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Cible de moult reproches, critiques
et parfois même attaques, Ahmed Herzenni ne fléchit pas pour autant. Toujours calme, il accuse ses détracteurs de ne pas
le comprendre, et de
ne pas vouloir écouter ses propos, mais
plutôt de les adapter
à l'image qu'ils se font de lui. Il se livre, dans cet entretien à Libé,
à cœur ouvert.
Libé: Une polémique est née après l'émission « Hiwar ». Que pouvez-vous dire ?
Ahmed Herzenni : Je n'ai pas constaté de polémique particulière. En fait, si polémique il y a, elle est certainement moins intense que les polémiques passées. En tout cas, je n'ai rien contre les polémiques. Je demande seulement qu'elles ne se fassent pas au détriment de la vérité. Ce que j'ai constaté parfois, c'est que certaines gens semblent ne pas comprendre ce que je dis. Ils rapportent ce que je dis d'une manière déformée. Ils déforment mes paroles de manière à les adapter à l'image qu'ils se font de moi. Ils ne veulent pas entendre ce que je dis réellement, peut-être parce qu'au fond je représente une partie d'eux-mêmes contre laquelle ils résistent désespérément. Ils ne veulent pas changer, ils ne veulent pas évoluer. C'est ce qu'on appelle le dogmatisme psychologique.
On vous a accusé de maltraiter la presse et les associations des droits de l'Homme.
Je ne maltraite personne. La presse se maltraite assez elle-même. Il n'y a qu'à voir les procès actuels entre gens de presse. Je n'ai demandé à la presse que trois choses : que les gens de la presse ne se considèrent pas comme une catégorie à part, au-dessus du reste de la population, qu'ils s'organisent ; qu'ils se dotent d'une charte déontologique et s'y tiennent. Est-ce trop demander ?
Quant aux associations des droits humains ou autres, je ne leur demande non plus que de respecter la vérité. Nous avons besoin de leurs critiques, de leur pression. Elles doivent pointer nos lacunes, nos insuffisances. Mais elles n'ont pas le droit de se laisser verser dans le nihilisme, surtout si c'est à partir d'un désir politique de voir les choses pourrir. Je n'ai pas peur d'elles, j'ai plutôt peur pour elles. En matière de droits humains, comme d'ailleurs en politique, il en va comme en médecine : il ne faut pas se tromper de diagnostic. Si vous vous trompez de diagnostic, vous allez vous tromper de remède; et alors, soit vous ne soignez rien, soit vous tuez le malade, et dans les deux cas, votre réputation est perdue si j'ose dire.
Le déroulement de l'émission a donné l'impression que vous étiez tous en train de régler des comptes avec les autres ?
En ce qui me concerne, j'ai essayé de répondre le plus posément possible aux questions qui m'étaient posées. Je n'ai de compte à régler avec personne sinon avec moi-même, avec ma propre conscience qui est toujours mon vrai interlocuteur. Pour le reste, je peux m'énerver comme tout le monde. Je demande l'indulgence due à tout être humain.
Revenons à cette question de recommandations. Vous en avez une qui appelle à une refonte constitutionnelle mais vous déclarez qu'on n’en a pas besoin ou presque ?
Voilà un des points sur lesquels il me semble qu'on ne m'a tout simplement pas entendu. Je n'ai jamais dit que nous n'avions pas besoin de réforme constitutionnelle. Ce que j'ai dit, c'est qu'il ne suffit pas de demander dans le vague une réforme constitutionnelle : des réformes, ou des amendements constitutionnels, nous en avons eu plus souvent depuis 1962. Si nous voulons une vraie réforme constitutionnelle, alors il faut préciser ce qu'il faut changer, en débattre suffisamment et choisir le timing adéquat. La prochaine Constitution devait pouvoir durer au moins vingt ans, j'ai écrit une fois cinquante ans. Pour cela nous devons attendre que tout ce qui doit changer ait été identifié et réfléchi. Pour des raisons propres au Maroc, une nouvelle Constitution sera la culmination du processus de démocratisation et non l'inverse. Travaillons alors au parachèvement du processus démocratique : réformons la justice, les partis pour avoir un pouvoir législatif digne de ce nom, procédons à la régionalisation, édifions le Conseil économique et social, etc. Il faut réellement débattre et non polémiquer sur la base de fantasmes.
