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Il apparaît, au vu des déclarations du gouverneur de Bank Al-Maghrib à l’issue du premier Conseil de l’année en cours et du projet des nouveaux statuts que la Banque centrale est bien engagée dans la préparation de la mise en place d’une stratégie de ciblage de l’inflation. Ci-dessous les principaux axes de cette stratégie et les enjeux en termes d’organisation et de conduite de la politique monétaire.
«Nous n’avons qu’une seule aiguille dans notre boussole : la stabilité des prix », aimait à répéter Jean-Claude Trichet, lorsqu’il présidait aux destinées de la Banque centrale européenne, pour souligner que l’objectif principal, voire unique, de l’institution de Francfort est la maîtrise de l’inflation. Selon le projet de loi portant modification de ses statuts, Bank Al Maghrib placera cet objectif au centre de sa politique monétaite. A cet effet, l’institution s’apprête à adopter à l’instar des banques centrales de certains pays émergents comme le Chili, le Brésil ou le Mexique, une stratégie de ciblage de l’inflation. Cette stratégie, qui repose sur l’anticipation du taux futur d’inflation à l’aide d’indicateurs destinés à prévoir l’évolution des prix à un horizon temporel, vise à doter la banque des banques d’une nouvelle boussole de politique monétaire. La pratique de ce ciblage implique que Bank Al Maghrib fixe une cible directe d’inflation et met librement en œuvre ses instruments dans le but d’assurer un degré élevé de transparence de ses objectifs et de son processus de décision. La priorité ainsi accordée au contrôle de l’inflation soulève une question majeure : la politique monétaire doit-elle reposer sur des règles rigides en s’assignant le seul objectif de stabilité des prix ou adopter une stratégie flexible en mesure d’intégrer l’objectif d’emploi et d’atténuation des fluctuations de l’activité ?
Ce que ciblage de l’inflation veut dire
La stratégie mise en œuvre par Bank Al Maghreb repose sur l’utilisation d’un agrégat représentatif de la monnaie comme objectif intermédiaire dans le contrôle de l’inflation. Il s’agit de fixer un rythme de progression de cet agrégat et à éponger ou à injecter des liquidités en fonction de cet objectif. L’évolution des prix est censée dépendre, dans ces conditions, de l’évolution de la masse monétaire. L’inflation est considérée, à cette aune, comme un phénomène purement monétaire. Comme pour beaucoup de pays, il a été établi que la relation entre l’agrégat monétaire de référence de la banque centrale du Maroc et le niveau général des prix n’est pas stable. Un même taux d’inflation peut être associé à des rythmes de progression de la masse monétaire différents. Il s’ensuit que l’agrégat monétaire n’est pas un indicateur adéquat. C’est pour cette raison que le Maroc compte mettre en place le ciblage de l’inflation. Cette procédure consiste pour la Banque centrale à déterminer directement l’objectif final de stabilité des prix sans recourir à un objectif intermédiaire. A cet effet, elle porte sur le choix d’un indice de mesure officielle de l’inflation associé à une cible qui pourrait être une valeur ponctuelle (2%) ou une bande de fluctuation (entre 2 et 4% par exemple comme c’est le cas au Chili). Cet indice concerne dans tous les cas les prix des biens de consommation. Il peut mesurer l’inflation totale ou l’inflation sous-jacente qui écarte les biens dont les prix sont volatiles (énergie, produits alimentaires). Dans ce contexte, les décisions monétaires sont commandées par une série d’indicateurs qui servent de base à des prévisions de l’inflation future. Ces indicateurs se rapportent à l’évolution de la demande globale, à l’utilisation des capacités de production, comme à la différence entre la production effective et la production potentielle, à l’état du marché du travail ou l’évolution de certains actifs et aux mouvements du taux de change. A ce titre, la politique monétaire est fondée sur des règles fixées en vue d’assurer la transparence dans la communication avec les acteurs économiques. Ces règles portent sur l’affichage d’une cible d’inflation, l’engagement ferme en faveur de la poursuite de cet objectif conformément aux décisions annoncées.
