Quand les égouts débordent immanquablement, on ne peut même pas parler d’une gestion de caniveau
Ce qui s’est passé à Tanger se tramait et couvait depuis des années, chaque mois, chaque semaine et chaque jour. Au su et au vu de tout le monde. Des dizaines de femmes et d’hommes qui étaient régulièrement présents sur les lieux, qui s’y engouffraient, sans que cela interpelle qui que ce soit, même pas les autorités à quelque niveau de responsabilité que ce soit, et encore moins des élus qui se sont vu agrémenter des destinées de la ville, et qui se projettent d’ores et déjà sur les prochaines échéances électorales pour la noyer encore plus.
Certes il y a lieu de montrer du doigt le travail informel, mais il y a surtout cette gestion informelle. Une non-gestion en fait. Sinon comment s’expliquer ces inondations à répétition qui engloutissent des quartiers entiers chaque fois qu’il pleut sur la ville. Quand les égouts débordent immanquablement, on ne peut même pas parler d’une gestion de caniveau. Le bilan, cette fois, est lourd. Il y a eu des morts. C’est qui le meurtrier ? Les meurtriers ?
Et qu’est-ce qui justifierait, par ailleurs, cette existence d’un informel qui a pris des dimensions incommensurables? Dans le cas d’espèce, il ne s’agit pas du pauvre citoyen qui expose au coin de la rue quelques légumes ou fruits à même le sol ou sur des étals de fortune, mais plutôt d’«une unité de textile» (ce sont leurs termes) employant une bonne centaine de personnes, occupant deux niveaux de ce qui était censé servir de logement, et cohabitant avec plusieurs machines. Mais c’est clandestin. Abhorrable ridicule qui ne tue point.
Et cela l’est tellement qu’un certain ministre a annoncé, sans coup férir, qu’il fallait attendre les résultats de l’enquête pour… Pourquoi faire ? Pour qu’il démissionne ?
Sauf qu’il ne faut passe leurrer. S’il ne l’a pas fait après avoir été pris en flagrant délit vis-à-vis de la CNSS et de pauvres employés privés de leurs droits les plus élémentaires, ce n’est pas aujourd’hui qu’il va le faire. Et que crève qui voudra !
Cela dit, il faut absolument situer les responsabilités. Outre celle de l’employeur qui est indéniable, il y a celle de l’inspection du travail. A-t-elle dressé un rapport en bonne et due forme dans ce sens ? Celle aussi du mokadem et du cheikh. Ont-ils avisé le caïd ? Et celui-ci, le gouverneur? Le wali après ? Et tout l’Intérieur ? Et le même raisonnement pourrait également tenir pour le ministère du Commerce et de l’Industrie.
Il faut bien se dire qu’au nom d’une certaine paix sociale, on est en train de trop caresser l’informel dans le sens du poil. Et pendant ce temps, il y en a qui s’en remplissent les poches pendant que d’autres essayent de vivoter quand ils ne le paient pas de leur vie.
Jusqu’à quand ? Surtout que des «unités» tout aussi «clandestines» pullulent à travers notre si beau pays.