L'on sait aussi que vous avez procédé à une enquête après les événements de Sidi Ifni. Qu'est-ce que vous avez pu trouver ?
Nous n'avons pas procédé à une enquête sur le terrain à Sidi Ifni, parce que nous ne pensions pas que nous aurions apporté une valeur ajoutée aux enquêtes menées par des ONG et le Parlement. Mais, nous avons bien sûr lu tous les rapports qui ont été publiés et, surtout, nous avons écouté au siège du conseil des gens d'Ifni qui sont venus nous parler. Parmi eux, d'ailleurs, des membres de la fameuse coordination. Et nous avons tiré nos propres conclusions. La première, c'est que contrairement à certains fantasmes qui se sont exprimés à l'époque, il n'y a pas eu de violation grave des droits humains, au sens technique. Il n'y a eu que des violations limitées, individuelles, dont les responsables doivent néanmoins être punis. Deuxièmement, il y a eu certainement un déficit par rapport au comportement requis des responsables par le nouveau concept de l'autorité. Troisièmement, les événements d'Ifni ont révélé un autre déficit, plus grave, à savoir celui du dialogue social inclusif. J'espère que le Conseil économique et social viendra assez tôt pour combler cette carence, au bénéfice de tous les Sidi Ifni du pays. Enfin, les événements de Sidi Ifni sont venus nous rappeler que les protestataires peuvent également être fautifs. Il est sain de se pénétrer de l'idée que l'Etat de droit vaut pour tous, gouvernés et gouvernants, protestataires et responsables de l'ordre public.
Certains vous reprochent de ne point faire de distance entre politique et droit de l’Homme.
Je ne sers aucun parti, aucun clan, aucune tribu, ni même aucune région. Ceci dit, l'on ne peut séparer droits humains et politique. Par politique, nous entendons ici le cercle du réalisable dans un pays donné et à une époque donnée. Nous sommes dans une période de transition, vers une démocratie institutionnelle. Que ce soit en tant que responsable d'une institution nationale des droits humains ou en tant que simple citoyen, je ferai en sorte que personne ne compromette cette transition, surtout pas en utilisant les droits humains. Je crois que je suis clair là-dessus.
Contrairement à tous ceux qui nient tout progrès, on vous accuse de défendre les violations, les cas de détention des étudiants de Marrakech et de Sidi Ifni à titre d'exemple. Qu’en dites-vous ?
J'ai déjà suggéré que, pour moi, l'Etat de droit vaut pour tous. Je protesterai si jamais les règles de droit étaient enfreintes. Autrement, le principe d'impunité doit être appliqué à tous, sans excès, mais aussi sans laxisme.
Vous êtes également chargé de dossiers parfois suscitant des polémiques, comme ceux de l'immigration ou du Code de la presse. Ne croyez-vous pas que cela fasse de vous la cible de tous les reproches ?
Tous ces dossiers sont en relation avec les droits humains et la démocratie. Nous nous contentons de jouer dans un premier traitement un rôle de facilitateur, à travers lequel, nous faisons montre du caractère indépendant et représentatif du Conseil.
Qu’a-t-on réalisé des recommandations relatives à la politique pénale, constitutionnelle et autres questions dites toujours en suspens?
J'ai déjà parlé, à titre personnel, de la réforme constitutionnelle. En tant que Conseil, nous avons déjà un avis sur la réforme de la justice et nous travaillons sur la question de la gouvernance sécuritaire. S'agissant du code pénal, nous sommes en train de le réviser systématiquement du point de vue des plus hauts standards des droits humains, avec l'aide d'experts reconnus et je pense qu'en mars 2009, nous aurons bouclé cette révision.
Ne craignez-vous pas la foudre des journalistes, étant chargé du dossier du Code de la presse ?
Il n'y a vraiment pas de raison pour les journalistes de s'inquiéter de l'intervention possible du Conseil sur le dossier de la presse et de la communication publique en général. Nous ne sommes réellement animés que du désir de servir la liberté d'expression, les droits humains et la démocratie. Nous souhaitons également le renforcement d'une presse de qualité, d'une presse qui joue son rôle de multiplicateur en quelque sorte de la transition démocratique. Si malgré cela on essaye de me singulariser et de me jeter des foudres, eh bien, l'on apprendra si l'on ne le sait pas déjà, qu'entre autres facultés, je peux être un bon paratonnerre.
et parfois même attaques, Ahmed Herzenni ne fléchit pas pour autant. Toujours calme, il accuse ses détracteurs de ne pas
le comprendre, et de
ne pas vouloir écouter ses propos, mais
plutôt de les adapter
à l'image qu'ils se font de lui. Il se livre, dans cet entretien à Libé,
à cœur ouvert.
