont notamment Amir Boukhors, blogueur connu sous le nom d'"Amir Dz", critique envers le régime algérien et Hichem Aboud, journaliste et ancien membre des services secrets algériens. Ces activistes sont accusés d'appartenance à un groupe terroriste visant la sécurité de l'Etat, de financement de ce groupe et de blanchiment d'argent.

La traque des opposants algériens par la junte militaire prend d’autres formes, à savoir l’espionnage et la surveillance.  Preuve en est la mise en examen d’un fonctionnaire du ministère français de l'Economie dans une enquête sur la divulgation d'informations concernant des Algériens vivant en France, dont des opposants au pouvoir en place, selon l’Agence France Presse.

Selon la même source, ledit fonctionnaire a été mis en examen le 19 décembre "pour intelligence avec une puissance étrangère, livraison à une puissance étrangère d'informations sur intérêt fondamental à la nation, exercice d'activités pour s'informer sur les intérêts fondamentaux de la nation pour une puissance étrangère", a confirmé à l'AFP le parquet de Paris. Il a été placé sous contrôle judiciaire.

Le fonctionnaire en question est soupçonné d'avoir été "en contact régulier avec une personne de nationalité algérienne travaillant au consulat d'Algérie de Créteil", en région parisienne, et "de lui avoir transmis des informations personnelles sur les demandes d'asile" concernant des Algériens, notamment "des opposants notoires" au régime politique en place, a précisé le ministère public.

 D'après une source proche de l'enquête, l'Algérien qui exerçait au consulat d'Algérie de Créteil depuis fin 2022 était le commanditaire des renseignements: il bénéficiait selon elle d'une "couverture" et travaillait pour les renseignements algériens. Il n'a pas été mis en examen à ce stade.

Selon la même source, cet agent demandait des informations à l'employé de Bercy sur des ressortissants algériens, dont des opposants connus tels que Amir Boukhors et Mohamed Larbi Zitout, tous deux sous le coup d'un mandat d'arrêt international pour terrorisme, ou encore des personnalités influentes comme l'influenceur Chawki Benzehra, mais aussi un journaliste réfugié, un Algérien ayant porté plainte en France contre un général...

Ces personnes ont, pour "certaines", été "victimes de violences, menaces de mort ou tentative d'enlèvement", a souligné ladite source, sans donner davantage d'éléments sur le lien éventuel de causalité.

Comment le fonctionnaire obtenait-il ces informations? D'après une source proche du dossier, il avait noué une "relation intime" avec une assistante sociale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii), qu'il sollicitait pour obtenir des renseignements. Cette dernière a été mise en examen le 7 février pour violation du secret professionnel, selon le parquet. Au cours des investigations, elle a assuré n'avoir touché aucune contrepartie, d'après la source proche du dossier.

En 2023, les services de renseignement français ont démantelé un réseau d'agents opérant pour le compte des services secrets algériens. Cette opération, menée entre le 30 octobre et le 6 novembre 2023, a conduit à l'arrestation de plusieurs individus. Ces agents étaient chargés de préparer des attentats et des agressions ciblant des opposants politiques et des journalistes algériens résidant en France.

La junte d’Alger ne vise pas uniquement les opposants en exil, mais elle utilise aussi des méthodes musclées et arbitraires pour museler toutes les voix opposées au régime. A titre d’exemple, elle recourt à l'interdiction de sortie du territoire national. En effet, près de 6.000 militants, journalistes, professeurs, artistes et avocats ont été empêchés de quitter l'Algérie, souvent sans justification légale. Cette mesure a pour objectif de  restreindre la liberté de mouvement et d’exercer une pression sur les dissidents politiques.

Des organisations internationales, telles que Amnesty International et Human Rights Watch, ont dénoncé ces pratiques, les qualifiant d'« arbitraires » et contraires aux normes internationales des droits de l’Homme. Elles ont appelé les autorités algériennes à lever les interdictions de voyage et à respecter les libertés fondamentales.

Mourad Tabet


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