Une telle organisation institutionnelle requiert la responsabilité de la Banque centrale quant à la réalisation de ses objectifs d’inflation. Quatre conditions sont, en général, jugées nécessaires. D’abord, la Banque centrale doit bénéficier d’un statut d’indépendance opérationnelle qui lui permet de décider librement des instruments à mettre en œuvre en vue d’agir sur des liquidités et les conditions de refinancement sur le marché monétaire. Bank Al Maghreb est habilitée, de par ses statuts, à arrêter ses instruments d’intervention. A cet égard, elle fixe le taux d’intérêt, définit les réserves obligatoires et dispose de la possibilité d’émettre et de racheter ses propres titres de créances. Cette autonomie s’accompagne de l’impératif de transparence sur ses choix monétaires, sur ses prévisions comme sur l’évaluation des résultats de ses décisions. Ensuite, la Banque centrale doit être affranchie de la contrainte du financement monétaire du Trésor public, car l’octroi de crédits à ce dernier pourrait porter atteinte à son objectif de stabilité des prix. Ainsi, l’accès privilégié du gouvernement aux crédits de la Banque centrale est supprimé et les concours financiers aux entités publiques interdits. Ainsi, Le financement du déficit public est limité à des facilités de caisse ne dépassant pas 5% des recettes fiscales effectives de l’année budgétaire écoulée sur une durée d’au plus 120 jours. Ces facilités, qui sont consenties dans la mesure jugée compatible avec l’état du marché monétaire, sont assorties d’intérêts au taux de base de refinancement des banques. La Banque centrale doit veiller également à la stabilité financière en vue d’assurer la sécurité du système des paiements et le bon fonctionnement des institutions financières. Elle ne peut procéder, à la demande des autorités politiques, à des injections de liquidités pour remédier aux difficultés de certaines banques et autres institutions financières. De telles actions de sauvetage pourraient contrecarrer l’objectif de stabilité de prix. Cette autonomie, qui est dictée par le rôle d’arbitre et de garant, est tenue pour une condition nécessaire à l’acquisition de la crédibilité. La réforme du cadre d’exercice et de contrôle des activités bancaires et le renforcement des réglementations prudentielles participent de la mise en place d’institutions favorables au ciblage de l’inflation. Enfin, ce ciblage appelle l’utilisation d’une seule variable nominale qui sert d’ancre, le taux d’inflation. Cet ancrage, destiné à guider les anticipations, ne doit pas être doublé d’une politique d’objectif de change. Celle-ci pourrait entrer en conflit avec l’objectif d’inflation. C’est pourquoi les autorités monétaires envisagent l’abandon du régime de change actuel au profit de la flexibilité de la monnaie nationale vis-à-vis des devises étrangères.
Quelle orientation de la politique monétaire?
L’institution de l’indépendance de la Banque centrale et le projet de ciblage de l’inflation sont l’aboutissement de la politique économique poursuivie depuis 1998. Les deux composantes, monétaire et budgétaire, de cette politique sont encadrées par des règles fixes destinées à assurer la maîtrise de l‘inflation et du déficit public. Fondé sur une cible d’inflation de 2%, le réglage monétaire a pour finalité d’asseoir la crédibilité de l’engagement du décideur public en faveur de la stabilité des prix. Ce réglage est couplé à une gestion de la parité de la monnaie nationale à l’intérieur d’une zone cible dont le taux de change central est rattaché à un panier de devises des principaux partenaires commerciaux. Les choix budgétaires, quant à eux, sont commandés par la règle de limitation du déficit des finances publiques à 3% du produit intérieur brut. La combinaison de ces règles est censée garantir une coordination où la discipline budgétaire doit soutenir la crédibilité monétaire. La limitation du déficit public doit non seulement soulager la Banque centrale de la contrainte de financement monétaire des dépenses publiques mais contribuer, à travers son effet modérateur sur la demande globale, à la désinflation.
