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Quelques mètres plus bas, ici à l’embouchure du Sebou, la réserve de Sidi Boughaba s’étend à perte de vue. Il faut ensuite tourner à gauche, prendre une piste. Il n’y a pas la moindre indication. Le mausolée de Sidi Boughaba surgit comme de nulle part. La bâtisse menace ruine. Il est d’ailleurs interdit d’y entrer. Sur le mur de la façade du « darih », le visiteur imprudent est prévenu : «Il est interdit d’entrer ici. Le bâtiment est menacé d’effondrement ». « Depuis les pluies de l’hiver dernier, Sidi Boughaba est abandonné. Les gens n’y viennent plus, sinon très rarement. On a si peur que tout s’effondre », témoigne un petit garçon qui passait par là en pressant le pas et jetant des regards inquiets. Le mausolée de Sidi Boughaba, le patron du site et de la forêt, est abandonné.
Reportage réalisé par
Depuis plusieurs mois déjà, presque plus personne ne s’y risque, sinon des vagabonds qui errent dans la région. Ils y trouvent refuge le temps d’une nuit et y laissent des bouteilles vides et cassées comme témoignage de leur passage.
Devant ce paysage de désolation –murs effondrés, briques cassées, trous béants sur la façade et insalubrité des lieux- on a du mal à réaliser que la réserve, -ce site unique de biodiversité situé sur la rive gauche du fleuve Sebou et qui s’étend sur 6 kilomètres- porte le nom de Sidi Boughaba, ce Saint Homme qui, dit-on, a veillé sur les forêts et les marins. Le site est classé naturel depuis 1951. En 1964, le Bureau international de recherche des oiseaux d’eau accorde le statut de zone ornithologique à Dayat Sidi Boughaba. Et en 1974, le site entre au panthéon des réserves biologiques. Des espèces innombrables d’oiseaux, une flore dense et surtout un écosystème à protéger à proximité de la coupole à moitié détruite et abandonnée de tous du patron des lieux, volontiers présenté comme le maître de la forêt.
De l’autre côté du miroir, la réalité traverse le papier glacé et n’a rien à voir avec les 10 pages de reportages et photos publiés par le magazine de la Royal Air Maroc. Dans son édition des mois de mars-avril, la revue de la compagnie aérienne nationale a en effet publié 10 pages sur la réserve de Sidi Boughaba, « un site unique de biodiversité à l’embouchure du Sebou ».
Non loin du mausolée de Sidi Boughaba, à moins de deux kilomètres, se trouve le douar où vit la « m’kadma » du darih. Elle a été gardienne des lieux, recevant visiteurs et offrandes le dimanche, jour de « pèlerinage ». « Jusqu’à l’hiver dernier. Un premier mur s’est effondré. Le bâtiment n’a pas résisté aux intempéries. Des responsables sont venus pour dire qu’il était désormais interdit d’entrer dans le darih, que c’était trop dangereux. Dans de telles conditions, comment préserver la baraka de Sidi Boughaba, un homme de bien et de piété et qui a su protéger ce site des pilleurs et des catastrophes ? », se demande-t-elle.
De ce petit douar, on voit au loin la coupole verte du Mausolée de Sidi Boughaba. Le lieu a connu ses jours fastes. « Depuis 1994, on a arrêté d’y organiser le moussem annuel », soupire-t-elle. Mais attention, hommes et femmes continuent d’y venir, bravant l’interdiction des autorités. On s’est frayé un passage comme on pouvait, jetant les briques cassées du mur effondré. Ici, on continue de croire aux vertus du Saint Homme. Les légendes continuent de peupler les baraques des douars des environs. Un vieil homme au visage buriné nous accoste. En mars dernier, nous dit-il, une commission du ministère des Habous et des Affaires islamiques –c’est ce ministère qui est en charge de la réhabilitation des mausolées, zaouias, et mosquées- s’est rendue sur les lieux. A l’intérieur du darih de Sidi Boughaba, ils ont constaté les dégâts. « Puis plus rien. On n’a plus entendu parler d’eux. Une histoire de budget sûrement», chuchote l’homme, « un ancien des eaux et forêts », comme il tient à le préciser.
Au ministère des Habous et Affaires islamiques, la réhabilitation de Sidi Boughaba s’est peut-être perdue dans les dédales de l’administration. Ou au fond d’un tiroir poussiéreux. Qui se soucie vraiment d’un mausolée, perdu entre forêt et fleuve, loin des lumières de la ville et des zaouias à la mode ? « Aidez-nous ! Ecrivez qu’ils ne doivent pas oublier Sidi Boughaba. Il faut reconstruire, nettoyer, redonner son lustre d’antan à ce darih toujours sans eau ni électricité alors qu’il est tellement simple de raccorder au réseau », nous lance la m’kadma, gardienne de Sidi Boughaba et de ses traditions.