​Ratko Mladic, criminel serbe et symbole des horreurs de la guerre en Bosnie


Samedi 29 Août 2020

Ratko Mladic, dont le procès en appel a eu lieu les 25 et 26 août, s’imaginait héros du peuple serbe mais son nom restera associé aux crimes de la guerre de Bosnie, du siège de Sarajevo au massacre de Srebrenica, pour lesquels il a été condamné à perpétuité en première instance.
Arrêté en 2011 après 16 ans de cavale, le soldat massif et arrogant est devenu un vieil homme malade. Mais son procès n’a pas ébranlé sa conviction exprimée dès sa première apparition devant le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) à La Haye: “Je suis le général Mladic. J’ai défendu mon pays et mon peuple”.
Pour le reste, cet homme tantôt colérique et brutal tantôt jovial et truculent selon ceux qui l’ont approché, a un jour expliqué que “les frontières ont toujours été tracées avec du sang et les États délimités par des tombes”.
Il est considéré comme le troisième architecte de l’épuration ethnique durant un conflit intercommunautaire (1992-95) qui a fait plus de 100.000 morts et 2,2 millions de déplacés.
Depuis Belgrade, le président Slobodan Milosevic, mort à 64 ans en détention en 2006, enflammait les Balkans avec sa rhétorique “grand serbe” tout en manoeuvrant avec la communauté internationale; dans sa “capitale” de Pale, le psychiatre Radovan Karadzic, 72 ans, idéologue des Serbes de Bosnie, condamné en 2016 à 40 ans de détention, déversait sa propagande fanatique.
Mladic, 78 ans, était leur bras armé, seul du trio né en Bosnie, à Bozanovici, village de paysans pauvres du sud.
Très tôt orphelin d’un partisan tué par les Croates oustachis pronazis, il intègre l’armée yougoslave. Quand la guerre éclate, après avoir combattu les Croates, il est vite transféré à Sarajevo, soumise à un interminable siège de près de quatre ans. Plus de 10.000 habitants, dont environ 1.500 enfants, seront tués par les balles des snipers ou les obus qui pleuvaient des hauteurs tenues par les forces de Mladic.
Pourtant, des tee-shirts frappés de son visage sont toujours en vente à Belgrade, ses partisans continuent de véhiculer l’image d’un soldat paysan amoureux de sa terre, respectueux des codes d’honneur de la guerre, n’ayant pour objectifs qu’une Yougoslavie unie puis la protection de “son” peuple contre ceux qu’il désignait comme les “Turcs”, les Bosniaques musulmans.
Une description balayée à La Haye par le procureur Alain Tieger qui a réclamé la perpétuité: “Son souci n’était pas que les musulmans pourraient créer un Etat, son souci était de les faire entièrement disparaître”.
“Sa guerre était une guerre de lâche”, écrit le journaliste britannique Tim Judah, dans son ouvrage “The Serbs”. Pour quelques vrais combats, il a surtout chassé “des centaines de milliers de gens non armés de leurs foyers.”
En 1994, sa fille Ana s’était suicidée. Pour beaucoup, cette étudiante en médecine ne supportait plus le poids des crimes imputés à son père, thèse réfutée par sa famille. Un an plus tard, c’est le massacre de Srebrenica, le pire en Europe depuis la Deuxième guerre mondiale, acte de génocide selon la justice internationale.
Sur des images d’époque, on voit Mladic s’adresser à des civils, femmes et vieillards, après la prise de l’enclave musulmane par ses troupes en juillet 1995. “N’ayez pas peur. Doucement, doucement, laissez les femmes et les enfants partir d’abord”, leur dit-il. On le voit tapoter la joue d’un petit Bosniaque, paternel.
D’autres images le montrent martial dans Srebrenica, se félicitant de cette “revanche contre les Turcs”. Dans les alentours, en quelques jours, ses hommes ont assassiné plus de 8.000 hommes et adolescents bosniaques qui fuyaient.
Après l’accord de paix de Dayton qui fait taire les armes, Mladic reste en Bosnie, à l’abri dans son repaire de Han Pijesak, base à moitié enterrée dans une forêt de pins de l’est du pays.
Puis il s’installe à Belgrade, protégé par l’armée. Officiellement recherché, il ne se cache guère, taille des rosiers, va à la boulangerie, dîne au restaurant, assiste à un match de football. Mais Milosevic est chassé du pouvoir en 2000, Mladic entre en clandestinité. Les arrestations affaiblissent ses réseaux et pour la Serbie, qui aspire à entrer dans l’Union européenne, Mladic devient un problème.
Le 26 mai 2011, il est accueilli chez un cousin, dans le village de Lazarevo (nord), puis livré. En 2012 s’était ouvert son procès pour onze chefs d’accusation de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre.


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