Tout en étant centré sur l’objectif de stabilité macroéconomique, le ciblage de l’inflation est appelé à modifier les conditions de conduite de la politique monétaire. Il peut être strict si la Banque centrale cherche à atteindre un objectif fixe d’inflation très basse, ou flexible dans le cas où il reposerait sur une zone cible qui tient compte de l’emploi.
Si la politique monétaire se contente de poursuivre un strict objectif de maîtrise d’inflation, il y a lieu de s’attendre à la persistance de la croissance atone et à l’aggravation du coût en termes d’emploi et de bien-être social. Une telle rigueur entrave l’ajustement par les prix en cas de hausse des coûts de production. Elle induit une aggravation des charges des entreprises sujettes à la contrainte du financement bancaire et celles qui connaissent une sous-utilisation des capacités de production. Ces entreprises ne peuvent répercuter sur les prix leurs frais financiers ou leurs coûts fixes unitaires sous peine de compromettre leur position compétitive. Une estimation des coefficients de répercussion des variations des coûts de production indique que l’ajustement reste très faible dans les activités soumises à la concurrence.
Ainsi, les entreprises recourent plutôt à la révision de leurs taux de marge, ce qui réduit leurs capacités d’épargne ou à des ajustements par l’emploi ou de la durée de travail. Ces réactions des entreprises accentuent la déficience de la demande globale que génèrent les rationnements du crédit dont souffrent les petites et moyennes entreprises.
En revanche, si les autorités monétaires associent l’objectif d’emploi à celui de l’inflation, on peut s’attendre à l’amorce d’une réduction conséquente du déficit d’activité. S’il paraît légitime que la Banque centrale dispose d’une autonomie quant à l’utilisation des instruments de politique monétaire, il y a déficit démocratique lorsque la définition des objectifs ne prend pas en compte les préférences de la société. Ainsi, La question essentielle que soulève l’indépendance de la Banque centrale est celle des objectifs de la politique monétaire. Dès lors, la nature des règles qui gouvernent la politique économique est d’une importance décisive.
La politique monétaire ne saurait être assujettie à une règle mécanique de contrôle strict d’inflation
La croissance molle et volatile de l’économie marocaine appelle une réforme de la politique économique dans le cadre d’une coordination entre les autorités monétaires et les autorités budgétaires centrée sur la croissance. Dans ce contexte, des règles flexibles s’imposent du fait même que la politique économique est confrontée à des chocs imprévisibles. Les nouveaux statuts ne donnent aucune traduction chiffrée de l’objectif de stabilité des prix. Par conséquent, le décideur de la politique monétaire peut fixer une plage d’inflation en lieu et place d’une cible directe.
Un ciblage flexible sur la base d’une fourchette entre 2%et 4% peut être approprié. En matière de déficit public, là aussi, il y a lieu d’asseoir la politique budgétaire sur une règle qui consiste à moduler le solde des comptes publics compte tenu de la conjoncture. Une règle flexible peut être utilisée à des fins de stimulation de l’activité économique. Une combinaison de règles monétaires et budgétaires souples, orientée par des objectifs de croissance et d’emploi, est à même d’entraîner la sortie de la trappe de la croissance atone. A cet égard, l’action discrétionnaire s’impose tant pour contrer les chocs sur l’emploi et les revenus que pour disposer de plus de marges en matière de respect des engagements. Opter pour ces règles n’implique pas l’abandon de la crédibilité en matière de stabilité monétaire. Au contraire, les autorités monétaires et budgétaires peuvent construire leur réputation en s’attachant à concilier le contrôle de l’inflation et l’objectif d’emploi.
En définitive, si la stabilité des prix est un enjeu primordial de long terme, la politique monétaire ne saurait être assujettie à une règle mécanique de contrôle strict d’inflation. L’utilisation du ciblage de l’inflation à des fins explicites de croissance et d’emploi est de nature à concilier la flexibilité nécessaire à la réponse aux chocs, la responsabilité dans l’exercice des décisions et la prise en compte des préférences de la société. L’aiguille de la boussole ne doit-elle pas indiquer la direction du bien-être social ?
