A la gare de Bratislava, des sans-abris sont promus bagagistes


AFP
Mercredi 24 Décembre 2014

A la gare de Bratislava, des sans-abris sont promus bagagistes

Retrouver sa dignité, un travail, nouer des relations: sept sans-abris qui campaient à la gare de Bratislava s'y retrouvent porteurs de bagages, grâce à l'ONG slovaque Proti Prudu (Contre-courant).
Il est exactement 9 heures et 8 minutes. Les sept bagagistes entrent dans le hall principal de la gare, soigneusement rasés et vêtus d'uniformes élégants. Ils commencent leur premier service.
Sans attendre, Laco, la cinquantaine, se dirige vers une dame avec une grosse valise et lui demande s'il peut l'aider à la porter jusqu'au quai. "Pourquoi feriez-vous ça?", lui lance-t-elle, étonnée.
Laco lui explique alors qu'il s'agit essentiellement d'aider les personnes âgées et les femmes, dans un premier temps trois jours par semaine. Pour commencer, l'association a choisi les heures creuses afin de laisser aux nouveaux porteurs le temps de s'adapter à leur travail et d'apprendre à communiquer avec les voyageurs. Plus tard, ils essaieront peut-être de faire la même chose pendant les heures d'affluence.
Les gens ne paieront pas pour ce service, c'est l'ONG qui prendra en charge les salaires des bagagistes, ainsi que leur uniforme.
"Ils ont devant eux une tâche qui peut s'avérer difficile. Ils doivent gagner la confiance des gens. Leur rôle sera de s'adresser aux voyageurs, de gérer un éventuel rejet de leurs services et de résoudre tout problème qui puisse survenir", explique à l´AFP Sandra Tordová, directrice de l'association Proti Prudu.
Laco avait perdu son travail après une longue maladie et n'en a pas trouvé d'autre à Zilina, ville du nord de la Slovaquie dont il est originaire. Il vit depuis quinze ans déjà à Bratislava et ce travail lui permet de payer une partie de ses dettes et un petit loyer.
"Il arrive parfois que les passagers refusent, surtout les vieilles dames. Mais je les comprends, c'est leur propriété privée. C'est sûr qu'elles ont peur que leurs affaires disparaissent", explique un autre nouveau porteur, Jozef Dorusák, 32 ans.
Mais il affirme que les réactions à leur proposition d'aide sont le plus souvent positives. Il affiche sur son uniforme le prénom de Dodo: c'est comme cela que tout le monde l'appelle depuis son enfance à l'orphelinat. L'orphelinat, comme pour un tiers des sans-abris slovaques, a marqué son enfance. Mais il a terminé à la rue par sa faute, avoue-t-il.
"Je ne vais pas rejeter la faute sur le système ou l'Etat. J'ai fait des bêtises dans ma vie et je ne savais pas gérer mon argent, comme je suis en train d'apprendre à le gérer maintenant", dit-il.
Une autre ONG, Vagus, avait lancé de son côté un projet similaire, proposant un emploi à des SDF. Le café DobreDobre, dans le style de la vieille Pressbourg, le nom de Bratislava sous l'Empire austro-hongrois, a ouvert il y a deux mois. Son personnel se compose de trois anciens sans-abris.
"Un certain nombre de gens qui viennent ici boire un café ne savent même pas que c'est un lieu spécial. Mais cela nous arrange, car c'est un peu ce que nous voulions", dit à l'AFP Alexandra Kárová, gérante du projet.
Habillés comme des hipsters, avec un noeud papillon et des bretelles, Milan et Eva apprécient leur nouvel emploi de serveurs. Ancien maçon, Milan, 31 ans, n'avait pas travaillé pendant plus d'un an. Il s'est retrouvé à la rue en raison de désaccords avec sa famille.
"C'est une vie complètement différente de celle que j'avais avant. J'ai un travail stable maintenant. Je peux m'acheter ce que je veux, de nouvelles chaussures, de la nourriture, ou m'asseoir quelque part pour manger", dit-il.
D'après les chiffres des ONG, il y a actuellement environ 5.000 sans-abris à Bratislava.


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