Avec ses lunettes rondes, ses cheveux poivre et sel et ses yeux tombants, M. Baida dégage un air curieux et impliqué, mais aussi une certaine fragilité et sensibilité au monde.
Abdallah Baida, "écrit à partir de rien", selon ses propres termes, et se définit comme un “explorateur des mots”, un amoureux de la découverte, avide des labyrinthes qui se dessinent dans les esprits, par des mots simples, issus de la culture et du patrimoine marocains.
Né à Tiznit, dans une famille nombreuse, Abdallah Baida confie qu’à l’époque les “bouquins” ne circulaient pas dans son quartier. “Mon père est parti en France pour développer un capital et retourner au Maroc pour fonder sa famille”, se rappelle M. Baida dans un entretien accordé à nos confrères de la MAP. ”Malgré le fait qu'il gagnait moins que les autres pères qui ont décidé de rester en Europe, c’est cette présence paternelle qui nous a permis à moi et à mes frères et sœurs de réussir ", ajoute l'écrivain. “Mon intérêt pour la littérature s’est éveillé après mes années de collège. Là je me suis mis à lire en arabe des classiques de la littérature égyptienne notamment Najib Mahfouz, Moustapha Lutfi al-Manfaluti, Ihssan Abdel Koudouss, ou Salama Moussa”, confie M. Baida dans son entretien à la MAP.
Il a mis en exergue l’influence des classiques français, notamment l’Etranger d’Albert Camus et La Nausée de Jean-Paul qui, selon ses termes, “forment un univers formidable”, en passant par Gustave Flaubert, Emile Zola, Guy de Maupassant et Honoré de Balzac. Après une enfance passée à Tiznit, il s’envole à Rabat pour un doctorat en littérature et culture maghrébines, francophones et comparées.
Abdallah Baida se décrit comme “un pur produit marocain” qui, à travers sa langue adoptée, le français, il est arrivé à s’ouvrir au monde, “à écouter un son de cloche différent de ce qui nous est inculqué en arabe”.
Evoquant sa carrière d’écrivain, l'auteur reconnaît que l’écriture a toujours fait partie de son univers en tant que professeur universitaire, pour ensuite s’éloigner de l’écriture académique et embrasser l’écriture journalistique, qu'il décrit comme “l’anti-chambre” de la création littéraire.
Pour décrire ses écrits, Abdallah Baida utilise l’“écriture d’exploration”, qui ne vise pas à décrire la réalité, "car une simple notion, mot ou idée, suffit pour faire vaguer sa plume, avec un cadre romanesque, qui lui sert à expérimenter toutes les facettes".
Dans la même lignée, Abdallah Baida développe le titre de son roman “Nom d’un chien”, qui rappelle l’univers canin en français, alors qu’en darija, le terme “Kalb” (chien) est perçu comme une insulte. Ce mot “Kalb” excite et titille la curiosité du public, note l'écrivain. "C’est ainsi que j’ai imaginé un personnage du nom de 'Driss Ibn Kalb' (fils de chien), dans une société comme la nôtre, qui attend un enfant et se pose la question de l’impact de son nom de famille sur son enfant. Un nom qui lui portera atteinte".
A propos de son dernier roman, paru aux éditions Marsam, “Les djellabas vertes se suicident”, Abdallah Baida explique qu'il s'agit d'un recueil qui reprend le titre d’une des nouvelles, afin de "donner un peu de couleur, dégager un soupçon de risque de 'suicide' ajouté à la symbolique dans le patrimoine culturel marocain de la 'djellaba verte'".
Pour cet amoureux de l’aventure littéraire, le roman est un moyen qui offre la possibilité de vivre dans un autre univers, avec des résonances du quotidien, qui incite le lecteur à la réflexion.
Saluant l'importante production littéraire au Maroc, M. Baida regrette de voir que le livre n’a encore pas trouvé une place centrale dans la société marocaine. “J'ai souvent l’impression que le livre est considéré comme un objet de luxe mais pas un besoin. Le livre est une nourriture quotidienne”, estime l'auteur.