«Nous n’avons qu’une seule aiguille dans notre boussole : la stabilité des prix », aimait à répéter Jean-Claude Trichet, lorsqu’il présidait aux destinées de la Banque centrale européenne, pour souligner que l’objectif principal, voire unique, de l’institution de Francfort est la maîtrise de l’inflation. Selon le projet de loi portant modification de ses statuts, Bank Al Maghrib placera cet objectif au centre de sa politique monétaite. A cet effet, l’institution s’apprête à adopter à l’instar des banques centrales de certains pays émergents comme le Chili, le Brésil ou le Mexique, une stratégie de ciblage de l’inflation. Cette stratégie, qui repose sur l’anticipation du taux futur d’inflation à l’aide d’indicateurs destinés à prévoir l’évolution des prix à un horizon temporel, vise à doter la banque des banques d’une nouvelle boussole de politique monétaire. La pratique de ce ciblage implique que Bank Al Maghrib fixe une cible directe d’inflation et met librement en œuvre ses instruments dans le but d’assurer un degré élevé de transparence de ses objectifs et de son processus de décision. La priorité ainsi accordée au contrôle de l’inflation soulève une question majeure : la politique monétaire doit-elle reposer sur des règles rigides en s’assignant le seul objectif de stabilité des prix ou adopter une stratégie flexible en mesure d’intégrer l’objectif d’emploi et d’atténuation des fluctuations de l’activité ?
Ce que ciblage de l’inflation veut dire
La stratégie mise en œuvre par Bank Al Maghreb repose sur l’utilisation d’un agrégat représentatif de la monnaie comme objectif intermédiaire dans le contrôle de l’inflation. Il s’agit de fixer un rythme de progression de cet agrégat et à éponger ou à injecter des liquidités en fonction de cet objectif. L’évolution des prix est censée dépendre, dans ces conditions, de l’évolution de la masse monétaire. L’inflation est considérée, à cette aune, comme un phénomène purement monétaire. Comme pour beaucoup de pays, il a été établi que la relation entre l’agrégat monétaire de référence de la banque centrale du Maroc et le niveau général des prix n’est pas stable. Un même taux d’inflation peut être associé à des rythmes de progression de la masse monétaire différents. Il s’ensuit que l’agrégat monétaire n’est pas un indicateur adéquat. C’est pour cette raison que le Maroc compte mettre en place le ciblage de l’inflation. Cette procédure consiste pour la Banque centrale à déterminer directement l’objectif final de stabilité des prix sans recourir à un objectif intermédiaire. A cet effet, elle porte sur le choix d’un indice de mesure officielle de l’inflation associé à une cible qui pourrait être une valeur ponctuelle (2%) ou une bande de fluctuation (entre 2 et 4% par exemple comme c’est le cas au Chili). Cet indice concerne dans tous les cas les prix des biens de consommation. Il peut mesurer l’inflation totale ou l’inflation sous-jacente qui écarte les biens dont les prix sont volatiles (énergie, produits alimentaires). Dans ce contexte, les décisions monétaires sont commandées par une série d’indicateurs qui servent de base à des prévisions de l’inflation future. Ces indicateurs se rapportent à l’évolution de la demande globale, à l’utilisation des capacités de production, comme à la différence entre la production effective et la production potentielle, à l’état du marché du travail ou l’évolution de certains actifs et aux mouvements du taux de change. A ce titre, la politique monétaire est fondée sur des règles fixées en vue d’assurer la transparence dans la communication avec les acteurs économiques. Ces règles portent sur l’affichage d’une cible d’inflation, l’engagement ferme en faveur de la poursuite de cet objectif conformément aux décisions annoncées.