Libé: Une polémique est née après l'émission « Hiwar ». Que pouvez-vous dire ?
Ahmed Herzenni : Je n'ai pas constaté de polémique particulière. En fait, si polémique il y a, elle est certainement moins intense que les polémiques passées. En tout cas, je n'ai rien contre les polémiques. Je demande seulement qu'elles ne se fassent pas au détriment de la vérité. Ce que j'ai constaté parfois, c'est que certaines gens semblent ne pas comprendre ce que je dis. Ils rapportent ce que je dis d'une manière déformée. Ils déforment mes paroles de manière à les adapter à l'image qu'ils se font de moi. Ils ne veulent pas entendre ce que je dis réellement, peut-être parce qu'au fond je représente une partie d'eux-mêmes contre laquelle ils résistent désespérément. Ils ne veulent pas changer, ils ne veulent pas évoluer. C'est ce qu'on appelle le dogmatisme psychologique.
On vous a accusé de maltraiter la presse et les associations des droits de l'Homme.
Je ne maltraite personne. La presse se maltraite assez elle-même. Il n'y a qu'à voir les procès actuels entre gens de presse. Je n'ai demandé à la presse que trois choses : que les gens de la presse ne se considèrent pas comme une catégorie à part, au-dessus du reste de la population, qu'ils s'organisent ; qu'ils se dotent d'une charte déontologique et s'y tiennent. Est-ce trop demander ?
Quant aux associations des droits humains ou autres, je ne leur demande non plus que de respecter la vérité. Nous avons besoin de leurs critiques, de leur pression. Elles doivent pointer nos lacunes, nos insuffisances. Mais elles n'ont pas le droit de se laisser verser dans le nihilisme, surtout si c'est à partir d'un désir politique de voir les choses pourrir. Je n'ai pas peur d'elles, j'ai plutôt peur pour elles. En matière de droits humains, comme d'ailleurs en politique, il en va comme en médecine : il ne faut pas se tromper de diagnostic. Si vous vous trompez de diagnostic, vous allez vous tromper de remède; et alors, soit vous ne soignez rien, soit vous tuez le malade, et dans les deux cas, votre réputation est perdue si j'ose dire.
Le déroulement de l'émission a donné l'impression que vous étiez tous en train de régler des comptes avec les autres ?
En ce qui me concerne, j'ai essayé de répondre le plus posément possible aux questions qui m'étaient posées. Je n'ai de compte à régler avec personne sinon avec moi-même, avec ma propre conscience qui est toujours mon vrai interlocuteur. Pour le reste, je peux m'énerver comme tout le monde. Je demande l'indulgence due à tout être humain.
Revenons à cette question de recommandations. Vous en avez une qui appelle à une refonte constitutionnelle mais vous déclarez qu'on n’en a pas besoin ou presque ?
Voilà un des points sur lesquels il me semble qu'on ne m'a tout simplement pas entendu. Je n'ai jamais dit que nous n'avions pas besoin de réforme constitutionnelle. Ce que j'ai dit, c'est qu'il ne suffit pas de demander dans le vague une réforme constitutionnelle : des réformes, ou des amendements constitutionnels, nous en avons eu plus souvent depuis 1962. Si nous voulons une vraie réforme constitutionnelle, alors il faut préciser ce qu'il faut changer, en débattre suffisamment et choisir le timing adéquat. La prochaine Constitution devait pouvoir durer au moins vingt ans, j'ai écrit une fois cinquante ans. Pour cela nous devons attendre que tout ce qui doit changer ait été identifié et réfléchi. Pour des raisons propres au Maroc, une nouvelle Constitution sera la culmination du processus de démocratisation et non l'inverse. Travaillons alors au parachèvement du processus démocratique : réformons la justice, les partis pour avoir un pouvoir législatif digne de ce nom, procédons à la régionalisation, édifions le Conseil économique et social, etc. Il faut réellement débattre et non polémiquer sur la base de fantasmes.
