A Safi, K. Ammari serait bien mort des suites de la violence policière : Un rapport qui accable la gouvernance sécuritaire


Narjis Rerhaye
Samedi 18 Juin 2011

A Safi, K. Ammari serait bien mort des suites de la violence policière : Un rapport qui accable la gouvernance sécuritaire
Les conclusions de deux ONG de défense des droits humains et des libertés- le Médiateur pour la démocratie et les droits de l’Homme  et  l’Observatoire marocain des libertés publiques - sont tombées comme un couperet. Kamal Ammari, le jeune manifestant du 20 février, est bien mort des suites des violences policières dont il a été victime le 29 mai 2011 à Safi. « L’agression et la violence injustifiées dont a été victime Kamal Ammari de la part des agents de police, le dimanche 29 mai, ont été la cause directe de la détérioration de son état de santé. Ce qui a engendré sa mort survenue le jeudi 2 juin. Des responsabilités particulières et générales en sont établies en matière de gestion sécuritaire aux niveaux provincial et national », peut-on lire dans le rapport d’enquête menée conjointement par le Médiateur pour la démocratie et les droits de l’Homme  que préside Khadija Marouazi et l’Observatoire marocain des libertés publiques dirigé par Kamal Lahbib.
Au lendemain du décès de ce jeune manifestant du 20 février, les deux associations ont décidé de mener une mission d’enquête sur les circonstances du décès de Kamal Ammari et les suites de la violence contre les manifestants, le 29 mai 2011 à Safi. Une mission d’enquête qui a duré 3 jours et au cours de laquelle les activistes ont pu recueillir les témoignages de représentants de l’autorité publique (procureur général, wali, délégué régional du ministère de la Santé), les membres de la famille du défunt, les témoins qui ont assisté à l’agression de Kamal Ammari, des victimes d’agression, d’enlèvement, de séquestration, ainsi que des militants associatifs et politiques.
A travers écoute, témoignages, recoupements, ceux et celles du Médiateur pour la démocratie et les droits de l’Homme et de l’Observatoire marocain des libertés publiques ont pu se faire une idée plutôt précise des circonstances du décès du jeune Kamal Ammari dont l’autopsie du corps avait imputé le décès à « une pneumopathie extensive avec anoxie cérébrale ». Ce manifestant est bien mort parce qu’il a subi des violences policières lors de la manifestation du 29 mai que la ville de Safi a connue. K. Ammari était visé en tant que manifestant et les auteurs de ce rapport d’enquête accablant pour la gouvernance sécuritaire relèvent clairement « le recours excessif et disproportionné à la force pour disperser les manifestants à Safi, le dimanche 29 mai à partir de 16h45 » et une dispersion des manifestants non conforme à la loi. Le rapport va encore plus loin et évoque « l’existence d’instructions » et une coordination  autorisant la violence, la torture et les mauvais traitements dont auraient été victimes ceux parmi les manifestants de Safi « enlevés et détenus dans des voitures officielles et non officielles qui ont roulé dans différentes directions durant plus de 40 km ».  Bavures policières ? Services de police, au niveau local échappant à tout contrôle ? Ou, au contraire, décision sécuritaire centrale ? Les auteurs de cette enquête minutieuse posent la question et exigent des réponses.
Des hôpitaux au service
de la police ?
Dans la foulée, la mission d’enquête s’est forgé une profonde conviction : si les jeunes visés par la violence policière sont issus de courants politiques et associatifs divers, ceux appartenant au groupe Al Adl Wal Ihssance étaient particulièrement visés ».
Selon l’Observatoire marocain des libertés publiques et le Médiateur pour la démocratie et les droits de l’Homme, cette dérive sécuritaire s’est propagée jusqu’aux portes de l’hôpital Mohammed V de Safi où Ammari n’avait pas pu se rendre après son agression « de peur de se faire arrêter ».  Le rapport des deux associations note, preuves à l’appui, la présence d’agents de police postés, ce fameux dimanche 29 mai, aux entrées de l’hôpital de la ville. « Ce qui pose un problème éthique et juridique, à toutes ces parties qui ont détourné les hôpitaux de leur fonction thérapeutique initiale pour en faire des espaces de terreur, d’intimidation et d’arrestation », lit-on dans ce rapport.
Si le rapport de la  mission d’enquête sur le décès du jeune Safiot  et les violences contre les participants à la manifestation du dimanche 29 mai organisée à Safi à l’appel du Mouvement du 20 février interpelle fortement les sécuritaires, il a également le mérite de lever toute ambiguïté juridique sur l’autorisation d’une manifestation. La loi marocaine est claire : il n’est pas question de déposer auprès des autorités compétentes une demande d’autorisation d’un sit-in ou d’une manifestation mais de procéder à une déclaration préalable fournissant notamment des renseignements sur le point de départ de la manifestation, son itinéraire et son point de dispersion, etc, afin de permettre aux autorités chargées du maintien de l’ordre de « prendre toutes les mesures de sécurité à même de garantir l’exercice du droit de manifester ».
Demander des comptes à ceux qui se seraient rendus coupables du décès de Kamal Ammari, ouvrir une enquête pour déterminer les responsabilités concernant la prise de décision sécuritaire à différents niveaux et prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre fin aux abus et autres exactions commis contre les manifestants, ce sont là quelques-unes des principales recommandations du Médiateur et de l’Observatoire.
Ce vendredi 17 juin, soit 24 heures après la publication du rapport de ces deux ONG marocaines, le Procureur général du Roi près la Cour d’appel de Safi a ordonné que l’enquête sur les circonstances du décès de Kamal Ammari soit « exhaustive et approfondie et que toutes les hypothèses et informations véhiculées à ce sujet soient vérifiées ».


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