Aberration à l’espagnole

Madrid mêle ses militaires au phénomène migratoire !


Hassan Bentaleb
Vendredi 2 Août 2019

Les forces armées espagnoles se sont officiellement jointes au dispositif sécuritaire de lutte contre la migration irrégulière.  Elles sont censées se déployer dans les eaux de la mer d’Alboran et du détroit de Gibraltar sous l’égide de l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex). Objectif : ajouter les ressources militaires espagnoles au dispositif de contrôle déjà mis en place afin de détecter les flux de pateras en provenance du Maroc et de l’Algérie, a rapporté le site espagnol d’info, La Voz de Almeria. 
La même source indique que cette décision s’inscrit dans le cadre de la campagne EPN Indalo, une opération provisoire conduite par l'Union européenne afin de lutter contre la traite des êtres humains à la frontière Sud de l’UE et contre d’autres fléaux comme le trafic de stupéfiants ou la pêche illégale. Selon les données de l'agence Frontex, rapportées par ledit site, la mer d'Alboran est devenue l’une des plus grandes routes d'immigration irrégulière en Europe après la Grèce et la Turquie. 
Pour Omar Naji, vice-président de l'AMDH section Nador, l’intégration de l’armée espagnole dans le dispositif de contrôle destiné à la lutte contre la migration irrégulière est absurde puisqu’elle est en contradiction avec les dernières sorties médiatiques des officiels espagnols qui ont tous affirmé que les flux des migrants irréguliers en provenance du Maroc sont en baisse au niveau des départs comme celui des arrivées. Mieux, tous ces officiels ont loué le rôle joué par le  Maroc dans cette dynamique baissière et ont appelé, à plusieurs reprises, à soutenir financièrement le Royaume. « Il est donc légitime de se demander pourquoi l’Espagne a agi ainsi alors que la situation sur place n’exige pas la mise en place d’une telle mesure», nous a-t-il expliqué. Et de nous confier : « Cette décision dépasse, à mon sens, le seul dossier de la lutte contre la migration irrégulière. Elle s’inscrit plutôt dans le cadre du conflit qui oppose l’Espagne au Royaume-Uni à propos de   Gibraltar. Madrid cherche peut-être à instaurer une zone militaire dans la région ».
La Voz de Almeria a rappelé à ce propos que des données officielles du ministère de l'Intérieur ont révélé que le nombre de personnes arrivées à bord des pateras a diminué de 23% au premier semestre de 2019.
L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a indiqué,  de son côté,  que les arrivées de migrants irréguliers en Espagne ont baissé de 52 % en avril 2019 par rapport au même mois de l’année précédente grâce, notamment, à la coopération avec le Maroc. En effet, 820 migrants irréguliers  sont arrivés en Espagne en avril dernier contre 1.706 durant la même période de 2018. 
Quant au journal espagnol ABC, il a précisé, en citant des sources du ministère espagnol de l’Intérieur, que cette baisse notoire s’explique surtout par le succès des opérations menées en vue du démantèlement des réseaux de trafic de migrants qui sont le fruit de la coopération sécuritaire et du partage d’informations entre le Maroc et l’Espagne.
La même source a relevé que ces opérations se sont multipliées au cours des derniers mois, ajoutant que la tendance baissière des arrivées de migrants a été constatée depuis le début de l’année en cours.
Pour sa part,  Hassan Ammari, activiste à Alarm Phone, juge que cette intégration de l’armée espagnole au dispositif de Frontex s’inscrit dans le cadre du renforcement de l’action de cette agence durant cette période de l’année marquée par la hausse de la mise en mer des pateras. « Il est de notoriété publique que la période qui s’étale entre juin et la mi-septembre, est la plus propice pour les traversées. Mais, cela n’empêche pas  l’Espagne de gonfler ses statistiques relatives au passage des migrants irréguliers vers l’UE. Il y a du tapage médiatique alors que la réalité est autre. Un exemple en atteste :  actuellement les tentatives de passage en force à Sebta et Mellilia n’ont lieu que chaque deux ou trois mois alors qu’auparavant, il y en avait quasiment chaque semaine».   
Hassan Ammari ajoute également que l’entrée en jeu des forces armées espagnoles est liée aussi à la volonté de Frontex de resserrer l’étau sur les bateaux de sauvetage de migrants qui prévoient de reprendre incessamment leur mission en Méditerranée. Ceci d’autant plus que les institutions européennes vivent aujourd’hui sur le rythme de la montée de l’extrême droite et de la percée notoire qu’elle a enregistrée  dernièrement aux élections européennes. « L’ensemble de ces éléments conduisent à davantage de contrôle et de sécurisation des frontières », a-t-il conclu. 
 


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