Une telle organisation institutionnelle requiert la responsabilité de la Banque centrale quant à la réalisation de ses objectifs d’inflation. Quatre conditions sont, en général, jugées nécessaires. D’abord, la Banque centrale doit bénéficier d’un statut d’indépendance opérationnelle qui lui permet de décider librement des instruments à mettre en œuvre en vue d’agir sur des liquidités et les conditions de refinancement sur le marché monétaire. Bank Al Maghreb est habilitée, de par ses statuts, à arrêter ses instruments d’intervention. A cet égard, elle fixe le taux d’intérêt, définit les réserves obligatoires et dispose de la possibilité d’émettre et de racheter ses propres titres de créances. Cette autonomie s’accompagne de l’impératif de transparence sur ses choix monétaires, sur ses prévisions comme sur l’évaluation des résultats de ses décisions. Ensuite, la Banque centrale doit être affranchie de la contrainte du financement monétaire du Trésor public, car l’octroi de crédits à ce dernier pourrait porter atteinte à son objectif de stabilité des prix. Ainsi, l’accès privilégié du gouvernement aux crédits de la Banque centrale est supprimé et les concours financiers aux entités publiques interdits. Ainsi, Le financement du déficit public est limité à des facilités de caisse ne dépassant pas 5% des recettes fiscales effectives de l’année budgétaire écoulée sur une durée d’au plus 120 jours. Ces facilités, qui sont consenties dans la mesure jugée compatible avec l’état du marché monétaire, sont assorties d’intérêts au taux de base de refinancement des banques. La Banque centrale doit veiller également à la stabilité financière en vue d’assurer la sécurité du système des paiements et le bon fonctionnement des institutions financières. Elle ne peut procéder, à la demande des autorités politiques, à des injections de liquidités pour remédier aux difficultés de certaines banques et autres institutions financières. De telles actions de sauvetage pourraient contrecarrer l’objectif de stabilité de prix. Cette autonomie, qui est dictée par le rôle d’arbitre et de garant, est tenue pour une condition nécessaire à l’acquisition de la crédibilité. La réforme du cadre d’exercice et de contrôle des activités bancaires et le renforcement des réglementations prudentielles participent de la mise en place d’institutions favorables au ciblage de l’inflation. Enfin, ce ciblage appelle l’utilisation d’une seule variable nominale qui sert d’ancre, le taux d’inflation. Cet ancrage, destiné à guider les anticipations, ne doit pas être doublé d’une politique d’objectif de change. Celle-ci pourrait entrer en conflit avec l’objectif d’inflation. C’est pourquoi les autorités monétaires envisagent l’abandon du régime de change actuel au profit de la flexibilité de la monnaie nationale vis-à-vis des devises étrangères.
Quelle orientation de la politique monétaire?
L’institution de l’indépendance de la Banque centrale et le projet de ciblage de l’inflation sont l’aboutissement de la politique économique poursuivie depuis 1998. Les deux composantes, monétaire et budgétaire, de cette politique sont encadrées par des règles fixes destinées à assurer la maîtrise de l‘inflation et du déficit public. Fondé sur une cible d’inflation de 2%, le réglage monétaire a pour finalité d’asseoir la crédibilité de l’engagement du décideur public en faveur de la stabilité des prix. Ce réglage est couplé à une gestion de la parité de la monnaie nationale à l’intérieur d’une zone cible dont le taux de change central est rattaché à un panier de devises des principaux partenaires commerciaux. Les choix budgétaires, quant à eux, sont commandés par la règle de limitation du déficit des finances publiques à 3% du produit intérieur brut. La combinaison de ces règles est censée garantir une coordination où la discipline budgétaire doit soutenir la crédibilité monétaire. La limitation du déficit public doit non seulement soulager la Banque centrale de la contrainte de financement monétaire des dépenses publiques mais contribuer, à travers son effet modérateur sur la demande globale, à la désinflation.