L'on sait aussi que vous avez procédé à une enquête après les événements de Sidi Ifni. Qu'est-ce que vous avez pu trouver ?
Nous n'avons pas procédé à une enquête sur le terrain à Sidi Ifni, parce que nous ne pensions pas que nous aurions apporté une valeur ajoutée aux enquêtes menées par des ONG et le Parlement. Mais, nous avons bien sûr lu tous les rapports qui ont été publiés et, surtout, nous avons écouté au siège du conseil des gens d'Ifni qui sont venus nous parler. Parmi eux, d'ailleurs, des membres de la fameuse coordination. Et nous avons tiré nos propres conclusions. La première, c'est que contrairement à certains fantasmes qui se sont exprimés à l'époque, il n'y a pas eu de violation grave des droits humains, au sens technique. Il n'y a eu que des violations limitées, individuelles, dont les responsables doivent néanmoins être punis. Deuxièmement, il y a eu certainement un déficit par rapport au comportement requis des responsables par le nouveau concept de l'autorité. Troisièmement, les événements d'Ifni ont révélé un autre déficit, plus grave, à savoir celui du dialogue social inclusif. J'espère que le Conseil économique et social viendra assez tôt pour combler cette carence, au bénéfice de tous les Sidi Ifni du pays. Enfin, les événements de Sidi Ifni sont venus nous rappeler que les protestataires peuvent également être fautifs. Il est sain de se pénétrer de l'idée que l'Etat de droit vaut pour tous, gouvernés et gouvernants, protestataires et responsables de l'ordre public.
Certains vous reprochent de ne point faire de distance entre politique et droit de l’Homme.
Je ne sers aucun parti, aucun clan, aucune tribu, ni même aucune région. Ceci dit, l'on ne peut séparer droits humains et politique. Par politique, nous entendons ici le cercle du réalisable dans un pays donné et à une époque donnée. Nous sommes dans une période de transition, vers une démocratie institutionnelle. Que ce soit en tant que responsable d'une institution nationale des droits humains ou en tant que simple citoyen, je ferai en sorte que personne ne compromette cette transition, surtout pas en utilisant les droits humains. Je crois que je suis clair là-dessus.
Contrairement à tous ceux qui nient tout progrès, on vous accuse de défendre les violations, les cas de détention des étudiants de Marrakech et de Sidi Ifni à titre d'exemple. Qu’en dites-vous ?
J'ai déjà suggéré que, pour moi, l'Etat de droit vaut pour tous. Je protesterai si jamais les règles de droit étaient enfreintes. Autrement, le principe d'impunité doit être appliqué à tous, sans excès, mais aussi sans laxisme.
Vous êtes également chargé de dossiers parfois suscitant des polémiques, comme ceux de l'immigration ou du Code de la presse. Ne croyez-vous pas que cela fasse de vous la cible de tous les reproches ?
Tous ces dossiers sont en relation avec les droits humains et la démocratie. Nous nous contentons de jouer dans un premier traitement un rôle de facilitateur, à travers lequel, nous faisons montre du caractère indépendant et représentatif du Conseil.
Qu’a-t-on réalisé des recommandations relatives à la politique pénale, constitutionnelle et autres questions dites toujours en suspens?
J'ai déjà parlé, à titre personnel, de la réforme constitutionnelle. En tant que Conseil, nous avons déjà un avis sur la réforme de la justice et nous travaillons sur la question de la gouvernance sécuritaire. S'agissant du code pénal, nous sommes en train de le réviser systématiquement du point de vue des plus hauts standards des droits humains, avec l'aide d'experts reconnus et je pense qu'en mars 2009, nous aurons bouclé cette révision.
Ne craignez-vous pas la foudre des journalistes, étant chargé du dossier du Code de la presse ?
Il n'y a vraiment pas de raison pour les journalistes de s'inquiéter de l'intervention possible du Conseil sur le dossier de la presse et de la communication publique en général. Nous ne sommes réellement animés que du désir de servir la liberté d'expression, les droits humains et la démocratie. Nous souhaitons également le renforcement d'une presse de qualité, d'une presse qui joue son rôle de multiplicateur en quelque sorte de la transition démocratique. Si malgré cela on essaye de me singulariser et de me jeter des foudres, eh bien, l'on apprendra si l'on ne le sait pas déjà, qu'entre autres facultés, je peux être un bon paratonnerre.