​Etats-Unis et Union européenne se disputent la priorité de l’accès au vaccin

Et le reste du monde ? Oxfam et l’OMS prônent l’universalité des soins


Alain Bouithy
Vendredi 15 Mai 2020

Le lundi 18 mai, les ministres de la Santé de 194 pays prendront part à la 73ème Assemblée mondiale de la santé (organe décisionnel suprême de l’OMS) où un accent particulier sera mis sur la crise sanitaire mondiale induite par la pandémie du nouveau coronavirus (Covid-19). 
A la veille de cette importante réunion virtuelle, Oxfam a souligné la nécessité de garantir un accès équitable et très large du vaccin contre le coronavirus aux personnes vulnérables, notamment celles vivant dans les pays en développement.
L’organisation, connue pour son combat et son engagement contre les inégalités et la pauvreté dans le monde, a estimé que vacciner la moitié la plus pauvre de l’humanité contre le coronavirus pourrait coûter moins que quatre mois de bénéfices des grandes compagnies pharmaceutiques.
Comme l’a relevé Jose Maria Vera, directeur général intérimaire d’Oxfam International, dans un communiqué publié jeudi 14 mai, « le prix de la vaccination de 3,7 milliards de personnes pourrait s’avérer inférieur aux profits engrangés par les dix plus grandes compagnies pharmaceutiques en quatre mois ». 
Pour bien comprendre, rappelons simplement que les 10 plus grandes entreprises pharmaceutiques ont engrangé 89 milliards de dollars de bénéfices au cours de l’année dernière, selon les estimations de la Fondation Gates. Ce qui représente un peu moins de 30 milliards de dollars en moyenne tous les quatre mois. 
Si l’on en croit toujours la Fondation, l’achat et l’administration d’un vaccin sûr et efficace aux personnes les plus pauvres du monde coûteraient 25 milliards de dollars.
Au regard de tous ces chiffres, il serait ainsi « indécent de ne pas garantir la disponibilité d’un vaccin gratuit pour tous », a estimé Jose Maria Vera de même source.
Quoi qu’il en soit, le DG intérimaire d’Oxfam pense que les vaccins, les tests et les traitements devraient être distribués en fonction des besoins et non pas vendus au plus offrant. 
Cité dans le communiqué, il a insisté sur le fait que « nous avons besoin de vaccins, de traitements et de tests sûrs et non brevetés qui peuvent être produits en quantité massive dans le monde entier, et d’un plan équitable et clairement défini pour assurer leur distribution».
Mais une fois que des vaccins ou des traitements auront été mis au point, sa plus grande crainte est qu’« il existe un grand risque que les pays riches et puissants parviennent à se les procurer en priorité en les achetant à un prix plus élevé que les pays pauvres – comme ils l’ont fait notamment avec les équipements de protection individuelle et l’oxygène, que tous les pays se disputaient ».
Pour rappel, pas plus tard qu’en mars dernier, le fabricant de médicaments Gilead a tenté d’élargir son monopole sur un traitement potentiel contre le virus, et n’a fait marche arrière qu’après avoir suscité un tollé général. 
S’il a donné la totalité de ses stocks actuels de remdesivir au gouvernement des Etats-Unis, comme le rapportent certaines informations, tout porte à croire que « la poursuite de la production de ce médicament devrait assurer à l’entreprise des bénéfices considérables », a poursuivi Jose Maria Vera. 
Il affirme en outre que « certains analystes de Wall Street anticipent que Gilead facturera ce traitement à hauteur de plus de 4.000 $ par patient, alors même que son coût peut atteindre seulement 9 $ par patient ».
Saisissant l’occasion de la tenue de cette réunion internationale, Oxfam a pour toutes ces raisons exhorté « les gouvernements et les compagnies pharmaceutiques à garantir que les vaccins, les tests et les traitements ne seront pas brevetés et qu’ils seront distribués équitablement entre l’ensemble des nations et des peuples ».
Consciente que rien n’est encore garanti, Oxfam a tiré la sonnette d’alarme en révélant que « les pays riches et les géants du secteur pharmaceutique, motivés par des intérêts nationaux ou privés, pourraient empêcher ou retarder l’accès des personnes vulnérables à un vaccin, notamment dans les pays en développement ».
A propos des intérêts privés, le PDG du laboratoire Sonafi, Paul Hudson, a annoncé, mercredi dernier, que son groupe servirait en premier les Etats-Unis en cas de découverte d’un vaccin contre le coronavirus. Une décision qui a suscité une vive polémique jusqu’au gouvernement français.
En effet, fustigeant cette décision du groupe pharmaceutique mondial, la secrétaire d’Etat français auprès du ministre de l’Economie, Agnès Pannier-Runacher, a déclaré jeudi 14 mai qu’il serait « inacceptable qu’il y ait un accès privilégié de tel ou tel pays sous un prétexte qui serait pécuniaire», rapportent divers médias. Face au tollé suscité par l’annonce du laboratoire, le patron de la filiale française de Sanofi, Olivier Bogillot, s’est empressé d’assurer sur BFMTV que le vaccin «sera accessible à tout le monde, les Américains et les Européens l’auront en même temps ».
Etant donné que de nombreux pays pauvres ne peuvent pas accéder à des vaccins et médicaments essentiels à cause de la réglementation des brevets, qui octroie aux compagnies pharmaceutiques des droits monopolistiques et la capacité de fixer des prix bien au-delà des moyens de ces pays, comme l’a relevé Jose Maria Vera, Oxfam propose un plan mondial en quatre points, qui appelle à autant d’actions.
La première action vise le partage obligatoire de la totalité des connaissances, des données et de la propriété intellectuelle en relation avec le Covid-19, et l’engagement à accorder des financements publics uniquement à condition que les traitements ou les vaccins mis au point soient exempts de brevet et accessibles à tous.
La deuxième action porte sur l’engagement à accroître les capacités mondiales de fabrication et de distribution des vaccins, financé par les pays riches ; tandis que la troisième promeut l’élaboration d’un plan de distribution équitable, approuvé par tous les pays, avec une clause non modifiable garantissant l’équité afin que l’approvisionnement soit basé sur les besoins et non sur la capacité à payer. Oxfam propose « un coût maximal de 2 dollars par dose de vaccin ».
Enfin, la quatrième action porte sur l’engagement à corriger le système de recherche et développement de nouveaux médicaments, qui est défaillant. 


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1.Posté par Manu le 13/06/2020 14:55
Mais gardez le votre vaccin !

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