Tout en étant centré sur l’objectif de stabilité macroéconomique, le ciblage de l’inflation est appelé à modifier les conditions de conduite de la politique monétaire. Il peut être strict si la Banque centrale cherche à atteindre un objectif fixe d’inflation très basse, ou flexible dans le cas où il reposerait sur une zone cible qui tient compte de l’emploi.
Si la politique monétaire se contente de poursuivre un strict objectif de maîtrise d’inflation, il y a lieu de s’attendre à la persistance de la croissance atone et à l’aggravation du coût en termes d’emploi et de bien-être social. Une telle rigueur entrave l’ajustement par les prix en cas de hausse des coûts de production. Elle induit une aggravation des charges des entreprises sujettes à la contrainte du financement bancaire et celles qui connaissent une sous-utilisation des capacités de production. Ces entreprises ne peuvent répercuter sur les prix leurs frais financiers ou leurs coûts fixes unitaires sous peine de compromettre leur position compétitive. Une estimation des coefficients de répercussion des variations des coûts de production indique que l’ajustement reste très faible dans les activités soumises à la concurrence.
Ainsi, les entreprises recourent plutôt à la révision de leurs taux de marge, ce qui réduit leurs capacités d’épargne ou à des ajustements par l’emploi ou de la durée de travail. Ces réactions des entreprises accentuent la déficience de la demande globale que génèrent les rationnements du crédit dont souffrent les petites et moyennes entreprises.
En revanche, si les autorités monétaires associent l’objectif d’emploi à celui de l’inflation, on peut s’attendre à l’amorce d’une réduction conséquente du déficit d’activité. S’il paraît légitime que la Banque centrale dispose d’une autonomie quant à l’utilisation des instruments de politique monétaire, il y a déficit démocratique lorsque la définition des objectifs ne prend pas en compte les préférences de la société. Ainsi, La question essentielle que soulève l’indépendance de la Banque centrale est celle des objectifs de la politique monétaire. Dès lors, la nature des règles qui gouvernent la politique économique est d’une importance décisive.
La politique monétaire ne saurait être assujettie à une règle mécanique de contrôle strict d’inflation
La croissance molle et volatile de l’économie marocaine appelle une réforme de la politique économique dans le cadre d’une coordination entre les autorités monétaires et les autorités budgétaires centrée sur la croissance. Dans ce contexte, des règles flexibles s’imposent du fait même que la politique économique est confrontée à des chocs imprévisibles. Les nouveaux statuts ne donnent aucune traduction chiffrée de l’objectif de stabilité des prix. Par conséquent, le décideur de la politique monétaire peut fixer une plage d’inflation en lieu et place d’une cible directe.
Un ciblage flexible sur la base d’une fourchette entre 2%et 4% peut être approprié. En matière de déficit public, là aussi, il y a lieu d’asseoir la politique budgétaire sur une règle qui consiste à moduler le solde des comptes publics compte tenu de la conjoncture. Une règle flexible peut être utilisée à des fins de stimulation de l’activité économique. Une combinaison de règles monétaires et budgétaires souples, orientée par des objectifs de croissance et d’emploi, est à même d’entraîner la sortie de la trappe de la croissance atone. A cet égard, l’action discrétionnaire s’impose tant pour contrer les chocs sur l’emploi et les revenus que pour disposer de plus de marges en matière de respect des engagements. Opter pour ces règles n’implique pas l’abandon de la crédibilité en matière de stabilité monétaire. Au contraire, les autorités monétaires et budgétaires peuvent construire leur réputation en s’attachant à concilier le contrôle de l’inflation et l’objectif d’emploi.
En définitive, si la stabilité des prix est un enjeu primordial de long terme, la politique monétaire ne saurait être assujettie à une règle mécanique de contrôle strict d’inflation. L’utilisation du ciblage de l’inflation à des fins explicites de croissance et d’emploi est de nature à concilier la flexibilité nécessaire à la réponse aux chocs, la responsabilité dans l’exercice des décisions et la prise en compte des préférences de la société. L’aiguille de la boussole ne doit-elle pas indiquer la direction du bien-être social ?