“C’était interdit”, raconte le jeune homme, aujourd’hui âgé de 21 ans mais qui en avait 14 à l’époque. Comme beaucoup d’autres jeunes gens, il ne fait aujourd’hui que de brefs séjours dans le village, pour rendre visite à ses parents.
L’interdiction du sport, activité qui implique de porter des vêtements “indécents”, est l’une des raisons qui a conduit à une nouvelle division récemment au sein de la secte qui a fondé en 1973 ce village de 4.000 habitants, dans l’Etat de Michoacan, à 400 km environ à l’ouest de Mexico.
Dernier épisode en date, la destruction le 6 juin par des adeptes de la Vierge du Rosaire des écoles maternelles et primaires du village, où des membres dissidents de la communauté scolarisaient leurs enfants.
Ceux-ci accusent la voyante de la secte, Rosa Gomez, d’avoir incité les adeptes à passer à l’action en leur assurant que “l’Antéchrist” rôdait dans les écoles. Mais le père Luis, un des prêtres, affirme que les villageois ont agi spontanément, car “ils ne voulaient pas de cette école”.
Dans la cathédrale de la Nouvelle Jérusalem, surveillée par des adeptes et dans laquelle on ne peut se rendre que sur autorisation, des croyantes se relaient 24 heures sur 24: “Ici, on chante jour et nuit parce que la Vierge est vivante et qu’on ne peut pas la laisser seule”, explique le prêtre.
Deux adeptes sexagénaires, qui se présentent comme Santos et Jacinto, confirment toutefois que c’est bien la Vierge qui “ne voulait pas de ces choses (les écoles). Il y a déjà une école paroissiale”, plaident-ils, en référence au centre éducatif de la secte, dans lequel les dissidents ne souhaitent pas envoyer leurs enfants, car son enseignement n’est pas reconnu officiellement.
La Nouvelle Jérusalem a été fondée après qu’une paysanne, Gabina Romero, eut assuré que la Vierge du Rosaire lui était apparue porteuse d’un message pour Nabor Cardenas, le curé de la paroisse voisine de Puruaran, afin qu’il crée un village de pénitents et sauve le monde de sa fin imminente.
Nabor Cardenas s’est mué en “Pape Nabor”, leader spirituel de ce culte non-reconnu par l’Eglise catholique, et Gabina Romero en “Maman Salomé”, voyante qui recevait quotidiennement des messages de la Vierge.
Le village a attiré des fidèles de tout le Mexique, jusqu’à devenir une attraction touristique. Ses habitants se consacrent aujourd’hui à l’agriculture.
Toutefois, au fil des années, plusieurs schismes sont apparus.
Certains, en raison de rivalités entre les “voyantes” qui ont succédé à “Maman Salomé” - certaines prétendaient parler avec Lazaro Cardenas, président du Mexique mort en 1970 ou étaient allées à Rome pour rencontrer le pape Paul VI, décédé en 1978 mais prétendument prisonnier dans les catacombes de la capitale italienne.
D’autres, parce que certains adeptes n’ont tout simplement pas toléré les normes rigides de la communauté qui interdisent par exemple la télévision, la radio, les journaux, les téléphones portables, l’alcool, la musique...
A l’entrée du bourg, une pancarte avertit les visiteurs: “Entrée interdite aux femmes en jupes courtes ou portant des vêtements décolletés ou sans manches” ainsi qu’aux hommes portant “des cheveux longs et des tenues indécentes”.
En 2006, un groupe de 300 personnes s’est donc éloigné du culte, tout en demeurant dans le village. Depuis, une cohabitation difficile s’est instaurée.
“L’école (laïque) leur pose problème parce que l’enseignement ne permet plus (de pratiquer) leurs abus”, estime ainsi Emiliano Juarez, qui soupçonne ses anciens compagnons de vouloir l’expulser pour s’emparer de ses terres.
“Ici, il y a un règlement et tous ceux qui vivent dans ce village doivent le respecter. Si tu n’es pas d’accord, tu peux te retirer, il n’y a aucun problème”, rétorque le père Luis, d’une voix douce.