​Le système éducatif au Maroc en question

L’Association Citoyens du Maroc plaide pour un nouveau paradigme face à la dégradation de l’école marocaine


Alain Bouithy
Jeudi 9 Avril 2015

​Le système éducatif au Maroc en question
En dépit du nombre important de diagnostics et de réformes structurelles menées depuis plusieurs années, le système éducatif au Maroc n’a connu que peu d’améliorations et est resté très en deçà des objectifs escomptés.
Parmi les rares résultats obtenus ces quinze dernières années, l’augmentation du nombre d’élèves entre 1999 et 2009. Ce qui, au regard de réformes de grande envergure engagées et des budgets colossaux mis en jeu, reste largement insuffisant aux yeux de l’Association Citoyens du Maroc qui s’est longuement interrogée sur les raisons de cette carence systématique de résultats.
Pour comprendre la modicité des résultats, cette organisation a fait le pari d’analyser la situation d’un point de vue nouveau, en adoptant « un angle d’attaque systémique plutôt que de suivre l’approche pédagogique qui anime généralement le débat », explique-t-elle.
C’est ainsi qu’elle a réalisé une étude impliquant plus de 50 experts nationaux et internationaux dont des institutionnels, d’anciens responsables de l’éducation, des enseignants, des politiques, des technocrates, des parents d’élèves et des membres actifs de la société civile, entre autres.
Deux ans durant, ces derniers ont passé au peigne fin le système d’éducation et de formation au Maroc et examiné les textes nationaux élaborés depuis l’adoption de la Charte nationale d’éducation et de formation par la COSEF, les recommandations du CES, les rapports de l’OCDE, le Plan d’urgence et le rapport de la Banque mondiale sur « Les jeunes 15-29 ans et l’emploi», les études et benchmark d’autres systèmes éducatifs ainsi que les meilleures pratiques d’autres pays, entre autres. 
Selon l’association, il en est ressorti des premières analyses un constat : l’efficacité de l’école marocaine ne cesse de se dégrader et ce, rapidement. 
« Malgré des réformes successives et des milliards de DH injectés dans le système éducatif, le rendement ne suit pas. Les élèves performants sont une espèce de plus en plus  rare tandis que les sortants sans qualification sont légion. De son côté, l’abandon scolaire n’est que très peu endigué par la formation professionnelle », soulignent les auteurs de l’étude.
En effet, des évaluations internationales relèvent la faiblesse des performances des élèves marocains comparées à celles des élèves d’une cinquantaine de pays participants, un important taux de sortants sans qualification et le manque de cohérence de l’articulation « anarchique » entre enseignement scolaire et formation professionnelle.
L’étude révèle, par ailleurs, une faible absorption des flux d’abandon par la formation professionnelle aux niveaux inférieurs et un déséquilibre entre les niveaux bas et les niveaux supérieurs en termes de résorption.
Ce n’est pas tout. Citant des données de la Banque mondiale, l’étude relève que « les jeunes âgés de 15 à 29 ans, qui représentent près du tiers de la population marocaine, font face à des difficultés d’intégration dans la vie économique et civique » et « l’économie est aussi affectée par cet état de fait, puisqu’une grande partie de la population ne participe pas à son développement ».
Malgré l’existence d’une Charte nationale élaborée par la COSEF, l’Association Citoyens du Maroc fait remarquer que « chaque nouveau gouvernement a sa vision et chaque nouveau  ministre a ses réponses » alors que « la mise en œuvre appropriée et la portée de résultats » sont toujours aux abonnés absents et que chaque concept est « parachuté » sans aucun suivi ni suite.
« L’actuel gouvernement n’est pas exempt de ce travers. Il est aussi venu avec ses idées, stoppant net d’autres chantiers comme celui de la pédagogie de l’intégration ou des lycées de référence et d’excellence avant de revenir sur certaines décisions », fustige l’association soulignant que « l’éducation nationale est en perpétuel changement de direction et  ne risque pas d’atteindre la maturité ni l’efficience ».
Cependant, rappellent les auteurs de l’étude, « l’Etat n’est pas seul responsable de la faillite de l’éducation nationale. Il faut aussi pointer du doigt les intérêts corporatistes qui veulent  primer sur l’intérêt général, notamment du côté des syndicats, le manque de coordination entre des institutions censées se compléter, la démission, parfois imposée,  des parents d’élèves de leur rôle de partenaires, mais aussi l’attitude de bon nombre d’enseignants eux-mêmes ». Des réalités qui impactent négativement l’image de l’école dans son ensemble, s’indigne l’Association Citoyens du Maroc.
Afin d’enclencher une dynamique de rénovation en profondeur du système éducatif, l’association appelle à adopter un système pluriel et une gouvernance rénovée. Qui portera en premier sur l’évolution  du rôle de l’Etat vers un rôle d’abord de régulateur de l’offre éducative, dans ce sens que l’Etat doit créer les conditions de l’émergence d’autres variantes d’offres éducatives. En second lieu, l’assainissement et la rationalisation du système actuel, en agissant prioritairement sur les nœuds de non-qualité. Puis, en troisième lieu, la  mise en place d’une nouvelle gouvernance. Celle-ci s’appuiera « sur une loi-cadre qui inscrit le projet de réforme  et qui fixe le cap sur un horizon de 10 à 20 ans. La séparation entre les  organes de la politique éducative, de la planification stratégique et  de contrôle  d’une part, et des organes d’exécution opérationnelle d’autre part », explique-t-on. 


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