Selon les dernières prévisions de Bank Al-Maghrib, les avoirs officiels de réserve s'établissent à 341,7 MMDH en 2022 avec un équivalent de 5 mois et 18 jours d'importations de biens et services en 2022. Pour l'année en cours et celle de 2024, ces réserves devraient couvrir près de 6 mois. Plusieurs raisons expliquent cette résilience qu’il serait convenable de renforcer encore davantage pour tirer profit des avantages des AOR sur l’économie nationale dans une conjoncture si délicate.
"Ce confort au niveau des AOR constitue une source de soutien à la valeur du dirham, ce qui permet notamment de freiner l'inflation", a noté Farid Mezouar, directeur exécutif de FLMarkets.
Ce constat est partagé par El Mehdi Ferrouhi, enseignant-chercheur à la Faculté d'économie et de gestion, Université Ibn Tofaïl de Kénitra, qui a souligné que les AOR permettent au Maroc de se procurer des devises surtout en ces temps d’inflation et de forte volatilité dans les marchés internationaux et pourraient également augmenter l’autonomie financière du pays.
"Comme le déficit courant s'est creusé à 3,3% du PIB, cette résilience des AOR en 2022 est vraisemblablement liée à un solde positif des financements externes", a expliqué M. Mezouar dans une déclaration à la MAP, avant d'ajouter que globalement, les réserves sont soutenues par les transferts des MRE qui devraient atteindre 105,8 MMDH en 2022 ainsi que par la reprise des recettes touristiques en quasi-triplement.
Dressant une trajectoire d'évolution des AOR, M. Ferrouhi a, pour sa part, fait remarquer que ces derniers ont connu une augmentation de 1,23% entre janvier 2022 et janvier 2023, précisant que cette augmentation a été plus importante pour l’or monétaire (15,05%) et les monnaies étrangères (17,25%).
La variation entre janvier 2021 et janvier 2023 est plus importante. En effet, durant les deux dernières années, les avoirs en DTS ont augmenté de plus de 140% et l’or monétaire de plus de 14%.
Cependant, a-t-il poursuivi, les monnaies étrangères ont connu une diminution de plus de 29%, expliquant principalement cette baisse par le solde déficitaire de la balance commerciale qui, d’après les chiffres de l’Office des changes, s’est creusé entre 2021 et 2022 de 39,9%.
"En effet, les importations ont augmenté de plus de 40% contre une augmentation des exportations de plus de 41%. Entre 2021 et 2022, les importations des principaux produits ont augmenté de plus de 47%", a-t-il soutenu.
Ainsi, les importations des produits énergétiques (hydrocarbures, gaz et autres) ont augmenté de plus de 110%, principalement en raison de la hausse des prix sur les marchés internationaux due à la reprise économique post-Covid, à l’augmentation des coûts de transport et au conflit russo-ukrainien.
Les autres importations tels que les produits alimentaires (blé, orge, sucre), les produits bruts (soufres bruts et non raffinés, l’huile de soja, la ferraille, les déchets et les autres minerais) ont augmenté respectivement de 48% et 54%. D’un autre côté, les exportations des phosphates ont augmenté de plus de 54,8%.
Miser sur les secteurs générateurs de devises
La résilience des AOR passe inéluctablement par le renforcement des secteurs générateurs de devises. Les industries automobile, aéronautique, électronique et électrique, agricole et du textile et cuir ainsi que le tourisme, sont autant de filières et de secteurs dans lesquels le Maroc a marqué des avancées fascinantes et sur lesquels le Royaume doit toujours miser pour maintenir ses AOR à un niveau rassurant.
Selon M. Ferrouhi, il faudrait également veiller à la réduction de la dépendance énergétique vis-à-vis de l’étranger, principalement à travers l’encouragement de l’investissement dans les énergies renouvelables (solaire et éolienne).
"Les dernières découvertes de gaz naturel au Maroc et le fort potentiel gazier dont dispose notre pays promettent une forte augmentation des AOR ainsi qu’une diminution des dettes dans les années à venir", a-t-il dit.
Par ailleurs, l’économiste a mis en relief la hausse prévue du taux d’endettement global par rapport à 2022, soulignant que le Haut-Commissariat au plan table sur une augmentation, durant cette année, du taux pour atteindre 83,2% du PIB avec des emprunts externes de 60 MMDH.
Il a dans ce sillage rappelé que la dette libellée en devises impacte directement les avoirs officiels de réserve. Ainsi, le remboursement des dettes en devises réduit les AOR alors que l’emprunt en devises les augmente.
Le recours à l’endettement étranger permet certes d’augmenter les AOR mais le remboursement risque de réduire plus les AOR vu la nécessité du remboursement aussi bien du capital que des intérêts, a estimé M. Ferrouhi.
Par Safaa Bennour (MAP)